CIRCULAIRE N° 1229 MINT/CAB/CT 1 DU 18 DECEMBRE 1968 Relative à la lutte contre le bruit dans les principaux centres urbains.


CIRCULAIRE N° 1229 MINT/CAB/CT 1 DU 18 DECEMBRE 1968

Relative à la lutte contre le bruit dans les principaux centres urbains.

 

Le Ministre de l'Intérieur,

A

Monsieur le Gouverneur de la Région du Cap-Vert à Dakar

Monsieur le Gouverneur de la Région du Fleuve à Saint-Louis

Monsieur le Gouverneur de la Région du Sine-Saloum à Kaolack

Monsieur le Gouverneur de la Région de Thiès

 

OBJET : Lutte contre le bruit dans les principaux centres urbains

J'ai l'honneur d'appeler votre attention sur les mesures d'ordre public qui doivent être prises ou appliquées afin de préserver la tranquillité des habitants des principales villes. Sans doute la vie en société dans les centres urbains comporte-t-elle d'inévitables désagréments! Mais parmi ceux-ci, le bruit peut être contenu dans les li­mites du supportable.

Il me semble que, dans l'immédiat, nos efforts pour sauvegarder cette règle doivent essentiellement porter sur les agglomérations de Dakar, Saint-Louis, Kaolack et Thiès les plus menacées à cet égard. Vous avez les moyens d'y parvenir et cette circulaire a pour objet de vous le rappe­ler, notamment pour tout ce qui concerne la lutte contre les bruits produits par la circulation automobile, par les différentes formes de tapage nocturne et par l'exercice des cultes.

1.      La circulation automobile

En ce domaine, vous devez veiller à une stric­te application des règlements et à prendre les mesures complémentaires qui sont de votre compétence.

Le code de la route, dans une annexe de sa partie réglementaire, fixe l'intensité que les bruits des moteurs à explosion ne peuvent dépasser, sous peine de contraven­tion. Mais je n'ignore pas que les services de police et ceux de la gendarmerie ne sont pas encore en posses­sion du matériel de contrôle approprié. Par conséquent, ils ne peuvent agir ici avec l'efficacité nécessaire.

Cependant, l'article 60 du code de la route (partie ré­glementaire) interdit formellement l'échappement libre. Cette infraction est constatable sans le recours à un appareillage spécialisé. Vous devez donc inviter les offi­ciers et agents de la police judiciaire à verbaliser aussi souvent qu'il conviendra et avec la dernière fer­meté.

L'usage des trompes à sons multiples est également in­terdit (article 88 du code de la route, partie réglemen­taire) : sauf, bien entendu, exception pour les véhicu­les des services de sécurité ou de secours. Certaines automobiles appartenant à des particuliers sont équipées de ces instruments et leurs propriétaires ne résistent pas au plaisir de faire entendre, en toute occasion, les premières mesures du “pont de la rivière Kwaï” ou autre refrain récemment à la mode. Ils doivent être sanc­tionnés.

Enfin, l'article 90 du même texte indique que, “dans les agglomérations, l'autorité compétente, après avis du Ministre des Travaux publics, peut limiter l'emploi de l'avertisseur sonore ou même l'interdire en dehors des cas de danger immédiat”. A Dakar, Saint-Louis et Thiès, c'est le Gouverneur ; à Kaolack, c'est le Préfet qui sont “l'autorité compétente”. Je vous invite donc, si ce n'est déjà fait, à prendre ces mesures d'ordre. Vous pourrez vous inspirer, à cet égard, de l'arrêté munici­pal n° 726/SG du 9 août 1962 interdisant l'emploi de l'avertisseur sonore dans l'agglomération dakaroise.

2.      Le tapage nocturne

Le tapage nocturne peut prendre différentes for­mes. Sur certaines de celles-ci il convient d'insister par­ticulièrement :

-         le tapage nocturne se définit comme le bruit des chants, cris et musique sur la voie publique ou provenant de l'intérieur d'une habitation mais s'entendant au dehors. Il doit troubler le repos des habitants du voisinage. L'usage est de la réprimer à partir de 22 heures.

-         les auteurs et les complices de tapage nocturne sont punissables (art. 8, 13°, code des contraventions) d'un emprisonnement d'un jour à un mois et d'une amende de 200 à 20.000 Francs ou de l'une de ces peines seulement.

Il vous est demandé de donner des ordres afin de faire ces­ser tout tapage nocturne sur la voie publique, à moins qu'il ne provienne d'une manifestation autorisée, comme il va de soi.

Pour celui qui se produit dans les habitations, une plus grande prudence est nécessaire. L'intervention des gardiens de la paix ou des gendarmes supposera que les éléments suivants sont réunis à la demande d'un voisin, après 22 heures et lorsqu'aucune justification n'est possible. Par justification, j'entends les réjouissances des veil­les de fêtes chômées ou religieuses ou les fêtes à ca­ractère familial. L'intervention spontanée des forces de l'ordre doit être exceptionnelle : lorsque, vérita­blement, le tapage est hors de proportion avec les obli­gations normales de la vie en société. Bien entendu et dans tous les cas, les membres des forces de l'ordre agiront avec tact. Dans le cas où ils ont été appelés par un voisin, ils s'assureront qu'il y a trouble de la tranquillité. Si les chants ou la musique, par exemple, proviennent d'une villa relativement isolée, la sanc­tion ne se justifie pas.

3.      L'exercice des cultes et cérémonies coutumières

L'article 19 de notre Constitution reconnaît la liberté d'exercice des cultes et il est bien connu que les Sénégalais attachent une attention toute particulière au respect de cette liberté fondamentale. De même en est-il, de façon coutumière, pour les chants religieux et tam-tam.

Il convient donc de fixer les règles en la matière puis de rechercher, par delà les textes, une application qui ne cho­que ni les convictions, ni la manière d'agir de nos con­citoyens. C'est dire que les habitudes locales prennent ici, toute leur importance et qu'il est difficile d'établir une ligne de conduite valable pour l'ensemble du territoire.

Les sonneries de cloches sont réglées, en France, par l'article 27 de la loi du 9 décembre 1905 et les articles 50 à 52 du décret du 16 mars 1906. Ces textes n'ont pas été promulgués au Sénégal. Il n'en est d'ailleurs pas besoin puisqu'il nous suffit que les usages antérieurs concernant la durée et les heures des sonneries conti­nuent d'être respectées, sans excès. Ce qui, dans les habitudes du clergé, ne prête pas à inquiétude.

Une série d'arrêtés (de fin 1957 et 1958 (1) réglemen­tent l'usage des haut-parleurs en plein air. Ces textes posent le principe de l'interdiction de l'usage des haut-parleurs soit sur la voie publique, soit dans une en­ceinte privée, en plein air. Ils organisent la procédure d'autorisation de tam-tam, chants religieux, bals.

L'interdiction de l'usage des haut-parleurs, en plein air, connaît des dérogations permanentes et spéciales. Les dérogations permanentes (par conséquent exceptées une fois pour toute et ne nécessitant pas d'autorisation pré­alable de l'autorité administrative) sont prévues pour les fêtes de Korité, de la Tabaski, les nuits du 13 juil­let, 24 décembre et 31 décembre ainsi qu'en faveur des associations religieuses musulmanes pour la nuit du Maouloud. Des dérogations spéciales peuvent être accor­dées par le Gouverneur de Dakar, Saint-Louis et Thiès, ou par le Préfet ailleurs :

-         aux institutions reconnues d'utilité publique pour des manifestations organisées au bénéfice de leurs œuvres ;

-         aux comités habilités à recueillir des fonds pour une souscription nationale au bénéfice des vic­times des calamités publiques ;

-         aux associations religieuses ;

-         et, pour mémoire puisqu'ils n'ont aucune raison de se livrer à cette activité de nuit, aux utili­sateurs de véhicules munis de haut-parleurs pour annoncer des meetings syndicaux ou politiques.

Outre l'autorisation d'utiliser des haut-parleurs, une autorisation préalable doit être obtenue pour l'organi­sation de tam-tam, bals, jeux publics et chants reli­gieux. Dans les textes qui sont mentionnés ci-dessus, il est prévu que cette autorisation est accordée par le Maire, lorsque ces manifestations ont lieu de jour et jusqu'à minuit ; par le Préfet, lorsqu'elles se prolon­gent après minuit. Cependant, et depuis l'intervention du code de l'administration communale, lesdites autori­sations doivent maintenant être délivrées, dans tous les cas, par le préfet ou le Gouverneur pour Dakar, Saint-Louis et Thiès.

Telles sont les règles. Reste à voir comment elles doivent être appliquées afin de ne pas heurter les habitudes et les croyances. Certaines autorisations (bals publics par exemple) n'offrent aucune difficulté. Il suffira que l'autorité responsable les délivre sous réserve qu'elles n'entraînent pas de gêne pour le voi­sinage. Mais il en est d'autres qui nécessitent quelques explications complémentaires.

En ce qui concerne l'utilisation des haut-parleurs pour l'appel des fidèles à la prière, c'est maintenant une habitude contre laquelle il ne convient pas d'aller. Encore faut-il que l'appareillage soit installé sur une mosquée et non pas sur n'importe quelle construction légère que l'initiative privée a baptisée “mosquée”. De plus, et lorsque la prière se passe de nuit (sauf pour le Maouloud), seul l'appel du muezzin doit être sonorisé.

S'agissant des chants religieux et de tam-tam, je vous ai rappelé qu'une autorisation préalable doit être de­mandée pour l'organisation de ces rassemblements et pour l'emploi des haut-parleurs. Vous avez donc (ou les Préfets), un pouvoir total d'appréciation en ces matières. Vous devez les refuser, bien entendu, si ces réunions sont susceptibles de troubler l'ordre public. Sauf s'il s'agit d'un grand rassemblement de personnes et d'une manifestation à caractère solennel. Vous limi­terez au maximum l'usage des haut-parleurs. Enfin, et surtout, vous veillerez à ce que les tam-tam ne se pro­longent pas trop tard dans la nuit et ne se multiplient pas outre mesure.

D'une manière générale, je vous demande de susciter ou de profiter d'une rencontre officielle avec les Imams et Marabouts importants de votre ville pour parvenir avec eux à modus vivendi. C'est eux-mêmes qui auront à décider que les chants religieux ne doivent pas devenir une gêne permanente en certains quartiers et qu'à tout propos, sur la requête de n'importe quel talibé, on ne peut accepter que plusieurs dizaines de citoyens et parmi eux, des enfants et des travailleurs, soient empêchés de trouver le repos qu'ils méritent.

Loin de nous l'idée d'empêcher les manifesta­tions du culte sous leurs différentes formes. Le sens général de votre action doit tendre à les limiter, autant que faire se peut, avec l'aide et l'accord de ces intéressés et pour le plus grand bien de tous. En résumé, vous devez ob­tenir une plus grande discrétion dans les manifestations extérieures du culte musulman par la limitation du nombre de réunions en plein air et par l'acceptation exceptionnelle de la sonorisation. Pour les tam-tam également, les autori­sations doivent être réduites.

Je compte sur votre tact, votre entregent pour parvenir sans heurt à ces résultats, bien que je n'ignore pas toutes les difficultés que vous rencontrerez malgré tout.

Outre le domaine des autorisations de chants religieux et tam-tam que vous vous réservez, vous aurez donc à donner des ordres très stricts aux responsables de la police et de la gendarmerie afin que les présentes di­rectives concernant les bruits de la circulation routière et le tapage nocturne soient mises en application aussitôt et avec constance.

Dakar, le 18 décembre 1968

Amadou Clédor SALL

 

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