Il est un pur produit du Système des Nations Unies. Bouri Sanhouidi, Représentant sortant du Pnud et coordonnateur du Système des Nations Unies au Sénégal, a passé près de 30 ans au service du développement et de la paix dans le monde. Après un premier séjour en 1981 comme jeune fonctionnaire, de retour comme Représentant résident en 2007, après une parenthèse dans d’autres pays d’Afrique et d’Europe, ce burkinabé se définit comme un fils du « pays de la téranga ». Natif de Koupela, un petit village situé à 140 kilomètres de Ouagadougou, la capitale Burbinabé, l’ingénieur agronome formé au Canada est en fin de mission et retient du pays, entre autres, une satisfaction dans l’application des recommandations des bailleurs de fonds à l’endroit du gouvernement, la création de l’Agence de régulation des marchés publics notamment, mais aussi un espoir quant à la capacité du pays à atteindre les Omd. Invité de la rédaction du Soleil, le natif du pays « des hommes intègres » appelle également chaque citoyen à jouer sa partition pour un développement harmonieux.
Des Etats insistent sur la nécessité de réformer le système des Nations Unies. Qu’en pensez-vous ?
Il faut comprendre qu’au centre, vous avez le Système des Nations Unies et toute une constellation d’agences, de programmes et de fonds. Et tout ce système a de plus en plus sa place dans le contexte de la réforme des Nations Unies. Les grands de ce monde qui s’étaient partagés la carte du monde, ne veulent pas entendre parler de réforme. Vous avez entendu parler de la réforme du Conseil de sécurité ? Malheureusement, en ce moment, on en parle très peu. Il y a les cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui ne veulent pas qu’on élargisse, alors qu’on parle de plus en plus de gouvernance à l’échelle des pays. Il faut donc parler de la gouvernance au plan mondial. En 1945, il n’y avait pas plus de cinquante Etats indépendants à l’époque. Aujourd’hui, il y a 202 Etats indépendants et on ne peut pas concevoir que le monde soit dirigé par uniquement une poignée de gens parce que ce sont les plus puissants, ce sont les plus riches et ce sont les plus industrialisés. Le débat est encore ouvert. Là où c’était plus facile et où on a élargi, c’est le Conseil des droits de l’Homme. Avant, il y avait une commission des Nations Unies pour les droits de l’Homme où les gens allaient débattre sur ces questions, dans les différents pays, mais il n’y avait pas de décision et de suivi. Dans le cadre des processus de réforme du Système des Nations Unies, on est arrivé à donner à cette commission, l’aspect du Conseil de sécurité. On ne se limite plus à la présentation des rapports, il y a des prises de décision. Au niveau plus opérationnel, économique et social, il y a un travail de terrain que l’Onu est en train d’effectuer. Cela bien avant les années 1960. Si autant de pays sont indépendants aujourd’hui, c’est grâce à l’action des Nations Unies sur le terrain. Et tous les pays n’ont pas pris leur indépendance comme la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest. Cela s’est souvent fait au prix d’âpres luttes, de sacrifice énormes.
Des mesures sont-elles prises pour plus d’efficacité dans les interventions ?
Au niveau du travail opérationnel de développement dans tous les secteurs de la vie économique, sociale et culturelle, qu’il s’agisse de l’éducation, de la santé, du développement, de la culture ou des questions d’emploi, presque tous les secteurs sont bien représentés au niveau des agences. A l’époque, tous les secteurs étaient couverts. Chaque agence avait un mandat spécifique. Et chaque agence, au nom de son mandat, travaillait sur le terrain. On s’est rendu compte qu’avec toutes les agences qu’il y a sur le terrain, si on coordonnait mieux nos actions, on serait beaucoup plus efficace. L’heure n’est plus aux millions de dollars qu’on présentait à la fin de l’année en guise de bilan ou d’investissement. Mais finalement, il fallait s’interroger sur le ou les résultats atteints dans le domaine de la santé, de l’éducation etc. C’est dans ce cadre qu’à plusieurs étapes, on a réformé pour rendre plus efficace l’action du Système des Nations Unies sur le terrain et c’est pour cela qu’on a pensé à coordonner les actions.
Comment le Pnud travaille avec les Etats ?
Comme le Pnud est l’organisme qui touche globalement le développement, le Représentant résident du Pnud est pris comme le coordonnateur résident du Système des Nations Unies. Au niveau des pays, les agents se mettent ensemble et réfléchissent sur la base des priorités dégagées par les gouvernements pour avoir une même compréhension sur ces priorités et sur les problèmes de développement avant de s’engager ensemble à définir un cadre pour permettre à chaque agence d’apporter sa contribution de manière coordonnée pour accompagner les efforts du gouvernement. Vous entendez souvent le programme du Pnud, le projet de telle agence, nous n’avons pas de programme à nous. Parfois, c’est un écart de langage. Mais nous sommes là pour accompagner les efforts du gouvernement pour lutter contre la pauvreté.
Quelle appréciation faites-vous du cas du Sénégal dans la définition du Dsrp ?
Pour le développement, les gouvernements définissent leurs priorités et de plus en plus, à la faveur du Dsrp, c’est des politiques économiques de développement que nous aidons à formuler. Et je me réjouis qu’ici au Sénégal, la définition de ces cadres stratégiques a toujours été faite de façon participative avec tous les éléments constitutifs de la société. Qu’il s’agisse d’abord du gouvernement qui a la responsabilité de définir ce cadre avec ses différentes entités au niveau national, mais également des autres partenaires comme la société civile, le secteur privé et les partenaires techniques et financiers. Il n’a pas été toujours ainsi dans d’autres pays. Ici, nous avons la chance d’avoir cette ouverture qui nous permet de nous engager et de nous adosser aux priorités du gouvernement et à ses analyses.
Qu’est ce qui fait la particularité du Sénégal dans son rapport avec le système des Nations Unies ?
Dans le Système des Nations Unies, nous sommes presque une trentaine d’agences ici. Là aussi, c’est la particularité du Sénégal, car, en dehors des représentations nationales, nous avons des agences qui ont mandat sous-régional et d’autres qui ont mandat au niveau de la région. Toutes ces agences se mettent ensemble et sur la base des priorités dégagées par le gouvernement à travers le Dsrp, nous définissons toujours, en étroite collaboration avec le gouvernement, le plan cadre des Nations Unies pour l’assistance au développement. Nous essayons de voir avec le gouvernement, sur la base des différents axes prioritaires, ce que le Système des Nations Unies peut faire et de manière coordonnée. Nous nous inscrivons dans le sillage de la Déclaration de Paris, selon laquelle, pour parvenir à un développement durable et équitable, il faut que les gouvernements soient les maîtres d’œuvre de leurs propres stratégies, de leurs priorités et de leurs propres programmes. Nous ne sommes plus aux années 60, où on venait dicter ce qu’il faut faire dans l’éducation et la santé. Aujourd’hui, nous avons à faire avec des gouvernements organisés qui ont des compétences dans tous les domaines, des hommes et des femmes qui ont des compétences et qui sont ouverts à la coopération.
Est-ce que la réforme du Système des Nations Unies ne devrait pas prendre en compte le statut du fonctionnaire international qui a souvent un niveau de vie en déphasage avec la réalité à la base ?
Quand j’ai commencé avec le Système des Nations Unies, les gens n’étaient pas beaucoup regardants parce qu’il y avait beaucoup de ressources avec les nombreuses missions d’identification, de formulation, d’évaluation à bord de rutilantes 4X4. Aujourd’hui, tout cela est fini. Même les populations ne sont plus d’accord avec ce mode de gestion. Ce qui les intéresse, ce sont les résultats. Et c’est ensemble que nous devons définir les actions. Parce qu’on ne peut pas faire le développement à la place de qui que ce soit. Ce ne sont pas des millions de dollars qui vont développer un pays, une communauté ou une personne. Ce sont d’abord la personne, les communautés elles-mêmes qui connaissent leurs besoins. On s’assure que le maximum des ressources mises à notre disposition par des gouvernants des pays développés, soit directement en fonds réguliers ou à travers des projets, vont à des actions concrètes. Prise individuellement, chaque agence est passée par des processus de reformes et de diminution du personnel au niveau administratif. On n’a plus le même niveau de personnel qu’on avait avant. Cela participe à l’efficacité de nos actions. C’est un processus qui est en cours dans toutes les agences du Système des Nations Unies. Nous nous efforçons de travailler étroitement en équipe.
Pouvez-vous revenir sur l’évaluation et le suivi de la Déclaration de Paris ?
Quand vous dites Déclaration de Paris, ça peut créer la confusion par rapport à la vraie Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide. Nous parlons de la réunion du groupe consultatif de Paris organisée par le gouvernement, avec l’appui de ses partenaires pour la présentation de son Document de stratégie de réduction de la pauvreté (Dsrp), deuxième génération, à la suite de laquelle, il y a eu des conclusions et des recommandations. A la suite de Paris, nous sommes revenus ici et on a synthétisé toutes les décisions et recommandations. C’est dans le cadre d’un partenariat. Il y avait des décisions qui s’adressaient au gouvernement, dans le cadre des réformes à mettre en œuvre, concernant les dépenses publiques, un certain nombre d’outils et de mécanismes. D’autres s’adressaient aux partenaires parce que nous sommes conscients aussi qu’il y a beaucoup de choses qui doivent évoluer à notre niveau. Je dois vous dire que tous les trimestres, il y a une réunion de suivi et, à chaque fois, le gouvernement vient faire le point de la mise en œuvre des engagements qu’il a pris ainsi qu’au niveau des partenaires. Le processus engagé est très positif et vous avez suivi également les différentes réunions et les rencontres des revues annuelles du Dsrp et de la revue à mi-parcours. Si je comprends bien, sur la base des leçons tirées de différentes revues, le gouvernement est en train de finaliser la feuille de route pour la préparation de documents de politiques économiques de troisième génération.
Quelle est cette feuille de route ?
Le Code des marchés publics faisait partie des recommandations qui avaient été faites, je dois dire que nous nous félicitons qu’il y ait eu une mise en œuvre des engagements qui avaient été pris au niveau du gouvernement. Aujourd’hui, nous avons un système performant qui existe, nous avons des cadres compétents qui ont été formés et vous avez maintenant, avec l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), les mécanismes d’audits qui sont faits. Là aussi, quand on parle d’audits, d’aucuns font dans la condamnation, alors que, pour moi, il faut voir les audits de manière positive. On veut améliorer les choses et c’est à travers les audits qu’on peut détecter ce qui ne va pas et ce qui va, ce qu’il faut améliorer. Normalement, c’est un travail qui doit se faire de façon participative. Il y a des auditeurs qui sont formés, qui ont les compétences et l’expérience qu’il faut et il y a les acteurs au niveau des services publics ou du secteur privé qui sont là et qui devraient participer activement en tant qu’acteurs dans les recherches et l’identification des meilleures pratiques possibles pour véritablement faire avancer les choses. Ce qu’on veut aujourd’hui, c’est l’efficacité dans nos actions, des résultats concrets, parce que les ressources deviennent de plus en plus rares alors que les problèmes sont encore là. Il faut alors prioriser les choses. Il faut vraiment que le FCfa qui sort soit utile parce que tous les secteurs en ont besoin ; si on décide de faire des arbitrages sur les budgets alloués aux secteurs, c’est pour améliorer le vécu quotidien des citoyens, aller vers le développement.
Quelle recommandation formulez-vous à l’endroit des autorités étatiques ?
Je n’ai rien à dire au gouvernement par rapport à la publication du rapport de l’Armp. C’est un processus qui est en marche. L’Armp n’est pas tombée du ciel. C’est un processus qui a été engagé par le gouvernement, avec l’appui des partenaires. Et aujourd’hui, le mécanisme est là, avec les partenaires ou pas. Ces mécanismes qui ont été mis en place avec les autorités, devraient pouvoir se poursuivre de façon harmonieuse. Il faut de temps en temps les revisiter pour s’assurer qu’on est dans la bonne direction, mais avec l’ensemble des partenaires. Quelle que soit la situation, il ne faut pas avoir peur de ces mécanismes, mais plutôt avoir confiance aux cadres qui ont des expériences, des compétences. Tout le monde a intérêt à ce que les choses s’améliorent. Nous visons tous le développement pour notre pays. Le développement est possible et chacun a sa part de contribution à apporter. Toutes les contributions comptent, quel que soit le statut de la personne, de la communauté. Chacun a un rôle à jouer.
Où en est le Sénégal en ce qui concerne l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (Omd) ?
Le gouvernement a pris au sérieux les engagements pris en septembre 2000 et les rapports périodiques qui sont faits sur l’Etat de mise en œuvre des Omd. Les secteurs qui sont en avance, c’est surtout l’éducation. Il y a de grands efforts qui sont faits. Quand je dis éducation, c’est aussi l’équité de genre. Aujourd’hui, il y a presque une parité entre garçons et filles au niveau scolaire. Ce n’est pas la même chose dans tous les autres pays. Je pense qu’il y a des efforts importants qui ont été faits. Dans le domaine de l’eau potable, en matière de développement de santé, l’eau potable est très importante. Le Sénégal, à travers des investissements massifs dans le cadre du Programme eau et assainissement pour le millénaire (Pepam), n’est pas loin de l’atteinte des Omd qu’il s’était fixé. Egalement dans certains domaines comme la lutte contre le Vih/Sida, au moment où certains pays se voilaient la face, le Sénégal a pris à bras le corps la question de la lutte contre le Vih/Sida, en intégrant et en faisant participer tous les acteurs, y compris les organisations de la société civile, les Ong, les communautés, les confessions religieuses... Ce qui a fait qu’aujourd’hui, le taux de séroprévalence a été maintenu à un niveau relativement bas puisqu’on parle de 0,7% ; bien que si vous allez dans certaines régions frontalières, vous verrez un taux de 1%, voire plus. Mais globalement, au niveau national, le taux est à 0,7%. Je pense que c’est un acquis indéniable qu’il convient de saluer. Bien sûr, au niveau du premier objectif qui concerne la réduction de moitié des populations qui souffrent de faim, là aussi, je pense qu’il y a des efforts qui sont en train d’être faits. Il y a des actions qui sont entreprises pour développer l’agriculture, créer les conditions propices pour permettre aux investisseurs nationaux comme internationaux d’investir dans le secteur. Je crois que parlant toujours des recommandations des groupes consultatifs, le gouvernement devrait favoriser un environnement propice aux investissements. La Stratégie de croissance accélérée (Sca) a été mise en place également, des différentes grappes, pour vraiment favoriser les investissements en travaillant étroitement avec l’ensemble des acteurs privés.
Quel bilan tirez-vous du village du millénaire ?
Le village du millénaire a été construit pour montrer que ce qui est dit dans les Omd n’est pas une utopie. On peut réaliser les Omd, mais à condition de mettre les moyens à l’échelle d’un pays. Mais c’est Louga qui a été sélectionné parmi 12 pays du monde pour expérimenter ce village du millénaire, car on s’est rendu compte que la pauvreté est un tout à la fois et que c’est là le problème. Dans le temps, on pensait à l’éducation d’abord, demain à la santé et après à l’eau, alors que le développement c’est un tout et qu’il faut agir en y mettant tous les moyens à la fois pour résoudre les problèmes. Dans le cadre de ces village où nous agissons dans tous les secteurs, nous avons obtenu des résultats, car nous sommes allés plusieurs fois sur le terrain. Mais ce qui est important, c’est que nous avons mobilisé tout le monde. D’abord les acteurs locaux avec les communautés de bases qui ont pris les choses en mains. C’est la clé du succès, parce que les agriculteurs et les populations elles-mêmes se sont réunis et ont identifié leurs besoins. Il y a aussi les autres acteurs locaux qui sont associés : les représentants du gouvernement, c’est-à-dire des ministères de l’Education, de l’Agriculture, de l’Elevage. Nous venons avec un appui technique et financier. Ils ont pu mobiliser la diaspora qui a fait venir du matériel médical et d’autres ressources financières pour contribuer. Cela a marché. Nous pouvons atteindre les objectifs du millénaire pour le développement, mais à condition de frapper fort à tous les niveaux, en comptant sur les populations locales elles-mêmes, en travaillant dans la durée et en impliquant les acteurs locaux. C’est différent de l’ancienne approche où c’est un projet avec les experts. Maintenant, dans les projets, il n’y a aucun expert expatrié ; tous les experts qui sont dans des projets sont des nationaux.
Que faut-il faire pour mieux organiser l’argent des émigrés ?
Pour la migration, le Pnud a en fait un thème dans son rapport cette année. Ce document est intitulé : « lever les barrières ». Parce qu’effectivement, pendant longtemps, nous avons parlé de migration en pensant aux gens dans les bateaux ou dans le désert ou aux rapatriés sans le sou après qu’ils aient emprunté et dilapidé les ressources de la famille pour payer les passeurs. Finalement, nous commençons à voir les deux côtés de la face. L’émigration, ce sont aussi des retombées financières. Presque tous les villages du Sénégal ont des fils en Europe et qui envoient de l’argent à la famille. C’est ce qui fait qu’on l’électrifie dans certains villages, qu’on construit un bon habitat et aussi des centres de santé, certes mis en place par l’Etat, mais avec une contribution des fils de la diaspora. Ce qui contribue à améliorer le vécu quotidien des familles. Par ailleurs, comme le rapport l’a dit, la migration fait évoluer les mentalités et la culture dans les villages. Il y a aussi certaines industries en Europe qui ont tenu grâce à l’expertise de la diaspora africaine. Il y a des industries entières où, en dehors des grands patrons, le reste des travailleurs sont nos compatriotes dont certains sont très respectés parce que les propriétaires des industries connaissent leurs valeurs. Ce sont des gens qui ont été associés à la mise en place de ces usines et industries et qui sont indissociables à l’entreprise.
Est ce qu’il vous arrive de retarder le démarrage d’un projet...
Quand vous travaillez dans le cadre d’un partenariat, il faut faire confiance à l’autre. Il ne s’agit pas de dire au partenaire si vous ne faites pas ceci, on ne fait pas cela. À la limite, le gouvernement n’est pas obligé d’accepter. On échange et on trouve des solutions. Parfois, il y a des contraintes objectives. Nous vivons ici, nous comprenons la situation. Si on doit prendre une décision, c’est ensemble qu’on la prend, parce qu’on veut l’efficacité. On veut des résultats, mais loin de nous l’idée de dire que si le gouvernement ne fait pas ceci, nous ne ferons pas cela. Il nous arrive de discuter ouvertement, mais dans le respect l’un de l’autre. Parce que nous n’avons pas d’autres ambitions que d’apporter une contribution de qualité. Nous ne sommes pas là pour dicter quoi que ce soit. Quand on s’apprécie mutuellement, on peut se dire des choses ouvertement, en toute humilité, mais sans arrogance.
Vous avez parlé des savoirs traditionnels. Comment faites-vous pour capitaliser ces savoirs endogènes ?
Au Pnud et dans beaucoup d’agences du Système des Nations Unies, nous nous sommes rendu compte que nous gagnerons beaucoup à nous appuyer sur ces savoirs traditionnels et à les capitaliser. Ça veut dire qu’avec des discussions, on peut améliorer les systèmes de travail. Quand vous allez dans un village, en causant avec la communauté, vous arrivez à savoir comment elle procède et pourquoi elle fait ainsi. Nous avons découvert beaucoup de choses ainsi. De plus en plus, nous sortons des plaquettes sur des meilleures pratiques dans certains pays. Il y a beaucoup de meilleures pratiques qui se font au Sénégal, dans des villages et ailleurs, alors que, malheureusement, les villages à côté les ignorent. Le Sénégal a beaucoup de choses à offrir à beaucoup d’autres régions comme il a beaucoup à recevoir des autres Etats africains. Cela se fait de plus en plus à travers les rencontres au niveau des représentants de la société civile et des communautés. La décentralisation est aussi un moyen de capitaliser ces pratiques. C’est la voie à suivre, parce qu’on ne peut pas tout mener à partir des capitales. La décentralisation est la meilleure voie. Le Sénégal a fait beaucoup d’efforts dans ce domaine. Il n y a aucun pays au monde où on peut dire avoir atteint un niveau de décentralisation exemplaire. On se remet chaque jour en cause pour aller de l’avant.
Propos recueillis par Babacar DIONE, Aly DIOUF, Maguette NDONG et Eugène Kaly (avec la Rédaction)
Le Soleil
Des Etats insistent sur la nécessité de réformer le système des Nations Unies. Qu’en pensez-vous ?
Il faut comprendre qu’au centre, vous avez le Système des Nations Unies et toute une constellation d’agences, de programmes et de fonds. Et tout ce système a de plus en plus sa place dans le contexte de la réforme des Nations Unies. Les grands de ce monde qui s’étaient partagés la carte du monde, ne veulent pas entendre parler de réforme. Vous avez entendu parler de la réforme du Conseil de sécurité ? Malheureusement, en ce moment, on en parle très peu. Il y a les cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui ne veulent pas qu’on élargisse, alors qu’on parle de plus en plus de gouvernance à l’échelle des pays. Il faut donc parler de la gouvernance au plan mondial. En 1945, il n’y avait pas plus de cinquante Etats indépendants à l’époque. Aujourd’hui, il y a 202 Etats indépendants et on ne peut pas concevoir que le monde soit dirigé par uniquement une poignée de gens parce que ce sont les plus puissants, ce sont les plus riches et ce sont les plus industrialisés. Le débat est encore ouvert. Là où c’était plus facile et où on a élargi, c’est le Conseil des droits de l’Homme. Avant, il y avait une commission des Nations Unies pour les droits de l’Homme où les gens allaient débattre sur ces questions, dans les différents pays, mais il n’y avait pas de décision et de suivi. Dans le cadre des processus de réforme du Système des Nations Unies, on est arrivé à donner à cette commission, l’aspect du Conseil de sécurité. On ne se limite plus à la présentation des rapports, il y a des prises de décision. Au niveau plus opérationnel, économique et social, il y a un travail de terrain que l’Onu est en train d’effectuer. Cela bien avant les années 1960. Si autant de pays sont indépendants aujourd’hui, c’est grâce à l’action des Nations Unies sur le terrain. Et tous les pays n’ont pas pris leur indépendance comme la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest. Cela s’est souvent fait au prix d’âpres luttes, de sacrifice énormes.
Des mesures sont-elles prises pour plus d’efficacité dans les interventions ?
Au niveau du travail opérationnel de développement dans tous les secteurs de la vie économique, sociale et culturelle, qu’il s’agisse de l’éducation, de la santé, du développement, de la culture ou des questions d’emploi, presque tous les secteurs sont bien représentés au niveau des agences. A l’époque, tous les secteurs étaient couverts. Chaque agence avait un mandat spécifique. Et chaque agence, au nom de son mandat, travaillait sur le terrain. On s’est rendu compte qu’avec toutes les agences qu’il y a sur le terrain, si on coordonnait mieux nos actions, on serait beaucoup plus efficace. L’heure n’est plus aux millions de dollars qu’on présentait à la fin de l’année en guise de bilan ou d’investissement. Mais finalement, il fallait s’interroger sur le ou les résultats atteints dans le domaine de la santé, de l’éducation etc. C’est dans ce cadre qu’à plusieurs étapes, on a réformé pour rendre plus efficace l’action du Système des Nations Unies sur le terrain et c’est pour cela qu’on a pensé à coordonner les actions.
Comment le Pnud travaille avec les Etats ?
Comme le Pnud est l’organisme qui touche globalement le développement, le Représentant résident du Pnud est pris comme le coordonnateur résident du Système des Nations Unies. Au niveau des pays, les agents se mettent ensemble et réfléchissent sur la base des priorités dégagées par les gouvernements pour avoir une même compréhension sur ces priorités et sur les problèmes de développement avant de s’engager ensemble à définir un cadre pour permettre à chaque agence d’apporter sa contribution de manière coordonnée pour accompagner les efforts du gouvernement. Vous entendez souvent le programme du Pnud, le projet de telle agence, nous n’avons pas de programme à nous. Parfois, c’est un écart de langage. Mais nous sommes là pour accompagner les efforts du gouvernement pour lutter contre la pauvreté.
Quelle appréciation faites-vous du cas du Sénégal dans la définition du Dsrp ?
Pour le développement, les gouvernements définissent leurs priorités et de plus en plus, à la faveur du Dsrp, c’est des politiques économiques de développement que nous aidons à formuler. Et je me réjouis qu’ici au Sénégal, la définition de ces cadres stratégiques a toujours été faite de façon participative avec tous les éléments constitutifs de la société. Qu’il s’agisse d’abord du gouvernement qui a la responsabilité de définir ce cadre avec ses différentes entités au niveau national, mais également des autres partenaires comme la société civile, le secteur privé et les partenaires techniques et financiers. Il n’a pas été toujours ainsi dans d’autres pays. Ici, nous avons la chance d’avoir cette ouverture qui nous permet de nous engager et de nous adosser aux priorités du gouvernement et à ses analyses.
Qu’est ce qui fait la particularité du Sénégal dans son rapport avec le système des Nations Unies ?
Dans le Système des Nations Unies, nous sommes presque une trentaine d’agences ici. Là aussi, c’est la particularité du Sénégal, car, en dehors des représentations nationales, nous avons des agences qui ont mandat sous-régional et d’autres qui ont mandat au niveau de la région. Toutes ces agences se mettent ensemble et sur la base des priorités dégagées par le gouvernement à travers le Dsrp, nous définissons toujours, en étroite collaboration avec le gouvernement, le plan cadre des Nations Unies pour l’assistance au développement. Nous essayons de voir avec le gouvernement, sur la base des différents axes prioritaires, ce que le Système des Nations Unies peut faire et de manière coordonnée. Nous nous inscrivons dans le sillage de la Déclaration de Paris, selon laquelle, pour parvenir à un développement durable et équitable, il faut que les gouvernements soient les maîtres d’œuvre de leurs propres stratégies, de leurs priorités et de leurs propres programmes. Nous ne sommes plus aux années 60, où on venait dicter ce qu’il faut faire dans l’éducation et la santé. Aujourd’hui, nous avons à faire avec des gouvernements organisés qui ont des compétences dans tous les domaines, des hommes et des femmes qui ont des compétences et qui sont ouverts à la coopération.
Est-ce que la réforme du Système des Nations Unies ne devrait pas prendre en compte le statut du fonctionnaire international qui a souvent un niveau de vie en déphasage avec la réalité à la base ?
Quand j’ai commencé avec le Système des Nations Unies, les gens n’étaient pas beaucoup regardants parce qu’il y avait beaucoup de ressources avec les nombreuses missions d’identification, de formulation, d’évaluation à bord de rutilantes 4X4. Aujourd’hui, tout cela est fini. Même les populations ne sont plus d’accord avec ce mode de gestion. Ce qui les intéresse, ce sont les résultats. Et c’est ensemble que nous devons définir les actions. Parce qu’on ne peut pas faire le développement à la place de qui que ce soit. Ce ne sont pas des millions de dollars qui vont développer un pays, une communauté ou une personne. Ce sont d’abord la personne, les communautés elles-mêmes qui connaissent leurs besoins. On s’assure que le maximum des ressources mises à notre disposition par des gouvernants des pays développés, soit directement en fonds réguliers ou à travers des projets, vont à des actions concrètes. Prise individuellement, chaque agence est passée par des processus de reformes et de diminution du personnel au niveau administratif. On n’a plus le même niveau de personnel qu’on avait avant. Cela participe à l’efficacité de nos actions. C’est un processus qui est en cours dans toutes les agences du Système des Nations Unies. Nous nous efforçons de travailler étroitement en équipe.
Pouvez-vous revenir sur l’évaluation et le suivi de la Déclaration de Paris ?
Quand vous dites Déclaration de Paris, ça peut créer la confusion par rapport à la vraie Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide. Nous parlons de la réunion du groupe consultatif de Paris organisée par le gouvernement, avec l’appui de ses partenaires pour la présentation de son Document de stratégie de réduction de la pauvreté (Dsrp), deuxième génération, à la suite de laquelle, il y a eu des conclusions et des recommandations. A la suite de Paris, nous sommes revenus ici et on a synthétisé toutes les décisions et recommandations. C’est dans le cadre d’un partenariat. Il y avait des décisions qui s’adressaient au gouvernement, dans le cadre des réformes à mettre en œuvre, concernant les dépenses publiques, un certain nombre d’outils et de mécanismes. D’autres s’adressaient aux partenaires parce que nous sommes conscients aussi qu’il y a beaucoup de choses qui doivent évoluer à notre niveau. Je dois vous dire que tous les trimestres, il y a une réunion de suivi et, à chaque fois, le gouvernement vient faire le point de la mise en œuvre des engagements qu’il a pris ainsi qu’au niveau des partenaires. Le processus engagé est très positif et vous avez suivi également les différentes réunions et les rencontres des revues annuelles du Dsrp et de la revue à mi-parcours. Si je comprends bien, sur la base des leçons tirées de différentes revues, le gouvernement est en train de finaliser la feuille de route pour la préparation de documents de politiques économiques de troisième génération.
Quelle est cette feuille de route ?
Le Code des marchés publics faisait partie des recommandations qui avaient été faites, je dois dire que nous nous félicitons qu’il y ait eu une mise en œuvre des engagements qui avaient été pris au niveau du gouvernement. Aujourd’hui, nous avons un système performant qui existe, nous avons des cadres compétents qui ont été formés et vous avez maintenant, avec l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), les mécanismes d’audits qui sont faits. Là aussi, quand on parle d’audits, d’aucuns font dans la condamnation, alors que, pour moi, il faut voir les audits de manière positive. On veut améliorer les choses et c’est à travers les audits qu’on peut détecter ce qui ne va pas et ce qui va, ce qu’il faut améliorer. Normalement, c’est un travail qui doit se faire de façon participative. Il y a des auditeurs qui sont formés, qui ont les compétences et l’expérience qu’il faut et il y a les acteurs au niveau des services publics ou du secteur privé qui sont là et qui devraient participer activement en tant qu’acteurs dans les recherches et l’identification des meilleures pratiques possibles pour véritablement faire avancer les choses. Ce qu’on veut aujourd’hui, c’est l’efficacité dans nos actions, des résultats concrets, parce que les ressources deviennent de plus en plus rares alors que les problèmes sont encore là. Il faut alors prioriser les choses. Il faut vraiment que le FCfa qui sort soit utile parce que tous les secteurs en ont besoin ; si on décide de faire des arbitrages sur les budgets alloués aux secteurs, c’est pour améliorer le vécu quotidien des citoyens, aller vers le développement.
Quelle recommandation formulez-vous à l’endroit des autorités étatiques ?
Je n’ai rien à dire au gouvernement par rapport à la publication du rapport de l’Armp. C’est un processus qui est en marche. L’Armp n’est pas tombée du ciel. C’est un processus qui a été engagé par le gouvernement, avec l’appui des partenaires. Et aujourd’hui, le mécanisme est là, avec les partenaires ou pas. Ces mécanismes qui ont été mis en place avec les autorités, devraient pouvoir se poursuivre de façon harmonieuse. Il faut de temps en temps les revisiter pour s’assurer qu’on est dans la bonne direction, mais avec l’ensemble des partenaires. Quelle que soit la situation, il ne faut pas avoir peur de ces mécanismes, mais plutôt avoir confiance aux cadres qui ont des expériences, des compétences. Tout le monde a intérêt à ce que les choses s’améliorent. Nous visons tous le développement pour notre pays. Le développement est possible et chacun a sa part de contribution à apporter. Toutes les contributions comptent, quel que soit le statut de la personne, de la communauté. Chacun a un rôle à jouer.
Où en est le Sénégal en ce qui concerne l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (Omd) ?
Le gouvernement a pris au sérieux les engagements pris en septembre 2000 et les rapports périodiques qui sont faits sur l’Etat de mise en œuvre des Omd. Les secteurs qui sont en avance, c’est surtout l’éducation. Il y a de grands efforts qui sont faits. Quand je dis éducation, c’est aussi l’équité de genre. Aujourd’hui, il y a presque une parité entre garçons et filles au niveau scolaire. Ce n’est pas la même chose dans tous les autres pays. Je pense qu’il y a des efforts importants qui ont été faits. Dans le domaine de l’eau potable, en matière de développement de santé, l’eau potable est très importante. Le Sénégal, à travers des investissements massifs dans le cadre du Programme eau et assainissement pour le millénaire (Pepam), n’est pas loin de l’atteinte des Omd qu’il s’était fixé. Egalement dans certains domaines comme la lutte contre le Vih/Sida, au moment où certains pays se voilaient la face, le Sénégal a pris à bras le corps la question de la lutte contre le Vih/Sida, en intégrant et en faisant participer tous les acteurs, y compris les organisations de la société civile, les Ong, les communautés, les confessions religieuses... Ce qui a fait qu’aujourd’hui, le taux de séroprévalence a été maintenu à un niveau relativement bas puisqu’on parle de 0,7% ; bien que si vous allez dans certaines régions frontalières, vous verrez un taux de 1%, voire plus. Mais globalement, au niveau national, le taux est à 0,7%. Je pense que c’est un acquis indéniable qu’il convient de saluer. Bien sûr, au niveau du premier objectif qui concerne la réduction de moitié des populations qui souffrent de faim, là aussi, je pense qu’il y a des efforts qui sont en train d’être faits. Il y a des actions qui sont entreprises pour développer l’agriculture, créer les conditions propices pour permettre aux investisseurs nationaux comme internationaux d’investir dans le secteur. Je crois que parlant toujours des recommandations des groupes consultatifs, le gouvernement devrait favoriser un environnement propice aux investissements. La Stratégie de croissance accélérée (Sca) a été mise en place également, des différentes grappes, pour vraiment favoriser les investissements en travaillant étroitement avec l’ensemble des acteurs privés.
Quel bilan tirez-vous du village du millénaire ?
Le village du millénaire a été construit pour montrer que ce qui est dit dans les Omd n’est pas une utopie. On peut réaliser les Omd, mais à condition de mettre les moyens à l’échelle d’un pays. Mais c’est Louga qui a été sélectionné parmi 12 pays du monde pour expérimenter ce village du millénaire, car on s’est rendu compte que la pauvreté est un tout à la fois et que c’est là le problème. Dans le temps, on pensait à l’éducation d’abord, demain à la santé et après à l’eau, alors que le développement c’est un tout et qu’il faut agir en y mettant tous les moyens à la fois pour résoudre les problèmes. Dans le cadre de ces village où nous agissons dans tous les secteurs, nous avons obtenu des résultats, car nous sommes allés plusieurs fois sur le terrain. Mais ce qui est important, c’est que nous avons mobilisé tout le monde. D’abord les acteurs locaux avec les communautés de bases qui ont pris les choses en mains. C’est la clé du succès, parce que les agriculteurs et les populations elles-mêmes se sont réunis et ont identifié leurs besoins. Il y a aussi les autres acteurs locaux qui sont associés : les représentants du gouvernement, c’est-à-dire des ministères de l’Education, de l’Agriculture, de l’Elevage. Nous venons avec un appui technique et financier. Ils ont pu mobiliser la diaspora qui a fait venir du matériel médical et d’autres ressources financières pour contribuer. Cela a marché. Nous pouvons atteindre les objectifs du millénaire pour le développement, mais à condition de frapper fort à tous les niveaux, en comptant sur les populations locales elles-mêmes, en travaillant dans la durée et en impliquant les acteurs locaux. C’est différent de l’ancienne approche où c’est un projet avec les experts. Maintenant, dans les projets, il n’y a aucun expert expatrié ; tous les experts qui sont dans des projets sont des nationaux.
Que faut-il faire pour mieux organiser l’argent des émigrés ?
Pour la migration, le Pnud a en fait un thème dans son rapport cette année. Ce document est intitulé : « lever les barrières ». Parce qu’effectivement, pendant longtemps, nous avons parlé de migration en pensant aux gens dans les bateaux ou dans le désert ou aux rapatriés sans le sou après qu’ils aient emprunté et dilapidé les ressources de la famille pour payer les passeurs. Finalement, nous commençons à voir les deux côtés de la face. L’émigration, ce sont aussi des retombées financières. Presque tous les villages du Sénégal ont des fils en Europe et qui envoient de l’argent à la famille. C’est ce qui fait qu’on l’électrifie dans certains villages, qu’on construit un bon habitat et aussi des centres de santé, certes mis en place par l’Etat, mais avec une contribution des fils de la diaspora. Ce qui contribue à améliorer le vécu quotidien des familles. Par ailleurs, comme le rapport l’a dit, la migration fait évoluer les mentalités et la culture dans les villages. Il y a aussi certaines industries en Europe qui ont tenu grâce à l’expertise de la diaspora africaine. Il y a des industries entières où, en dehors des grands patrons, le reste des travailleurs sont nos compatriotes dont certains sont très respectés parce que les propriétaires des industries connaissent leurs valeurs. Ce sont des gens qui ont été associés à la mise en place de ces usines et industries et qui sont indissociables à l’entreprise.
Est ce qu’il vous arrive de retarder le démarrage d’un projet...
Quand vous travaillez dans le cadre d’un partenariat, il faut faire confiance à l’autre. Il ne s’agit pas de dire au partenaire si vous ne faites pas ceci, on ne fait pas cela. À la limite, le gouvernement n’est pas obligé d’accepter. On échange et on trouve des solutions. Parfois, il y a des contraintes objectives. Nous vivons ici, nous comprenons la situation. Si on doit prendre une décision, c’est ensemble qu’on la prend, parce qu’on veut l’efficacité. On veut des résultats, mais loin de nous l’idée de dire que si le gouvernement ne fait pas ceci, nous ne ferons pas cela. Il nous arrive de discuter ouvertement, mais dans le respect l’un de l’autre. Parce que nous n’avons pas d’autres ambitions que d’apporter une contribution de qualité. Nous ne sommes pas là pour dicter quoi que ce soit. Quand on s’apprécie mutuellement, on peut se dire des choses ouvertement, en toute humilité, mais sans arrogance.
Vous avez parlé des savoirs traditionnels. Comment faites-vous pour capitaliser ces savoirs endogènes ?
Au Pnud et dans beaucoup d’agences du Système des Nations Unies, nous nous sommes rendu compte que nous gagnerons beaucoup à nous appuyer sur ces savoirs traditionnels et à les capitaliser. Ça veut dire qu’avec des discussions, on peut améliorer les systèmes de travail. Quand vous allez dans un village, en causant avec la communauté, vous arrivez à savoir comment elle procède et pourquoi elle fait ainsi. Nous avons découvert beaucoup de choses ainsi. De plus en plus, nous sortons des plaquettes sur des meilleures pratiques dans certains pays. Il y a beaucoup de meilleures pratiques qui se font au Sénégal, dans des villages et ailleurs, alors que, malheureusement, les villages à côté les ignorent. Le Sénégal a beaucoup de choses à offrir à beaucoup d’autres régions comme il a beaucoup à recevoir des autres Etats africains. Cela se fait de plus en plus à travers les rencontres au niveau des représentants de la société civile et des communautés. La décentralisation est aussi un moyen de capitaliser ces pratiques. C’est la voie à suivre, parce qu’on ne peut pas tout mener à partir des capitales. La décentralisation est la meilleure voie. Le Sénégal a fait beaucoup d’efforts dans ce domaine. Il n y a aucun pays au monde où on peut dire avoir atteint un niveau de décentralisation exemplaire. On se remet chaque jour en cause pour aller de l’avant.
Propos recueillis par Babacar DIONE, Aly DIOUF, Maguette NDONG et Eugène Kaly (avec la Rédaction)
Le Soleil