LUTTE CONTRE LE PERIL CLIMATIQUE ET PROTECTION DE LA NATURE Le temps des mutuelles vertes

On connaissait les mutuelles d’épargne et de crédit pour repousser les processus d’appauvrissement en Afrique. Voici venu l’heure des mutuelles vertes, pour sauver les rares espaces de conservation des richesses qui restent encore en vie au niveau d’écosystèmes fragiles comme la vallée du fleuve, le delta du Saloum, les abords du fleuve Gambie au niveau de la région de Kédougou…



Ngaye Ngaye, petit village du Sahel sur les marges du fleuve Sénégal. A une dizaine de kilomètres de la ville de Saint-Louis, ce petit village abrite en cette matinée bien ensoleillée de décembre, une réunion peu commune comme il s’en passe rarement dans ces petites localités d’un monde oubliés. Venus du Saloum, de la région de Kédougou, de Tambacounda, du Ferlo sec livrés aux intempéries, mais aussi de la région du fleuve quelques dizaines de femmes et d’hommes, les carnets à la main, pour celles et ceux qui savent lire parmi eux, notent les conseils d’un spécialiste de l’installation des projets de mutuelles dans les villages.

Une véritable révolution dans une zone où l’environnement est resté une belle nébuleuse pour tout ce monde. L’homme en caftan bleu, connaît pourtant ce monde. Il ne sue pas encore, mais souffre et peine à faire régner l’ordre quand il se met à expliquer aux bergers, aux négociants de bétail, aux paysans venus de Saraya, dans l’extrême sud du pays, comment sont organisés les mécanismes et modes de gestion de ces nouvelles institutions locales, destinées à accompagner ses populations braves, à se sortir de la pauvreté et de l’oubli des pouvoirs publics.

Une Assemblée dans un milieu où se mélangent le savoir sûr de certains, la pratique des autres et l’ignorance de quelques-uns, le discours de consensus paraît bien difficile. Voire impossible des fois. Plusieurs fois, des voix s’élèvent quand l’idée n’est pas partagée ou comprise ; on se bât à chaque étape du processus.

Dans un monde en butte à toutes les formes de manquements, l’accès aux ressources est devenu de nos jours, un véritable casse tête dans les zones où subsistent quelques bribes de richesses et ressources sauvages favorisés par un microclimat : les parcs, les réserves, les sources d’eau, la zone de terroir riches etc. Pour préserver tous ces écosystèmes fragiles et livrés à eux-mêmes, que faire ?

Des mutuelles pour sortir le monde rural de la pauvreté, des exigences de la survie, sont nées de ce fait ; et le pari est lancé depuis quelques années au Sénégal dans le cadre du Projet de gestion intégrée des écosystèmes dans quatre paysages représentatifs du Sénégal. On l’appelle le Pgies. Pour le commandant Ibrahima Samb, coordonnateur du projet, « Il s’agit de la contribution des mutuelle dans la gestion des réserves naturelles communautaires. En effet, 25% des bénéfices sont versés dans le Fonds pour l’environnement et confié au comité Inter-villageois de gestion de la réserve. Ce fonds est aussi alimenté par 5% des contrat-plans que le projet signe avec le comité inter villageois pour la réalisation d’activités dans la réserve. Ce mécanisme vise à assurer une pérennisation des actions après la fin du projet par les populations bénéficiaires. »

A terme, ce Projet de gestion intégrée des écosystèmes dans quatre paysages représentatifs du Sénégal (Pgies), vise ainsi, selon ses initiateurs, à promouvoir la gestion intégrée des écosystèmes et de la biodiversité d’importance mondiale au plan communautaire, à réduire les émissions de gaz à effet de serre par une séquestration de carbone.

Pour le commandant Samb, « le Pgies vise aussi à empêcher la dégradation des 4 échantillons d’écosystèmes choisis et représentant les principaux types d’écosystèmes du Sénégal comprenant : les Réserves de faune et les Réserves sylvopastorales adjacentes dans les steppes du Ferlo ; le Parc National du Niokolo-koba et les forêts classées périphériques dans la zone soudano-guinéenne au Sud-est ; de même que les Niayes comprenant les dunes côtières et les réserves le long de la grande côte de l’océan ; et le Parc National du Delta du Saloum avec les forêts classées et les mangroves qui lui sont associées le long de la zone côtière du Sud-est. »

Allant plus loin dans son analyse, le commandant Samb de dire, « Le projet, dans ses orientations et son approche veut promouvoir un modèle de conservation intégrée au Développement dans chaque site, en promouvant la planification écologique intégrée au plan régional, et en levant les barrières juridiques, politiques et techniques à la gestion intégrée des écosystèmes dans une démarche participative et communautaire. »

Les sites retenus se composent ainsi chacun de trois unités spatiales liées, les unes aux autres, à savoir les aires protégées, les réserve communautaires à mettre en place et les terroirs villageois.

Un océan de pauvreté en quête d’espoirs

25 réserves restaurées pour la survie

Dans ses sites d’actions, vingt cinq (25) Réserves naturelles communautaires ont été aménagés et cinq se situent dans la zone des Niayes. Il s’agit des réserves naturelles communautaires de Notto Gouye Diama, de Darou Khoudoss, de Diokoul Diawrigne, du Lac Tanma et du Gandon.

A travers toutes ces localités situées dans des terroirs et des régions différentes, il est question aujourd’hui, de créer un réseau dynamique de mutuelles au sein duquel, les maîtres-mots sont : la démocratie, la transparence et l’équité. La réunion de Saint-Louis avait ainsi pour but de faire comprendre aux populations de ces zones fragiles et riche, ces mots clés. Cela, à travers un manuel de procédures qui permettra de préserver l’essentiel et la survie des entités nouvelles que sont les mutuelles.

Pour le consultant, Ousmane Thioune, « depuis l’année 2003, il y a eu une longue maturation pour mener à terme cette idée de mutuelle surtout par rapport aux attentes des populations qui voulaient profiter d’un aspect du programme qui leur était octroyées pour le bénéfice de la protection de leur environnement dans le cadre d’un mécanisme durable qui leur permettrait de conserver leurs ressources et la biodiversité… »

Ngaye Ngaye, marque ainsi la seconde étape de ce projet à travers la création d’un réseau durable de gestion des mutuelles pour amender les sols, protéger les espèces en danger… Selon Ousmane Thioune, « le réseau arrive dans un contexte où au niveau des mutuelles, on a noté l’introduction d’un nouveau mode de gestion et de management avec l’introduction de produits comme microassurance et le transfert d’argent… »

Quelques inquiétudes existent néanmoins soulevées par certains présidents de conseils villageois. Aujourd’hui, une bataille de positionnement est perceptible parce que cela marche de plus en plus et les gens, selon le consultant Thioune, voient et attendent l’arrivée de quelque intérêt immédiat (l’argent surtout pour les bénéficiaires). « Mais, à mon avis, précise M. Thioune, chacun doit rester à sa place. » Ousmane Thioune d’ajouter, « Il faut qu’on revienne à plus de sérénité. »

Un modèle durable à parfaire

Depuis sept ans que ces projets sont lancés, un espoir demeure malgré les quelques divergences. Les feux de brousse ont beaucoup baissé, affirment les populations parce que des pare-feux ont été mis en place. Et depuis, quatre à cinq ans, on a noté une baisse des feux de brousse. Dans la communauté rurale comme dans les espaces villageois, le constat d’embellie est le même. Des barrages et des microbarrages et d’autres petits ouvrages d’endiguement sont entrain de faire leurs premiers effets dans des régions envahies par le sel comme le delta du Saloum.

Président du Comité inter villageois du Gandon, Babacar Diop est un homme convaincu et déterminé de la fiabilité d’un tel challenge. L’enseignant de Ngaye Ngaye pense qu’il y avait un énorme défi à relever. « Aujourd’hui, précise-t-il, c’est avec une grande satisfaction que je parle de ce projet. Rien qu’à voir les populations arriver à organiser ce genre de rencontres pour parler d’épargne et de crédit pour la défense de l’environnement, me semble un pas gigantesque… »

La preuve en a été donnée par ces faits qui n’étaient pas évidents du tout au départ. Pour lui, le plus fort sentiment, est la nouvelle vision développée au sein de ce projet de mutuelles avec sa capacité à déplacer les populations dans le pays avec la possibilité de les voir échanger et de connaître davantage. « Cette nouvelle approche, précise Babacar Diop, a permis de changer les méthodes de travail. Ce qui a permis dans nos échanges de lever quelques doutes. » « Les comités inter villageois jouent un rôle essentiel, précise encore B. Diop. Mais, il faut des garde-fous, en intégrant les présidents des comités inter villageois dans le Remede pour permettre à ces derniers de jouer leur véritable rôle. »

Dans le Gandon, comme ailleurs, les acteurs sont aujourd’hui conscients et confiants de la suite à donner au projet. L’adhésion des populations est un acquis. Dans le Ferlo, des simulations ont été tentées et depuis deux ans, aucun feu de brousse grave n’a été noté. Les mutuelles sont aussi un acquis appréciable, surtout dans le domaine du financement de la pêche motorisée du côté du Gandon.
Sud Quotidien

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