La Fondation Open Society Initiative for West Africa (Osiwa) va accueillir à Dakar, du 15 au 17 avril 2013, la réunion du Conseil d’administration mondial des fondations Open Society (Osf), avec la présence de Georges Soros, le fondateur qui prendra part aux différents travaux. Cette rencontre permettra à Osf d’explorer son travail sur le continent africain. Les Fondations Open Society mettent en œuvre un large éventail de programmes couvrant l'ensemble des questions relatives aux sociétés ouvertes, en accordant des subventions à des partenaires dans les différents pays d’intervention pour promouvoir la démocratie participative. Les participants à la réunion sont les membres du conseil d’administration issus des quatre coins du monde et les membres des conseils d’administration des fondations régionales en Afrique. A la veille de cette rencontre, le directeur exécutif du bureau régional Afrique de l’ouest Osiwa, Abdul Tejan-Cole, s’est confié au « Soleil ».
Qu’est-ce qui explique le choix du Sénégal pour abriter la réunion annuelle du conseil d’administration mondial du réseau Open Society Foundations ?
« Le Sénégal est unanimement reconnu comme un havre de paix, de démocratie et de stabilité en Afrique de l'Ouest. Une réputation justifiée par un système démocratique bien ancré, des élections libres, transparentes et régulières, des transitions politiques et civiles réussies depuis l’indépendance, ainsi que des institutions qui fonctionnent, contrairement à ce qui s’observe ailleurs dans la sous-région. Il faut également ajouter qu’il s’agit d’un système ouvert et démocratique favorisant une gouvernance participative dans la gestion des affaires publiques. Enfin, le pays tend à être un modèle de tolérance religieuse, ethnique et politique. À bien des égards, le Sénégal épouse les valeurs d'une société ouverte et c’est pourquoi nous sommes heureux que le gouvernement et le peuple sénégalais offrent l’opportunité aux Conseils d’Administration du réseau mondial Osf de tenir leurs travaux à Dakar, et de bénéficier de la légendaire Téranga sénégalaise ».
Comment définiriez-vous les sociétés ouvertes que Open Society prône ? En 13 ans d’existence, comment avez-vous contribué à l’avènement d’une société ouverte au Sénégal ?
« Le concept de société ouverte a été, à l’origine, developpé par le philosophe francais Henri Bergson, puis, plus tard, par le penseur britanno-autrichien Karl Popper. Il s’agit de sociétés ouvertes, vibrantes, tolérantes, caracterisées par une gouvernance inclusive, le sens de la responsabilité dans la gestion des institutions et des citoyens actifs. Sur cette base, notre vision pour l’Afrique de l’Ouest en général est celle d'une société ouverte caracterisée par des Etats responsables, faisant preuve de transprence et de bonne gouvernance, avec des institutions démocratiques solides, des citoyens engagés, une base solide pour l’état de droit et la justice sociale, le respect des droits de l'homme et des libertés, la paix et la sécurité .
Au Sénégal, Osiwa a joué un rôle important dans la promotion de la participation citoyenne dans les processus de gouvernance. La Fondation a soutenu des initiatives en faveur de la protection des droits de l'homme ; du leadership des femmes et des jeunes ; du renforcement du rôle des médias et de la protection de la liberté de presse. Nous avons, entre autres, appuyé les initiatives du ministère de la Communication dans le processus de réforme du code de la presse. Un accent particulier a été mis sur les initiatives favorisant une participation plurielle aux processus électoraux en 2007 et 2012. Osiwa contribue également à la promotion de la gouvernance locale par l'utilisation des meilleures pratiques de la transparence et de la reddition des comptes, tout en s’assurant que les procédures budgétaires sont participatives. Nous avons, entre autres, appuyé des actions de promotion de la transparence et de la responsabilité dans la gestion des ressources nationales, dans le secteur de l'éducation, ainsi que des initiatives de réforme du secteur de la justice. Osiwa a aussi apporté son soutien au comité en charge de la réforme du code pénal ».
C’est davantage sur le terrain des élections que l’on a souvent vu Osiwa. Un commentaire sur la très forte implication des organisations et des observateurs internationaux dans ce scrutin...
« Vous conviendrez avec moi qu’une forte participation citoyenne au processus électoral est importante en démocratie. Pour ce qui concerne le processus électoral au Sénégal, Osiwa a, entre autres, appuyé des initiatives de sensibilisation et de mobilisation pour les inscriptions sur les listes électorales, de retrait des cartes d'électeurs, d'éducation des électeurs et de vulgarisation de la loi électorale. Nous avons également appuyé des initiatives visant le respect des dispositions de la Constitution en matière de démocratie participative et à assurer la transparence électorale. Notre objectif était également de permettre aux citoyens d’exprimer leurs préoccupations aux candidats et échanger sur les promesses élecorales, à travers une plate-forme accessible au public. Le Comité de Veille mis en place par les autorités, en collaboration avec la sociéte civile, a également reçu notre soutien, et son rôle a été crucial dans le suivi des conditions d’organisation et de réussite des élections.Toujours dans le souci d’une large participation citoyenne au processus, nous avons accompagné des organisations de la société civile, réunies au sein d’une coalition pour les élections, dans leur projet de mise en place d’une Election Situation Room. Ils disposaient, entre autres, d’un dispositif Ntic qui leur a permis d’assurer un suivi et une observation en temps réel des conditions de vote sur toute l’étendue du territoire Sénégalais. Nous avions, auparavant, eu une telle expérience avec les Organisations de la Société civile (Osc) du Nigeria, du Liberia et de la Sierra Leone ».
Tout ce dispositif international aurait-il été efficace si l’ancien président avait refusé de reconnaître sa défaite ?
« La Cedeao et l'Union africaine œuvrent pour que la défense de la démocratie et la bonne gouvernance constituent le socle de la démocratie dans les pays membres. Toute violation de leurs chartes respectives aurait pu conduire ces deux organisations à prendre les mesures nécessaires ».
Quel regard portez-vous sur l’évolution de la société civile sénégalaise au fil des ans, en termes de crédibilité, de capacité d’action et même de positionnement comme contrepouvoir ?
« Avec une tradition de pluralisme ainsi que de liberté d’association et d’expression, le Sénégal recèle d’une société riche, variée et responsable. Les organisations de la société civile se déploient à différents niveaux d’éducation, de conscientisation et d’accompagnement des masses populaires dans divers domaines. Elles travaillent aux côtés de l’Etat à combler le gap que celui-ci laisse dans la réalisation de sa mission de fourniture de services aux citoyens. Elles s’assurent également du respect des engagements de celui-ci à l’endroit des citoyens par un travail continu de veille et d’alerte.
Les recents événements ont montré la pertinence et la capacité des Osc au Sénégal dans la contribution au bon fonctionnement de la consolidation démocratique du pays. Cependant, comme c'est le cas dans tous les pays ouest-africains, les Osc sénégalaises sont confrontées à plusieurs défis tels que la nécessité de renforcer leurs capacités afin de leur permettre de contribuer plus efficacement à la formulation et à la mise en œuvre des politiques et de s’assurer de la reddition des comptes dans la gestion des ressources de l'État. Il est également nécessaire d’améliorer l'organisation interne et le fonctionnement d'un certain nombre d'Osc.
A quoi répond la stratégie d’Osiwa de soutenir à la fois les sociétés civiles et les gouvernements ?
« Dans l'élaboration de la stratégie, une série de consultations a été menée à travers l'Afrique de l’ouest. Ces consultations ont permis d’identifier l’un des defis majeurs auquel est confrontée la societé ouverte dans beaucoup de pays en Afrique de l’ouest, à savoir la faiblesse des institutions de gouvernance démocratique et l’incapacité de la societé civile à demander des comptes aux gouvernants. Nous nous sommes, par conséquent, fixé pour objectifs stratégiques de contribuer au renforcement des institutions, des processus et des structures de gouvernance transparentes, comptables de leurs actes et n’accordant aucune place à l’impunité. Un autre objectif clé est d’appuyer le renforcement de la participation citoyenne dans le processus de prise de décision. Nous travaillons tant au niveau de «l'offre» que de la «demande» pour la gouvernance démocratique, grâce à une combinaison inédite d’octroi de subventions, de plaidoyer et de partenariats stratégiques avec des institutions qui ont des mandats plus ou moins similaires au nôtre. Nous établissons des partenariats stratégiques aussi bien avec les institutions étatiques et structures publiques et parapubliques qu’avec les acteurs non-étatiques, et plus spécifiquement les organisations de la société civile. Ainsi, sur une même question, nous actionnons, à la fois, les leviers tant institutionnels que ceux de la société civile et des citoyens à la base. En quelque sorte, nous œuvrons à établir un pont entre l’Etat et la société civile pour impulser une meilleure collaboration entre ces deux pôles ».
Il semble qu’Osiwa s’intéresse à la question des enfants de la rue ou talibés, qui a récemment fait l’actualité. Avec quelle stratégie ? Sera-t-elle différente de ce qui a été fait jusqu’ici ?
« Vu le nombre d’actions institutionnelles de diverses natures, nous avons estimé important de faire un état des lieux avant tout engagement sur la question, pour éviter de reproduire des approches qui se sont avérées inopérantes ou inefficaces. Une étude a donc été commanditée en vue de la conception (en toute connaissance de cause) de stratégies novatrices et durables devant servir d’axes d’intervention. Une composante documentaire réalisera une cartographie des études faites sur le sujet par les différents acteurs. Une enquête qualitative évaluera les résultats des actions de promotion en faveur des enfants talibés et la perception des différentes parties prenantes. L’Etat et les partenaires ont initié un ensemble de dispositifs règlementaires et des actions de promotion destinées à protéger davantage les talibés et améliorer leurs conditions de vie. La cartographie permettra d’identifier précisément ces interventions et les parties prenantes tandis que les enquêtes qualitatives contribueront, d’une part à cerner les perceptions des différents acteurs, et, d’autre part, à évaluer les résultats obtenus ainsi que les difficultés rencontrées. La recherche disponible montre qu’il faut une approche diversifiée sur la problématique car il y a différents types de daaras : modernes, communautaires et itinérants. Nous envisageons de tenir un atelier de validation qui va permettre de partager les résultats avec tous les acteurs concernés. A l’issue de cet atelier, des axes précis d’intervention seront identifiés. Comme sur d’autres sujets, nous travaillerons aussi bien avec les institutions étatiques que les organisations de la société civile pour une meilleure synergie des actions ».
En dehors du Sénégal, Osiwa intervient dans 8 autres pays ouest-africains : Benin, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée-Conakry, Libéria, Niger, Nigéria et Sierra Leone. Ces pays connaissent soit des situations politiques post électorales internes difficiles,v soit des problèmes de développement, et même des menaces sécuritaires avec la situation au Mali. Votre tâche n’est-elle pas trop ambitieuse eu égard à ces importants défis qui relèvent souvent de facteurs très complexes ?
« A l'origine, Osiwa opérait dans tous les pays de la Cedeao en plus du Tchad, de la Mauritanie et du Cameroun, soit un total de 18 pays. Il y’a deux ans, nous avons jugé nécessaire de recentrer notre intervention sur 9 pays, parce que, justement, il paraissait trop ambiteux de vouloir couvrir autant de pays. Pour plus d’efficacité, la Fondation a réduit sa portée géographique et a prevu de concentrer ses ressources limitées sur un sous-ensemble stratégique de pays en Afrique de l'Ouest. Nous élaborons et mettons en œuvre des programmes bien définis fondés sur des choix stratégiques devant nous aider à atteindre les obejctifs fixés.
Il y’a certes des défis, mais il y’a également beaucoup d’opportunités. Il y a eu des avancées majeures dans la promotion des droits de l'homme et de la démocratie. La plupart des conflits de la sous-région ont été stabilisés. La société civile, dans de nombreux pays, se consolide, certes lentement, mais joue de plus en plus son rôle dans la gouvernance. Les récentes élections au Sénégal, au Ghana, en Sierra Leone, au Libéria et au Nigéria montrent que le processus de démocratisation continue de suivre son chemin. Aujourd'hui, dans les neuf pays où nous intervienons, les présidents en exercice ont tous été élus démocratiquement. Il pourrait y avoir des interrogations sur la qualité de l’élection de certains d’entre eux, mais ils ont néanmoins été élus. La plupart de ces pays a des sociétés de plus en plus ouvertes, avec une presse dynamique et un dialogue public qui aide à la consolidation de la démocratie. Nous devons tirer profit de ces opportunités et continuer à aller de l'avant ».
Quelle lecture faites-vous de la question de l’insécurité et du terrorisme au Sahel et comment lutter contre ce phénomène au Mali mais aussi dans les pays environnants ?
« Bien que n’opérant pas au Mali, les événements qui y ont cours ont des implications majeures pour les pays dans lesquels nous travaillons comme le Niger, mais égalment pour toute l'Afrique de l'Ouest. La reconstruction de la démocratie au Mali est nécessaire ainsi que l'identification de leaders clés et d’organisations de la société civiles capables de participer aux efforts de dialogue, de façon formelle ou informelle tant aux niveaux local que national, de sorte à faire avancer la reconciliation nationale et le processus de bonne gouvernance dans ce pays ».
Entretien réalisé par Cheikh THIAM
Le Soleil
Qu’est-ce qui explique le choix du Sénégal pour abriter la réunion annuelle du conseil d’administration mondial du réseau Open Society Foundations ?
« Le Sénégal est unanimement reconnu comme un havre de paix, de démocratie et de stabilité en Afrique de l'Ouest. Une réputation justifiée par un système démocratique bien ancré, des élections libres, transparentes et régulières, des transitions politiques et civiles réussies depuis l’indépendance, ainsi que des institutions qui fonctionnent, contrairement à ce qui s’observe ailleurs dans la sous-région. Il faut également ajouter qu’il s’agit d’un système ouvert et démocratique favorisant une gouvernance participative dans la gestion des affaires publiques. Enfin, le pays tend à être un modèle de tolérance religieuse, ethnique et politique. À bien des égards, le Sénégal épouse les valeurs d'une société ouverte et c’est pourquoi nous sommes heureux que le gouvernement et le peuple sénégalais offrent l’opportunité aux Conseils d’Administration du réseau mondial Osf de tenir leurs travaux à Dakar, et de bénéficier de la légendaire Téranga sénégalaise ».
Comment définiriez-vous les sociétés ouvertes que Open Society prône ? En 13 ans d’existence, comment avez-vous contribué à l’avènement d’une société ouverte au Sénégal ?
« Le concept de société ouverte a été, à l’origine, developpé par le philosophe francais Henri Bergson, puis, plus tard, par le penseur britanno-autrichien Karl Popper. Il s’agit de sociétés ouvertes, vibrantes, tolérantes, caracterisées par une gouvernance inclusive, le sens de la responsabilité dans la gestion des institutions et des citoyens actifs. Sur cette base, notre vision pour l’Afrique de l’Ouest en général est celle d'une société ouverte caracterisée par des Etats responsables, faisant preuve de transprence et de bonne gouvernance, avec des institutions démocratiques solides, des citoyens engagés, une base solide pour l’état de droit et la justice sociale, le respect des droits de l'homme et des libertés, la paix et la sécurité .
Au Sénégal, Osiwa a joué un rôle important dans la promotion de la participation citoyenne dans les processus de gouvernance. La Fondation a soutenu des initiatives en faveur de la protection des droits de l'homme ; du leadership des femmes et des jeunes ; du renforcement du rôle des médias et de la protection de la liberté de presse. Nous avons, entre autres, appuyé les initiatives du ministère de la Communication dans le processus de réforme du code de la presse. Un accent particulier a été mis sur les initiatives favorisant une participation plurielle aux processus électoraux en 2007 et 2012. Osiwa contribue également à la promotion de la gouvernance locale par l'utilisation des meilleures pratiques de la transparence et de la reddition des comptes, tout en s’assurant que les procédures budgétaires sont participatives. Nous avons, entre autres, appuyé des actions de promotion de la transparence et de la responsabilité dans la gestion des ressources nationales, dans le secteur de l'éducation, ainsi que des initiatives de réforme du secteur de la justice. Osiwa a aussi apporté son soutien au comité en charge de la réforme du code pénal ».
C’est davantage sur le terrain des élections que l’on a souvent vu Osiwa. Un commentaire sur la très forte implication des organisations et des observateurs internationaux dans ce scrutin...
« Vous conviendrez avec moi qu’une forte participation citoyenne au processus électoral est importante en démocratie. Pour ce qui concerne le processus électoral au Sénégal, Osiwa a, entre autres, appuyé des initiatives de sensibilisation et de mobilisation pour les inscriptions sur les listes électorales, de retrait des cartes d'électeurs, d'éducation des électeurs et de vulgarisation de la loi électorale. Nous avons également appuyé des initiatives visant le respect des dispositions de la Constitution en matière de démocratie participative et à assurer la transparence électorale. Notre objectif était également de permettre aux citoyens d’exprimer leurs préoccupations aux candidats et échanger sur les promesses élecorales, à travers une plate-forme accessible au public. Le Comité de Veille mis en place par les autorités, en collaboration avec la sociéte civile, a également reçu notre soutien, et son rôle a été crucial dans le suivi des conditions d’organisation et de réussite des élections.Toujours dans le souci d’une large participation citoyenne au processus, nous avons accompagné des organisations de la société civile, réunies au sein d’une coalition pour les élections, dans leur projet de mise en place d’une Election Situation Room. Ils disposaient, entre autres, d’un dispositif Ntic qui leur a permis d’assurer un suivi et une observation en temps réel des conditions de vote sur toute l’étendue du territoire Sénégalais. Nous avions, auparavant, eu une telle expérience avec les Organisations de la Société civile (Osc) du Nigeria, du Liberia et de la Sierra Leone ».
Tout ce dispositif international aurait-il été efficace si l’ancien président avait refusé de reconnaître sa défaite ?
« La Cedeao et l'Union africaine œuvrent pour que la défense de la démocratie et la bonne gouvernance constituent le socle de la démocratie dans les pays membres. Toute violation de leurs chartes respectives aurait pu conduire ces deux organisations à prendre les mesures nécessaires ».
Quel regard portez-vous sur l’évolution de la société civile sénégalaise au fil des ans, en termes de crédibilité, de capacité d’action et même de positionnement comme contrepouvoir ?
« Avec une tradition de pluralisme ainsi que de liberté d’association et d’expression, le Sénégal recèle d’une société riche, variée et responsable. Les organisations de la société civile se déploient à différents niveaux d’éducation, de conscientisation et d’accompagnement des masses populaires dans divers domaines. Elles travaillent aux côtés de l’Etat à combler le gap que celui-ci laisse dans la réalisation de sa mission de fourniture de services aux citoyens. Elles s’assurent également du respect des engagements de celui-ci à l’endroit des citoyens par un travail continu de veille et d’alerte.
Les recents événements ont montré la pertinence et la capacité des Osc au Sénégal dans la contribution au bon fonctionnement de la consolidation démocratique du pays. Cependant, comme c'est le cas dans tous les pays ouest-africains, les Osc sénégalaises sont confrontées à plusieurs défis tels que la nécessité de renforcer leurs capacités afin de leur permettre de contribuer plus efficacement à la formulation et à la mise en œuvre des politiques et de s’assurer de la reddition des comptes dans la gestion des ressources de l'État. Il est également nécessaire d’améliorer l'organisation interne et le fonctionnement d'un certain nombre d'Osc.
A quoi répond la stratégie d’Osiwa de soutenir à la fois les sociétés civiles et les gouvernements ?
« Dans l'élaboration de la stratégie, une série de consultations a été menée à travers l'Afrique de l’ouest. Ces consultations ont permis d’identifier l’un des defis majeurs auquel est confrontée la societé ouverte dans beaucoup de pays en Afrique de l’ouest, à savoir la faiblesse des institutions de gouvernance démocratique et l’incapacité de la societé civile à demander des comptes aux gouvernants. Nous nous sommes, par conséquent, fixé pour objectifs stratégiques de contribuer au renforcement des institutions, des processus et des structures de gouvernance transparentes, comptables de leurs actes et n’accordant aucune place à l’impunité. Un autre objectif clé est d’appuyer le renforcement de la participation citoyenne dans le processus de prise de décision. Nous travaillons tant au niveau de «l'offre» que de la «demande» pour la gouvernance démocratique, grâce à une combinaison inédite d’octroi de subventions, de plaidoyer et de partenariats stratégiques avec des institutions qui ont des mandats plus ou moins similaires au nôtre. Nous établissons des partenariats stratégiques aussi bien avec les institutions étatiques et structures publiques et parapubliques qu’avec les acteurs non-étatiques, et plus spécifiquement les organisations de la société civile. Ainsi, sur une même question, nous actionnons, à la fois, les leviers tant institutionnels que ceux de la société civile et des citoyens à la base. En quelque sorte, nous œuvrons à établir un pont entre l’Etat et la société civile pour impulser une meilleure collaboration entre ces deux pôles ».
Il semble qu’Osiwa s’intéresse à la question des enfants de la rue ou talibés, qui a récemment fait l’actualité. Avec quelle stratégie ? Sera-t-elle différente de ce qui a été fait jusqu’ici ?
« Vu le nombre d’actions institutionnelles de diverses natures, nous avons estimé important de faire un état des lieux avant tout engagement sur la question, pour éviter de reproduire des approches qui se sont avérées inopérantes ou inefficaces. Une étude a donc été commanditée en vue de la conception (en toute connaissance de cause) de stratégies novatrices et durables devant servir d’axes d’intervention. Une composante documentaire réalisera une cartographie des études faites sur le sujet par les différents acteurs. Une enquête qualitative évaluera les résultats des actions de promotion en faveur des enfants talibés et la perception des différentes parties prenantes. L’Etat et les partenaires ont initié un ensemble de dispositifs règlementaires et des actions de promotion destinées à protéger davantage les talibés et améliorer leurs conditions de vie. La cartographie permettra d’identifier précisément ces interventions et les parties prenantes tandis que les enquêtes qualitatives contribueront, d’une part à cerner les perceptions des différents acteurs, et, d’autre part, à évaluer les résultats obtenus ainsi que les difficultés rencontrées. La recherche disponible montre qu’il faut une approche diversifiée sur la problématique car il y a différents types de daaras : modernes, communautaires et itinérants. Nous envisageons de tenir un atelier de validation qui va permettre de partager les résultats avec tous les acteurs concernés. A l’issue de cet atelier, des axes précis d’intervention seront identifiés. Comme sur d’autres sujets, nous travaillerons aussi bien avec les institutions étatiques que les organisations de la société civile pour une meilleure synergie des actions ».
En dehors du Sénégal, Osiwa intervient dans 8 autres pays ouest-africains : Benin, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée-Conakry, Libéria, Niger, Nigéria et Sierra Leone. Ces pays connaissent soit des situations politiques post électorales internes difficiles,v soit des problèmes de développement, et même des menaces sécuritaires avec la situation au Mali. Votre tâche n’est-elle pas trop ambitieuse eu égard à ces importants défis qui relèvent souvent de facteurs très complexes ?
« A l'origine, Osiwa opérait dans tous les pays de la Cedeao en plus du Tchad, de la Mauritanie et du Cameroun, soit un total de 18 pays. Il y’a deux ans, nous avons jugé nécessaire de recentrer notre intervention sur 9 pays, parce que, justement, il paraissait trop ambiteux de vouloir couvrir autant de pays. Pour plus d’efficacité, la Fondation a réduit sa portée géographique et a prevu de concentrer ses ressources limitées sur un sous-ensemble stratégique de pays en Afrique de l'Ouest. Nous élaborons et mettons en œuvre des programmes bien définis fondés sur des choix stratégiques devant nous aider à atteindre les obejctifs fixés.
Il y’a certes des défis, mais il y’a également beaucoup d’opportunités. Il y a eu des avancées majeures dans la promotion des droits de l'homme et de la démocratie. La plupart des conflits de la sous-région ont été stabilisés. La société civile, dans de nombreux pays, se consolide, certes lentement, mais joue de plus en plus son rôle dans la gouvernance. Les récentes élections au Sénégal, au Ghana, en Sierra Leone, au Libéria et au Nigéria montrent que le processus de démocratisation continue de suivre son chemin. Aujourd'hui, dans les neuf pays où nous intervienons, les présidents en exercice ont tous été élus démocratiquement. Il pourrait y avoir des interrogations sur la qualité de l’élection de certains d’entre eux, mais ils ont néanmoins été élus. La plupart de ces pays a des sociétés de plus en plus ouvertes, avec une presse dynamique et un dialogue public qui aide à la consolidation de la démocratie. Nous devons tirer profit de ces opportunités et continuer à aller de l'avant ».
Quelle lecture faites-vous de la question de l’insécurité et du terrorisme au Sahel et comment lutter contre ce phénomène au Mali mais aussi dans les pays environnants ?
« Bien que n’opérant pas au Mali, les événements qui y ont cours ont des implications majeures pour les pays dans lesquels nous travaillons comme le Niger, mais égalment pour toute l'Afrique de l'Ouest. La reconstruction de la démocratie au Mali est nécessaire ainsi que l'identification de leaders clés et d’organisations de la société civiles capables de participer aux efforts de dialogue, de façon formelle ou informelle tant aux niveaux local que national, de sorte à faire avancer la reconciliation nationale et le processus de bonne gouvernance dans ce pays ».
Entretien réalisé par Cheikh THIAM
Le Soleil