État de droit : L'aide problématique

Dorothée Müller, Chercheuse à la Faculté de science politique et de sociologie de l'Université de Heidelberg, en Allemagne.



Les populations de Tunisie, d'Egypte ou du Yémen ont protesté contre leurs régimes respectifs. Un afflux de réfugiés fuyant l'instabilité a atteint l'Europe. Ces évènements posent la question de l'absence d’État de droit ou la présence de systèmes faibles pour faire respecter l’État de droit. Tous les facteurs expliquant le manque d’État de droit ne sont pas endogènes, localisés à l’intérieur même des pays en question. Au contraire, ils posent en réalité un grand défi pour la politique étrangère des pays riches.

Les dispositions de l'Europe en matière d'aide au développement ont été examinées pour déterminer si cette aide contribue à la faiblesse de l’État de droit dans les pays récipiendaires, particulièrement lorsque le soutien est accordé aux États défaillants. Dans ces Etats, les fonds décaissés arrivent au mauvais endroit et entre les mauvaises mains. L'absence de contact ou de négociateur direct et le manque de clarté eu égard aux intentions attachées à ces fonds, constituent un énorme problème. Une grosse partie des fonds va à l'armée, l'administration et la promotion des hommes politiques, et ce, au détriment d'un développement autonome et durable.

En Ouganda, par exemple, comme Andrew Mwenda a pu l’observer, l'aide au développement couvre environ 50 % du budget de l'Etat. Sans elle, de l'opinion commune, l'Ouganda ne serait pas en mesure d’allouer les efforts nécessaires en matière d'éducation ou de politique de santé, entre autres. Toutefois, 50 pour cent du budget de l'Etat est utilisé à des fins militaires et administratives tous les ans ou même se perd à travers la corruption. (1)

De manière générale, les États africains ne prêtent pas attention à leurs propres tâches en matière de développement, puisqu’ils n'ont pas besoin de le faire. Ils n'ont pas à écouter les besoins de la population tant que les coûts encourus sont couverts par des fonds d'aide. Considérant cette évolution, il semble fort que l'aide subventionne des États corrompus et inefficaces, et pose les mauvaises incitations (2).

Un certain nombre d'universitaires africains se penchent sur les facteurs pouvant expliquer les États défaillants et la pauvreté sur le continent africain. Bien que l'aide au développement soit une explication, une réponse plus complète comprendrait des mesures encourageant les États à agir d'une manière plus responsable dans le domaine de la politique fiscale. Par ce biais, la dépendance à l'aide au développement pourrait être réduite et un système indépendant et autonome en résulterait, collant avec les conditions diverses. Tant que les États s'accrochent à l'aide au développement pour couvrir leurs dépenses, ils restent dépendants du donateur. Au contraire, leur objectif final devrait être l’indépendance et la stabilité, pour créer un État de droit solide (3).

Bien sûr, l'aide au développement est aussi en mesure de favoriser la régénération du pays, la sécurité et la création de richesse. Toutefois, elle implique le plus souvent des conditions. Elle est toujours liée à l'intérêt des bailleurs de fonds et donnée selon leurs termes. Cela la fait souvent entrer en conflit avec les intérêts et les priorités des pays d'accueil. Observons d’ailleurs les réactions très timides de l'Occident face aux émeutes en Tunisie et en Égypte. Une preuve que ses priorités ne sont peut-être pas celles déclarées haut et fort. Les États-Unis comme l'Europe ont des intérêts politiques dans cette région. Cela souligne que l'aide n'est pas accordée sans un avantage pour le donateur.

L'aide au développement a causé des conséquences imprévues. Elle n'a pas atteint le but qu'elle entreprenait officiellement de réaliser. C'est d’ailleurs aussi pourquoi les donateurs commencent à repenser leurs méthodes (4). Des mesures devraient être créés qui impliquent moins de dépendance et le respect des priorités nationales. Les pays bénéficiaires, de leur côté, devraient s'attaquer à la corruption et poser les conditions pour améliorer le niveau de vie de l'électorat. L'objectif final devrait être une responsabilisation politique, pour un système global stable et libre permettant le développement durable. Cela résulte d’une coopération mutuelle entre partenaires égaux.

Dorothée Müller, Chercheuse à la Faculté de science politique et de sociologie de l'Université de Heidelberg, en Allemagne.
Une version de cet article a été publiée originellement en anglais sur www.AfricanExecutive.com.
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org

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