Cheikh DIENG, Dg de l’Aprosen : « L’Etat et les collectivités détiendront 60 % de la Soprosen »



La Société pour la propreté du Sénégal (Soprosen) sera une entreprise à participation publique majoritaire où l’Etat et les collectivités locales détiendront 60 % du capital. L’assurance est du directeur de l’Aprosen, Cheikh Dieng, qui dégage ici les contours de la nouvelle société ainsi que les enjeux d’une gestion nationale des ordures.

 

L’Etat a crée une nouvelle société de gestion des ordures. Quels sont ses contours ?

 

La Société pour la propreté du Sénégal (Soprosen) est une société à participation publique majoritaire où l’Etat et les collectivités locales détiendront 60 % du capital. Le privé, le secteur parapublic, les organisations non gouvernementales, les associations s’activant dans l’environnement qui le désirent, etc., auront 30 % et les travailleurs détiendront 10 %. C’est une société qui sera investie d’une mission de service mais qui travaillera suivant les normes, les mécanismes de management d’une société privée, tout en faisant du service public de collecte et de gestion des ordures ménagères pour pouvoir se pérenniser. Le chef de l’Etat a opté pour ce mode en tirant les leçons des expériences de la SOADIP, de la SIAS dont le caractère public avait plombé l’efficacité.

Après quinze ans d’application de la loi sur la décentralisation, la gestion de proximité des ordures n’a pas donné les résultats escomptés malgré le fait que l’Etat donne 10 milliards de F Cfa aux communes de la région de Dakar pour les aider à faire face à la problématique de la gestion des ordures. Ainsi, pour des raisons de protection des populations, de l’environnement au regard des impacts des déchets, le gouvernement a imaginé un autre type de gestion où l’Etat cohabitera avec les collectivités locales.

 

Quelles sont ses attributions ?

 

La Soprosen aura quatre fonctions principales. Cette société assurera d’abord la maîtrise d’ouvrage délégué en matière de pré-collecte, de collecte, de transport, de valorisation et d’élimination des déchets. Ensuite, la Soprosen mettra en place une filière des déchets biomédicaux et des abattoirs. Aujourd’hui, nous courrons un risque sanitaire grave. Les centres de santé et même les grands hôpitaux, n’ont pas les infrastructures nécessaires d’élimination des déchets biomédicaux. Or, avec le niveau de contamination de ces déchets qui sont parfois brûlés, enterrés ou mélangés avec les déchets ordinaires, les populations et l’environnement courent un péril. Les déchets d’abattoirs rentrent dans la même catégorie. A Saint-Louis, ces déchets sont jetés dans le fleuve. L’Etat doit trouver une solution à ces problèmes pour préserver l’environnement et sauvegarder la santé des populations.

Il faut relever que les équipements de collecte, d’élimination des déchets coûtent chers. Par exemple, un centre d’enfouissement technique qui répond aux normes sanitaires et environnementales requises coûte entre 2 et 3 milliards de F Cfa. Aucune collectivité locale n’a les moyens de construire ce type d’infrastructures. Il est donc nécessaire de centraliser la construction, l’acquisition de ces équipements et infrastructures de sorte à faire des économies d’échelle. Autrement, nous n’en disposerions jamais parce que les collectivités locales qui ont la responsabilité de les mettre en place n’ont pas objectivement les moyens d’acquérir les équipements nécessaires ou de construire les infrastructures. Enfin, la quatrième mission, c’est de veiller, de manière permanente, sur les normes et les actions de salubrité publique pour assurer un cadre de vie favorable à l’épanouissement. Cela signifie qu’il faut un important travail de sensibilisation et d’information des populations de sorte à modifier le rapport du Sénégalais aux déchets. Ce travail doit se faire dans les écoles, de la maternelle à l’université en passant par le collège et le lycée afin que nous ayons un comportement responsable vis-à-vis des déchets.

 

Comment expliquez-vous la vive polémique qui a suivi la création de la Soprosen ?

 

A côté de quelques réactions hostiles provenant principalement de l’entente Cadak-Car qui regroupe les collectivités locales de la région de Dakar, nous avons des réactions favorables de la part de maires, de présidents de communauté rurale. J’ai reçu beaucoup d’appels de félicitations et d’encouragements des autorités décentralisées qui ont salué la mesure parce qu’elles étaient dans une situation d’incapacité manifeste à prendre en charge la gestion des ordures du fait du coût élevé lié à une bonne exécution de cette responsabilité.

La réaction de l’entente Cadak-Car peut se comprendre. Elle s’explique aisément par le fait que les communes de la région de Dakar bénéficiaient d’un programme spécial financé par le gouvernement qui mettait à la disposition de l’entente Cadak-Car 10 milliards de F Cfa annuellement pour la gestion des ordures. Il est évident que si programme est transféré à la Soprosen, c’est compréhensible d’avoir des réactions hostiles de la part de ces maires qui vont perdre un outil financier important. Mais, je dois dire que ces réactions sont liées à une méconnaissance des avantages qu’ils peuvent tirer de la création de ladite société.

Aujourd’hui, le gouvernement ambitionne de moderniser le système de gestion des ordures qui, jusque-là, était archaïque. La gestion des ordures se limitait à ramasser une partie des déchets. 20 % de la population ont accès au système de collecte des ordures. Cela ne peut pas continuer. Tous les Sénégalais doivent avoir accès au système de collecte des ordures parce que c’est un service public. Par exemple dans la banlieue, le système de collecte des ordures ne concerne que les populations qui habitent le long des routes empruntées par les camions de la Cadak-Car. Le reste de la population enterre les ordures ou les jettent dans les terrains vagues. Cela crée une situation d’insalubrité extrême dans la banlieue et les autres villes du Sénégal.

La loi qui a créé la Soprosen a l’avantage de considérer les Sénégalais au même titre avec la même dignité face au service public de collecte des ordures. La nouvelle société interviendra de la manière à Dakar que dans les autres localités du Sénégal. Tous les Sénégalais ont un droit égal d’accès au service public de la gestion des ordures.

 

En confiant la gestion des ordures qui était jusque-là une compétence transférée, ne remet-on pas en cause le principe de la libre administration des collectivités locales ?

 

Il faut lever une équivoque. L’Etat n’oblige aucune collectivité locale à faire partie de la nouvelle société comme actionnaire. Il offre seulement la possibilité. Donc, le principe de la libre administration des collectivités locales n’est pas touché. Toutefois, un management intelligent de la société impliquera les collectivités locales. Il ne s’agit pas de faire table rase sur l’existant organisationnel, sur les projets en cours dans les différentes collectivités locales. Seulement, l’Etat s’est rendu compte que les résultats espérés ne sont pas atteints, qu’une gestion solitaire des ordures dans chaque collectivité locale est vouée à l’échec. Les infrastructures, les équipements coûtent chers. Il faut donc des économies d’échelle dans l’acquisition et dans la gestion des équipements. Cela, on ne peut l’avoir qu’à travers une société qui centralise la gestion et qui travaille au cas par cas avec chacune des collectivités locales, en respectant le principe de la libre administration des collectivités locales. Ainsi, celles qui veulent se décharger totalement de la gestion des ordures, la société les suppléera et celles qui désirent collaborer négocieront un partenariat qui définira les responsabilités des uns et des autres et la participation à l’effort de financement du système.

 

Mais en transférant les fonds destinés aux collectivités pour la gestion des ordures à la Soprosen, on prive celles-ci de moyens…

 

La seule ressource qui est retirée aux collectivités locales est la taxe d’enlèvement des ordures ménagères qui est une taxe spécifiquement dédiée à la collecte des ordures. Il est normal quand la gestion des ordures est confiée à une entité que les ressources de cette activité lui soient transférées. Il aurait été incongru de confier la responsabilité de collecter les ordures à une société sans lui donner les moyens de remplir sa mission. C’est le sens des différents outils pensés à ce jour pour permettre à la Soprosen de remplir correctement sa mission. Je dois souligner que depuis 2002, la gestion des ordures ménagères est financée par l’Etat du Sénégal alors que pendant ce temps, la taxe est rétrocédée aux collectivités locales. Cet argent est utilisé à quelle fin ?

 

Quels sont ces outils ?

 

Le premier, c’est la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et la taxe sur les déchets industriels. C’est aussi le produit de valorisation des ordures. Nous avons déjà négocié des conventions avec des sociétés de valorisation des ordures. Il y a quelques temps, les ordures étaient collectées et enfouies mais avec la nouvelle société, on les donne de la valeur en vendant ces déchets à une société qui les transformera en engrais, en énergie. N’est-ce pas là une méthode moderne de gérer les ordures ? Aujourd’hui, nous donnons une valeur marchande aux ordures qui ne seront plus un poids pour la collectivité. Ce sont là des évolutions nécessaires dans le système de gestion des ordures. Depuis que la gestion des ordures est confiée aux collectivités locales, on est resté dans les schémas classiques qui consistent à jeter les ordures derrière les villes. Aller dans n’importe chef lieu de région, les ordures annoncent l’entrée. Aujourd’hui, nous sommes dans une ère de valorisation des ordures.

 

Quels sont les avantages du nouveau système de gestion ?

 

Nous allons finaliser le centre d’enfouissement technique de Sindia et le centre transfert de Mbao. Le schéma de gestion et les délais de livraison des ouvrages ne connaîtront aucun retard avec la nouvelle société. Le processus de fermeture de Mbeubeuss suit son cours normal. L’ouverture du centre de Sindia se fera à date échue. Le programme de gestion des ordures, au plan national, comprendra un volet important de valorisation des ordures qui permettra de diminuer de 60 à 80 % le volume des ordures enfouies. C’est un plus qui sera apporté à la durée de vie des ouvrages de stockages. Les ordures seront transformées en engrais, en énergie, les sachets plastiques serviront à produire des sacs poubelles, des pavées pour les routes, etc.

Dans les régions, nous allons construire trois centres d’enfouissement technique à Tivaouane, à Touba et à Kaolack. Le financement de ces trois centres et de 90 points de collecte à travers les communes-tests est acquis à travers un projet négocié entre le gouvernement sénégalais et la Banque islamique. Nous sommes en négociation avec d’autres bailleurs pour pouvoir équiper l’ensemble du pays d’outils modernes de gestion moderne des ordures. Cela ne peut être fait qu’à travers une structure qui centralise la gestion des ordures et qui devient un interlocuteur avec les bailleurs. Tant que la gestion était laissée aux mains de plusieurs collectivités locales, il était difficile de négocier les infrastructures nécessaires à un bon système de gestion des ordures.

 

Quel sort sera réservé aux travailleurs, aux concessionnaires ?

 

Le chef de l’Etat et la ministre Awa Ndiaye ont tenu à rassurer les travailleurs. Ils seront reversés dans la nouvelle société en conservant l’ensemble de leurs avantages, c’est-à-dire l’ancienneté, le salaire, la mutuelle, etc. La société, de par son envergure nationale, aura besoin de plus de travailleurs. Ainsi, des jeunes qui n’avaient pas d’opportunité seront recrutés par la nouvelle société.

Concernant les concessionnaires, ils auront un volume de travail plus important. De plus, ils auront la possibilité d’offrir leurs services dans les autres régions du Sénégal. Le champ est ouvert pour que d’autres concessionnaires puissent intégrer le système. Mieux, la société créera d’autres types de concessionnaires dans les collectivités notamment dans les quartiers.

Propos recueillis par Mamadou GUEYE et Bachir SANE
Le Soleil


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