TROIS QUESTIONS À…IBRAHIMA BASS, DIRECTEUR DE L’INDUSTRIE « Nous avons beaucoup de niches sur lesquelles nos États ont une alternative assez sérieuse par rapport à l’Ape »

Les experts nationaux qui, du 28 au 30 septembre dernier, ont planché sur la Politique Industrielle Commune de l’Afrique de l’Ouest (Picao) ont amendé le document renfermant la vision de la Cedeao. Ils ont également recommandé à cette instance régionale de parfaire sa stratégie pour réussir sa mise en œuvre. Dans cet entretien qu’il nous a accordé au terme de la réunion, le Directeur sénégalais de l’Industrie, M. Ibrahima Bass, analyse cette vision de la Cedeao, établit les liens avec celle du Sénégal et indique ce que doit être cette politique devant un éventuel Accord de partenariat économique (Ape) entre l’Ue et la Cedeao.



Quelle analyse faites-vous de la vision qui tend vers une politique industrielle commune de l’Afrique de l’Ouest après les trois jours de travaux à Abidjan ?

Comme vous avez pu le suivre, nous avons travaillé sur un document sur lequel nous avions auparavant participé. Document de politique industrielle qui nous a été fortement inspiré non seulement par la politique industrielle commune de l’Uemoa mais également par ce que nous sommes en train de faire dans nos pays. En réalité, cette politique s’articule autour de deux composantes essentielles. Une composante de mise à niveau de l’existant et une composante développement endogène, c’est-à-dire valorisation de nos ressources naturelles avec l’ensemble des mesures relatives au financement, à l’environnement des affaires, à la bonne gouvernance. Lors de nos échanges ici à Abidjan, nous avons apporté des corrections au document. Nous l’avons amendé et fait des recommandations. La Direction de l’industrie de la Cedeao nous a amené un plan d’action qui n’en était pas un et nous avons décidé de le renvoyer à une autre séance pendant laquelle nous aurions à examiner un autre plan d’action qui sera fait par des experts sur la base des travaux que nous avons fait ici dans la capitale ivoirienne.

Est ce que cette vision de la Cedeao cadre bien avec celle élaborée au Sénégal, par exemple ?

Parfaitement. Comme je vous l’ai dit, avec la Cedeao, nous avons pu effectivement introduire nos préoccupations. En fait, c’est la somme des préoccupations des pays membres qu’on essaye d’harmoniser et d’articuler dans le cadre d’une politique commune. L’essentiel de ce que nous faisons se retrouve dans cette politique commune de l’Afrique de l’Ouest. Ce que nous faisons au Sénégal, c’est la mise à niveau de notre industrie pour la rendre plus compétitive, plus forte et la tourner de manière plus large vers les marchés extérieurs. Donc la mise à niveau de l’industrie se fait par le biais d’un programme important de mise à niveau qui est en cours au Sénégal, où les entreprises viennent et présentent un plan de mise à niveau qui est le diagnostic de leurs forces et faiblesses ; lequel programme de mise à niveau est mis en œuvre et si les investissements contenus sont réalisés. Les entreprises sont encouragées par des bonus qui leur permettent non seulement de réaliser un profit important en termes de compétitivité mais également de pouvoir revenir pour une seconde génération de mise à niveau parce que la compétitivité est continue. La deuxième composante que nous retrouvons dans cette politique commune et qui est l’une des parties de notre politique industrielle, c’est le développement endogène. Comment faire en sorte que nos pays transforment ce qu’ils produisent ? C’est-à-dire quand il y a de la valeur ajoutée sur les productions agricoles, sur les extractions minières et même sur les ressources humaines par le biais des services que nous développons dans nos pays et qui constituent aujourd’hui des secteurs importants de création de richesses.

Est ce que la signature d’un Accord de Partenariat Économique (Ape) entre l’Ue et la Cedeao qui verra l’arrivée massive des produits européens dans nos marchés, ne va pas constituer un blocage dans l’atteinte des objectifs de la politique industrielle commune de l’Afrique de l’Ouest ?

Comme vous l’avez entendu, le Commissaire en charge du Commerce, de l’Industrie, des Mines et de la Libre Circulation de la Cedeao nous a dit qu’il y a de très fortes chances qu’il n’y ait pas de signature en raison des problèmes qui se posent notamment sur les produits industriels sensibles sur lesquels, nous risquons d’avoir des problèmes si nous signons sans prendre des mesures de sauvegardes nécessaires, sans pour autant avoir des contreparties qui nous permettent de sauvegarder ces produits sensibles. Ce qui risque de se passer, c’est que des pans importants de nos entreprises risquent de partir. C’est pourquoi, dans nos débats, nous avons tenu compte effectivement de l’articulation qu’il faut faire entre ce que nous sommes en train d’élaborer comme politique industrielle et l’Ape ; c’est-à-dire, il faudrait qu’on essaye de développer une industrie qui se base essentiellement sur nos spécificités, ce qui veut dire sur des produits que vous ne retrouverez nul part ailleurs dans le monde. Ça existe aujourd’hui au plan agricole, au plan minier, au plan de la bio-diversité…Nous avons beaucoup de niches sur lesquels nos États ont une alternative assez sérieuse par rapport à l’Ape.

Sud Quotidien

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Economie du développement


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