Jean-Michel SEVERINO (Directeur général de l’Afd) : ‘Nous sommes intéressés par les projets d’infrastructures’



Avec ses travaux d’infrastructure d’envergure comme celui de l’Anoci, Dakar est devenu attractif. La France veut plus que jamais y rester présente. Et elle s’intéresse particulièrement aux infrastructures et au marché financier ainsi que l’a confirmé hier à Dakar le directeur général de l’Agence française de développement, Jean-Michel Severino, en faisant face à la presse. Et après ce face-à-face avec la presse, il a eu une rencontre avec le président de l’Anoci, Karim Wade. Et au sortir de ce tête-à-tête, il a expliqué l’intérêt de son agence pour l’Agence nationale pour l’Organisation de la conférence islamique.

Intérêt pour l’Anoci

‘L’Agence française de développement (Afd) a considérablement investi au Sénégal dans les domaines de la vie économique et sociale. Nous sommes à la fois des financeurs du secteur privé sénégalais et des grandes entreprises publiques. Le spectre de nos interlocuteurs est donc très vaste. En ce qui concerne l’Agence nationale pour l’Organisation de la conférence islamique (Anoci), elle est porteuse de projet de développement des infrastructures qui est très important. Nous sommes intéressés par ce projet. Et il y aura d’autres générations d’investissements qui vont bientôt émerger au Sénégal aux financements desquels nous sommes potentiellement intéressés. Avec le président de l’Anoci, nous avons parlé des prochaines générations d’opérations. Notamment ce que le gouvernement du Sénégal peut avoir en tête en termes d’implantation des zones d’activités économiques, mais également d’assainissement dans Dakar et le reste du Cap-Vert.

‘Toutes les opérations que nous avons actuellement au Sénégal, s’exécutent d’une manière correcte. D’ailleurs, nos taux de décaissement sont assez élevés au Sénégal. Vous savez que l’Afd intervient selon des cadres de procédure très rigoureux qui sont fondés par exemple sur la généralisation du caractère systématique des appels d’offres. Un contrôle qui est extrêmement précis de l’allocation des marchés et de la surveillance de leur exécution se fait. Et nous n’avons dans notre portefeuille au Sénégal aucun problème particulier que ce soit’.

Infrastructures

‘Le domaine des infrastructures est un sujet très difficile. Je vais vous donner un exemple. J’ai été ce matin (hier, Ndlr) sur le site de la réhabilitation du pont Faidherbe de Saint-Louis. Nous sommes partis dans cette opération que nous finançons avec la commune de Saint-Louis sur l’idée que nous allions financer le changement du tablier et la rénovation des travées. A peine l’entreprise Effage, bénéficiaire de l’appel d’offres, a commencé à travailler qu’on s’est aperçu qu’il y a des risques de vulnérabilité très importants sur les piles du pont. On se retrouve obligé maintenant de faire un travail d’investigation en profondeur sur la qualité des piles qui va prendre plusieurs mois qui étaient non prévus. Il n’y a aucune irrégularité dans ce marché. Ce n’est la faute de personne. Mais les chantiers ont plusieurs mois de retard parce qu’on ne peut pas franchir cette étape. Et c’est une décision absurde que d’aller changer toutes les travées du pont alors que les piles pourraient disparaître. Le domaine des infrastructures est rempli de sujets comme cela. Et le pilotage des chantiers d’infrastructures est une tâche qui est difficile. Elle demande des réactions constantes. Je ne connais quasiment aucun chantier qui s’exécute comme il est prévu au départ.

‘Le Sénégal présente les caractéristiques d’être entré dans une phase de très grands travaux, extrêmement importants à l’échelle du pays, qui sont parfois complexes à gérer. Il n’est pas étonnant qu’un certain nombre d’entre eux puisse rencontrer des problèmes’.

Prêts et subventions de 50 millions

‘A l’état actuel des choses, nous pensons que nous allouerons environ 50 millions d’euros par an au financement de l’Etat sénégalais. Sans doute, les 20 millions d’euros seront des subventions. Les 30 millions seront sous forme de prêts très concessionnels. Cela veut dire que ce prêt comprend des clauses et des mécanismes qui permettent d’alléger la charge de l’Etat si celui-ci rencontre des difficultés financières. Et cela est destiné à financer soit de grandes infrastructures étatiques, soit des activités sociales dans les domaines de la santé et de l’éducation notamment. Par ailleurs, nous pensons allouer un quart de nos interventions au secteur privé, soit à travers des investissements directs dans les entreprises sénégalaises, soit à travers le refinancement des banques sénégalaises, soit à travers d’autres instruments comme le fonds de garantie ou de financement de micro-finance. L’autre quart serait consacré aux grandes entreprises publiques d’infrastructures comme l’eau, l’électricité, l’assainissement sous forme de prêts à différents niveaux de concessionnalité suivant la dimension de subvention que méritent économiquement ces différents types d’opérations’.

Epargne publique

‘Pour la première fois, l’Afd va émettre des obligations, des titres sur l’agence en francs Cfa et sur le marché local. Ces fonds vont être à des maturités plus longues que celles qui sont faites sur le marché financier. Ils vont permettre aux épargnants ou aux institutionnels comme les compagnies d’assurance et autres de souscrire des titres qui vont avoir une cote financière égale à celle des meilleurs signataires de toute la planète. Nous allons répercuter cet argent collecté à des acteurs privés et publics qui ont besoin de ressources en Cfa longues. Nous avons beaucoup discuté, c’est-à-dire pendant 2 ans, sur ce projet avec les ministres des Finances de la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) pour le montage de cette opération. Celle-ci n’est pas destinée à prendre la place de quiconque, ni des banques, ni des Etats, ni des entreprises dans leur accès à leurs ressources. Au contraire c’est une opération qui est destinée à aider tous ces acteurs à améliorer leur situation financière. Nous allons démarrer avec 30 millions d’euros. Et nous allons voir comment va se passer la souscription. Ce qui est certain, c’est que les demandes d’emploi sont très nombreuses. Notre problème ne se situe pas au niveau du placement. Mais il faut savoir si les épargnants seront intéressés par ce type de produit. La souscription s’ouvre la semaine prochaine’.

Regain d’intérêt

‘Il y a un regain d’intérêt justement parce que l’ajustement structurel est une page d’histoire qui est en train de se tourner. C'était deux décennies particulièrement pénibles pour le continent africain. Deux décennies perdues d’une certaine manière pour la croissance. Ensuite, il y a aujourd’hui toute une série de facteurs comme le niveau des cours internationaux des produits agricoles, le désendettement des Etats africains, etc., qui crée un contexte de croissance économique que nous n’avons pas connu depuis 20 ans. Nous entendons beaucoup de dissertations à droite et à gauche sur les termes : Est-ce que c’est fragile ? Est-ce que ça va durer ? Est-ce que ce n’est pas une embellie ? Nous, en tant que maison de développement, nous n’avons aucune réponse à ça. Nous ne savons pas. Mais notre mandat, c’est de saisir une dynamique qui se crée et de faire tout ce que nous pouvons pour qu’elle se consolide et progresse. Nous assumons le fait qu’il y a pour tous les acteurs qui investissent aujourd’hui sur le continent africain une part de risques’.

Wal Fadjri

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