Malgré le transfert des compétences, le développement de nos collectivités locales reste plus que jamais confronté à la qualité des ressources humaines chargées de piloter les projets de développement à la base. La faute au déficit énorme de formation des élus locaux. A cela s’ajoute l’absence d’une structure de formation pour le renforcement des capacités des élus.
Des élus illettrés pourtant détenteurs d’un pouvoir délibératif. Des spécialistes de la décentralisation qui se plaignent du manque ou du déficit de formation de ces élus locaux. Ces deux éléments suffisent pour que nos collectivités locales voire même la politique de décentralisation de l’Etat connaisse des difficultés de taille dans son développement. La décentralisation est devenue une réalité au Sénégal, depuis 1996. En effet, le Code des collectivités locales a été consacré par la Loi n°96-06 du 22 mars 1996. Il donne une grande importance aux collectivités locales. Beaucoup de compétences comme l’éducation, la santé, l’environnement... ont été transférées aux collectivités locales. Toutefois, malgré la volonté des autorités et des partenaires, le fonctionnement des collectivités locales fait face à un défi majeur : l’illettrisme, sinon l’analphabétisme de la grande majorité des élus qui, du coup, ont du mal à bien assurer leur mission. Si bien qu’aujourd’hui, la question de la qualification et de la formation des élus est au centre de toutes les rencontres liées à la décentralisation. Mais, à qui la faute ? D’autant plus, soutient la directrice du Programme sénégalo-allemand d’appui à la décentralisation et au développement local (Proddel), Awa Guèye, « l’article 9 du Code des collectivités locales stipule que les élus locaux ont droit à une formation adaptée pour accomplir leur mission ».
Institut de formation
Autrement dit, la réalité du terrain est en déphasage avec les textes du Code des collectivités locales. Au point que le ministre délégué chargé de la Décentralisation et des Collectivités locales, Aliou Sow, a récemment plaidé pour la création d’un institut de formation des élus locaux. Une idée très appréciée par les différents acteurs de la décentralisation et des collectivités locales. « C’est très pertinent, dans la mesure où il faut avoir des élus compétents pour la gestion des collectivités locales », a confié le directeur de l’Agence régionale de développement (Ard) de Diourbel, Mamadou Sène. Quant à la directrice du Proddel, Awa Guèye, même si elle abonde dans le même sens, elle demande cependant que cet institut de formation soit « autonome » pour prendre en compte tous les acteurs des collectivités locales. Mais, tient à préciser M. Sène de Diourbel, aucun niveau de qualification n’est exigé pour être élu local. « On ne demande qu’aux maires et présidents de conseils régionaux de savoir lire et écrire dans la langue officielle qu’est le français. Les présidents de conseils ruraux ne sont pas concernés par cette exigence », explique M. Sène. Qu’à cela ne tienne, le renforcement de capacités est plus que jamais nécessaire pour permettre à l’élu local de mieux appréhender sa mission. « Tous les élus locaux ont droit à la formation durant leur mandat. L’élu local doit faire une formation quel que soit son niveau, même s’il est titulaire d’un doctorat », dit l’ancien directeur des Collectivités locales, Mamadou Diouf, lors d’une session de formation à l’intention des conseillers de la commune d’arrondissement de Dakar Plateau. Un fait dont l’Etat est conscient puisqu’il qu’il a pris des mesures d’accompagnement pour ce qui est des conseils ruraux, en les dotant d’assistants communautaires. « Il y a eu une évolution, car au début, on parlait de secrétaires communautaires. Maintenant, ce sont les assistants communautaires qui assistent les exécutifs locaux pour une meilleure gestion des ressources », souligne Mme Guèye du Proddel, juriste de formation.
Le directeur de l’Ard de Diourbel note qu’il faut des formations périodiques à l’intention des élus au niveau local, sur la base d’une bonne identification des besoins de formation, car les besoins ne sont pas les mêmes. Il note tout de même qu’il y a eu une avancée notable sur le niveau d’instruction des élus depuis les élections du 22 mars dernier.
Les conséquences du déficit de formation
Eu égard à leur rôle (ils sont chargés d’élaborer et exécuter le budget, de mobiliser des ressources, d’assurer la gestion foncière et environnementale et des ressources naturelles), « tous les acteurs qui interviennent dans les collectivités locales ont besoin d’être formés pour mener à bien leur mission », souligne M. Sène avant d’ajouter que le déficit de formation des élus a « des conséquences néfastes » sur la gestion des affaires locales. Cela se traduit par « une mauvaise gestion et la faiblesse des indicateurs de performances des collectivités locales ». « Aussi ambitieux que soit un programme de développement, si les acteurs chargés de sa mise en œuvre sont mal formés, il est voué à l’échec. Il faut un renforcement de capacités des acteurs du développement à la base dans nos collectivités locales », préconise le ministre Aliou Sow.
APRÈS TREIZE ANS D’EXISTENCE : La décentralisation bute encore sur les réalités du terrain
Entrée dans une phase décisive en 1996, avec le transfert, par l’Etat, de neuf domaines de compétences aux collectivités locales, la décentralisation est une œuvre inachevée. Toutefois, les collectivités locales ont acquis une autonomie de gestion et les membres qui les composent sont élus au suffrage universel.
Ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur chargé de la décentralisation, de 1993 à 1996, M. Souty Touré est l’artisan de la décentralisation au Sénégal. Assisté par les techniciens des différents secteurs de compétences impliqués dans l’élaboration des textes, il a été un artisan inspiré et décisif de la décentralisation. Il soutient que la décentralisation est une réussite totale sur le plan théorique. « On n’a pas encore enregistré, à ce jour, une remise en cause d’une seule disposition du Code des collectivités locales qui fait plus de 350 articles », se réjouit-t-il. Il s’y ajoute que dans les faits, l’on a assisté à une demande croissante des populations à la base pour la création des collectivités locales. Ce qui témoigne de leur forte aspiration à participer à la gestion de leurs affaires de proximité. Et, dans la pratique, grâce aux réformes intervenues, de nombreux cadres supérieurs se mobilisent davantage pour, soit diriger, soit participer à la gestion des collectivités de base (commune d’arrondissement, conseil rural et régional...). Ce qui fait qu’aujourd’hui il y a une vie politique et institutionnelle à la base qui constitue un creuset d’enrichissement de la vie collective avec un niveau de participation des citoyens à la vie nationale. Or, « c’était cela la première dimension de la réforme de 1996 », fait remarquer Souty Touré.
Retard dans la mise en œuvre
Cependant, force est de reconnaître que les collectivités locales ont servi, le plus souvent, de mur de lamentations pour les populations, donc des fusibles pour l’Etat central, tant il est vrai qu’elles n’ont pas toujours les ressources financières nécessaires pour faire face aux besoins des populations. Cela est dû au retard pris dans la mise en œuvre de la réforme économique, financière, comptable. A en croire Souty Touré, cette deuxième étape de la réforme avait été différée en raison des contraintes de l’ajustement structurel qui devait prendre fin en 1998-1999. Il argumente que cette réforme économique, financière et comptable devait porter, entre autres, sur une réforme de la fiscalité locale, la création d’un fonds de péréquation, d’un fonds de dotation beaucoup plus important, par un prélèvement substantiel sur la Tva comme cela se fait au Maroc ; sur l’élaboration d’une loi cadre pour l’harmonisation des différents acteurs du développement local (Collectivités locales, Organisations non gouvernementale, mouvements associatifs...) avec précisément la conception et la mise en œuvre de contrats plans de développement entre l’action publique centrale, locale et privée. Et Souty Touré de poursuivre que cette deuxième étape devait être complétée par une troisième réforme correspondant à la troisième dimension de la réforme de 1996 et qui consisterait à créer une fonction publique locale. L’objectif final reste d’offrir aux populations des zones périphériques (Casamance, Sénégal oriental et Fouta) des cadres institutionnels de participation à la gestion de leurs affaires et, au-delà, à la vie nationale, à la promotion d’une citoyenneté active, à l’essor d’un développement local avec des structures économiques souples résistant mieux aux secousses et crises internationales.
En résumé, nous sommes encore dans un modèle inachevé dont les deux dimensions restantes sont la réforme économique, financière et comptable et la réforme pour la création éventuelle d’une fonction publique locale, commente M. Touré. Et, pourtant, fait-il remarquer, cette feuille de route et les documents y afférents existeraient au niveau des archives du ministère de l’Intérieur ».
Les élus locaux toujours sans statut
Outre les problèmes de formation, de finances auxquels ils font face, les élus locaux du Sénégal ne bénéficient pas encore d’un statut social qui aurait pu améliorer sensiblement leur situation.
Certes, les efforts allant dans le sens de l’amélioration du travail des élus locaux sont nets : octroi de véhicule, de salaire, d’un chauffeur, d’assistants, etc. Cependant, l’élu local ne bénéficie d’aucun statut. Ce qui est considéré par le député maire de Tivaouane et président par intérim de l’Association des maires du Sénégal (Ams), El Hadji Malick Diop, d’« aberration ». « Sans statut, les élus locaux sont les véritables laissés-pour-compte au Sénégal. Pourtant, tout le monde - universitaires, étudiants, journalistes, médecins, administrateurs civils, hommes d’affaires, paysans, couturières, écrivains - veut devenir élu local pour participer au développement de sa localité », explique M. Diop. L’ancien ministre de la décentralisation et maire de Guédiawaye, Chérif Macky Sall, a indiqué que « le Code des Collectivités locales a donné un statut aux élus ». Mais, a-t-il poursuivi, « le texte en question n’est toujours pas adopté. Il doit faire l’objet d’une loi ». Et M. Sall de suggérer l’implication des acteurs du développement à la base - autorités administratives, associations des élus locaux, société civile - pour qu’il y ait un large consensus sur la question.
En attendant, certains élus ne cachent pas leur amertume. A leur avis, ce manque de statut est à l’origine de ce qu’ils appellent le « manque de considération ». Selon le parlementaire et membre du directoire de l’Union de l’association des élus locaux (Uael), El Hadj Malick Diop, « les élus locaux ne bénéficient d’aucune protection sur le plan juridique. Ils n’ont pas de pension à la retraite, ni de couverture sanitaire, encore moins d’assurance dans leur fonction ». « La preuve, déplore-t-il, les victimes d’inondations dans la banlieue de Dakar s’en prenaient toujours aux élus locaux de leurs zones dont l’intégrité physique est parfois menacée ».
Même son de cloche chez le deuxième vice-président de l’Association nationale des conseils ruraux (Ancr), Moussa Diop, qui a soutenu, lors d’un point de presse à Dakar, qu’un président de conseil rural (Prc) ne jouit d’aucune considération particulière, d’aucun respect de la part des autorités judiciaires alors qu’il représente l’institution locale. Alors qu’il est l’organe exécutif à la base, dépositaire de la confiance des populations de sa localité et investi de la mission de mettre en œuvre les décisions de son conseil. Pour étayer ses propos, il a rappelé qu’il arrive que des Pcr soient mis en garde à vue ou en détention provisoire pour des questions banales, citant les cas des Pcr de Gassane, dans le département de Linguère, de Bémit-Bidjini dans la région de Sédhiou, de Dioulacolon dans la région de Kolda, de Sandiara dans le département de Mbour... Toutefois, El Hadji Malick Diop affirme que des textes sont en cours de validation pour permettre aux élus locaux d’avoir un statut.
Dossier réalisé par Aliou KANDE et Maké DANGNOKHO
Le Soleil
Des élus illettrés pourtant détenteurs d’un pouvoir délibératif. Des spécialistes de la décentralisation qui se plaignent du manque ou du déficit de formation de ces élus locaux. Ces deux éléments suffisent pour que nos collectivités locales voire même la politique de décentralisation de l’Etat connaisse des difficultés de taille dans son développement. La décentralisation est devenue une réalité au Sénégal, depuis 1996. En effet, le Code des collectivités locales a été consacré par la Loi n°96-06 du 22 mars 1996. Il donne une grande importance aux collectivités locales. Beaucoup de compétences comme l’éducation, la santé, l’environnement... ont été transférées aux collectivités locales. Toutefois, malgré la volonté des autorités et des partenaires, le fonctionnement des collectivités locales fait face à un défi majeur : l’illettrisme, sinon l’analphabétisme de la grande majorité des élus qui, du coup, ont du mal à bien assurer leur mission. Si bien qu’aujourd’hui, la question de la qualification et de la formation des élus est au centre de toutes les rencontres liées à la décentralisation. Mais, à qui la faute ? D’autant plus, soutient la directrice du Programme sénégalo-allemand d’appui à la décentralisation et au développement local (Proddel), Awa Guèye, « l’article 9 du Code des collectivités locales stipule que les élus locaux ont droit à une formation adaptée pour accomplir leur mission ».
Institut de formation
Autrement dit, la réalité du terrain est en déphasage avec les textes du Code des collectivités locales. Au point que le ministre délégué chargé de la Décentralisation et des Collectivités locales, Aliou Sow, a récemment plaidé pour la création d’un institut de formation des élus locaux. Une idée très appréciée par les différents acteurs de la décentralisation et des collectivités locales. « C’est très pertinent, dans la mesure où il faut avoir des élus compétents pour la gestion des collectivités locales », a confié le directeur de l’Agence régionale de développement (Ard) de Diourbel, Mamadou Sène. Quant à la directrice du Proddel, Awa Guèye, même si elle abonde dans le même sens, elle demande cependant que cet institut de formation soit « autonome » pour prendre en compte tous les acteurs des collectivités locales. Mais, tient à préciser M. Sène de Diourbel, aucun niveau de qualification n’est exigé pour être élu local. « On ne demande qu’aux maires et présidents de conseils régionaux de savoir lire et écrire dans la langue officielle qu’est le français. Les présidents de conseils ruraux ne sont pas concernés par cette exigence », explique M. Sène. Qu’à cela ne tienne, le renforcement de capacités est plus que jamais nécessaire pour permettre à l’élu local de mieux appréhender sa mission. « Tous les élus locaux ont droit à la formation durant leur mandat. L’élu local doit faire une formation quel que soit son niveau, même s’il est titulaire d’un doctorat », dit l’ancien directeur des Collectivités locales, Mamadou Diouf, lors d’une session de formation à l’intention des conseillers de la commune d’arrondissement de Dakar Plateau. Un fait dont l’Etat est conscient puisqu’il qu’il a pris des mesures d’accompagnement pour ce qui est des conseils ruraux, en les dotant d’assistants communautaires. « Il y a eu une évolution, car au début, on parlait de secrétaires communautaires. Maintenant, ce sont les assistants communautaires qui assistent les exécutifs locaux pour une meilleure gestion des ressources », souligne Mme Guèye du Proddel, juriste de formation.
Le directeur de l’Ard de Diourbel note qu’il faut des formations périodiques à l’intention des élus au niveau local, sur la base d’une bonne identification des besoins de formation, car les besoins ne sont pas les mêmes. Il note tout de même qu’il y a eu une avancée notable sur le niveau d’instruction des élus depuis les élections du 22 mars dernier.
Les conséquences du déficit de formation
Eu égard à leur rôle (ils sont chargés d’élaborer et exécuter le budget, de mobiliser des ressources, d’assurer la gestion foncière et environnementale et des ressources naturelles), « tous les acteurs qui interviennent dans les collectivités locales ont besoin d’être formés pour mener à bien leur mission », souligne M. Sène avant d’ajouter que le déficit de formation des élus a « des conséquences néfastes » sur la gestion des affaires locales. Cela se traduit par « une mauvaise gestion et la faiblesse des indicateurs de performances des collectivités locales ». « Aussi ambitieux que soit un programme de développement, si les acteurs chargés de sa mise en œuvre sont mal formés, il est voué à l’échec. Il faut un renforcement de capacités des acteurs du développement à la base dans nos collectivités locales », préconise le ministre Aliou Sow.
APRÈS TREIZE ANS D’EXISTENCE : La décentralisation bute encore sur les réalités du terrain
Entrée dans une phase décisive en 1996, avec le transfert, par l’Etat, de neuf domaines de compétences aux collectivités locales, la décentralisation est une œuvre inachevée. Toutefois, les collectivités locales ont acquis une autonomie de gestion et les membres qui les composent sont élus au suffrage universel.
Ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur chargé de la décentralisation, de 1993 à 1996, M. Souty Touré est l’artisan de la décentralisation au Sénégal. Assisté par les techniciens des différents secteurs de compétences impliqués dans l’élaboration des textes, il a été un artisan inspiré et décisif de la décentralisation. Il soutient que la décentralisation est une réussite totale sur le plan théorique. « On n’a pas encore enregistré, à ce jour, une remise en cause d’une seule disposition du Code des collectivités locales qui fait plus de 350 articles », se réjouit-t-il. Il s’y ajoute que dans les faits, l’on a assisté à une demande croissante des populations à la base pour la création des collectivités locales. Ce qui témoigne de leur forte aspiration à participer à la gestion de leurs affaires de proximité. Et, dans la pratique, grâce aux réformes intervenues, de nombreux cadres supérieurs se mobilisent davantage pour, soit diriger, soit participer à la gestion des collectivités de base (commune d’arrondissement, conseil rural et régional...). Ce qui fait qu’aujourd’hui il y a une vie politique et institutionnelle à la base qui constitue un creuset d’enrichissement de la vie collective avec un niveau de participation des citoyens à la vie nationale. Or, « c’était cela la première dimension de la réforme de 1996 », fait remarquer Souty Touré.
Retard dans la mise en œuvre
Cependant, force est de reconnaître que les collectivités locales ont servi, le plus souvent, de mur de lamentations pour les populations, donc des fusibles pour l’Etat central, tant il est vrai qu’elles n’ont pas toujours les ressources financières nécessaires pour faire face aux besoins des populations. Cela est dû au retard pris dans la mise en œuvre de la réforme économique, financière, comptable. A en croire Souty Touré, cette deuxième étape de la réforme avait été différée en raison des contraintes de l’ajustement structurel qui devait prendre fin en 1998-1999. Il argumente que cette réforme économique, financière et comptable devait porter, entre autres, sur une réforme de la fiscalité locale, la création d’un fonds de péréquation, d’un fonds de dotation beaucoup plus important, par un prélèvement substantiel sur la Tva comme cela se fait au Maroc ; sur l’élaboration d’une loi cadre pour l’harmonisation des différents acteurs du développement local (Collectivités locales, Organisations non gouvernementale, mouvements associatifs...) avec précisément la conception et la mise en œuvre de contrats plans de développement entre l’action publique centrale, locale et privée. Et Souty Touré de poursuivre que cette deuxième étape devait être complétée par une troisième réforme correspondant à la troisième dimension de la réforme de 1996 et qui consisterait à créer une fonction publique locale. L’objectif final reste d’offrir aux populations des zones périphériques (Casamance, Sénégal oriental et Fouta) des cadres institutionnels de participation à la gestion de leurs affaires et, au-delà, à la vie nationale, à la promotion d’une citoyenneté active, à l’essor d’un développement local avec des structures économiques souples résistant mieux aux secousses et crises internationales.
En résumé, nous sommes encore dans un modèle inachevé dont les deux dimensions restantes sont la réforme économique, financière et comptable et la réforme pour la création éventuelle d’une fonction publique locale, commente M. Touré. Et, pourtant, fait-il remarquer, cette feuille de route et les documents y afférents existeraient au niveau des archives du ministère de l’Intérieur ».
Les élus locaux toujours sans statut
Outre les problèmes de formation, de finances auxquels ils font face, les élus locaux du Sénégal ne bénéficient pas encore d’un statut social qui aurait pu améliorer sensiblement leur situation.
Certes, les efforts allant dans le sens de l’amélioration du travail des élus locaux sont nets : octroi de véhicule, de salaire, d’un chauffeur, d’assistants, etc. Cependant, l’élu local ne bénéficie d’aucun statut. Ce qui est considéré par le député maire de Tivaouane et président par intérim de l’Association des maires du Sénégal (Ams), El Hadji Malick Diop, d’« aberration ». « Sans statut, les élus locaux sont les véritables laissés-pour-compte au Sénégal. Pourtant, tout le monde - universitaires, étudiants, journalistes, médecins, administrateurs civils, hommes d’affaires, paysans, couturières, écrivains - veut devenir élu local pour participer au développement de sa localité », explique M. Diop. L’ancien ministre de la décentralisation et maire de Guédiawaye, Chérif Macky Sall, a indiqué que « le Code des Collectivités locales a donné un statut aux élus ». Mais, a-t-il poursuivi, « le texte en question n’est toujours pas adopté. Il doit faire l’objet d’une loi ». Et M. Sall de suggérer l’implication des acteurs du développement à la base - autorités administratives, associations des élus locaux, société civile - pour qu’il y ait un large consensus sur la question.
En attendant, certains élus ne cachent pas leur amertume. A leur avis, ce manque de statut est à l’origine de ce qu’ils appellent le « manque de considération ». Selon le parlementaire et membre du directoire de l’Union de l’association des élus locaux (Uael), El Hadj Malick Diop, « les élus locaux ne bénéficient d’aucune protection sur le plan juridique. Ils n’ont pas de pension à la retraite, ni de couverture sanitaire, encore moins d’assurance dans leur fonction ». « La preuve, déplore-t-il, les victimes d’inondations dans la banlieue de Dakar s’en prenaient toujours aux élus locaux de leurs zones dont l’intégrité physique est parfois menacée ».
Même son de cloche chez le deuxième vice-président de l’Association nationale des conseils ruraux (Ancr), Moussa Diop, qui a soutenu, lors d’un point de presse à Dakar, qu’un président de conseil rural (Prc) ne jouit d’aucune considération particulière, d’aucun respect de la part des autorités judiciaires alors qu’il représente l’institution locale. Alors qu’il est l’organe exécutif à la base, dépositaire de la confiance des populations de sa localité et investi de la mission de mettre en œuvre les décisions de son conseil. Pour étayer ses propos, il a rappelé qu’il arrive que des Pcr soient mis en garde à vue ou en détention provisoire pour des questions banales, citant les cas des Pcr de Gassane, dans le département de Linguère, de Bémit-Bidjini dans la région de Sédhiou, de Dioulacolon dans la région de Kolda, de Sandiara dans le département de Mbour... Toutefois, El Hadji Malick Diop affirme que des textes sont en cours de validation pour permettre aux élus locaux d’avoir un statut.
Dossier réalisé par Aliou KANDE et Maké DANGNOKHO
Le Soleil