M. Okubo Hisatoshi, Représentant-résident de la Jica au Sénégal : « Porter les investissements à 35 milliards FCfa par an »



Ancien volontaire japonais au Ghana, M. Okubo Hisatoshi est le Représentant-résident de l’Agence japonaise de la coopération internationale (Jica) au Sénégal. Dans cet entretien, il soutient que la Jica envisage d’augmenter ses investissements au Sénégal pour les porter à 35 milliards FCfa.

L’objectif est de rendre possible le financement des projets dans les infrastructures, l’énergie, l’industrie, la santé, l’audiovisuel... A ce propos, 9 consultants japonais ont séjourné au Sénégal à partir au mois de mars dernier pour identifier les bons projets.

Quels sont les domaines d’intervention de la Jica dans la région de Tambacounda où vos services ont effectué, il y a quelque temps, une tournée avec la presse nationale ?

Lors de la quatrième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad IV), qui s’est tenue à Yokohama du 28 au 30 mai 2008, le gouvernement japonais a décidé d’augmenter le volume de son aide pour l’Afrique. Il s’agit de doubler cette aide de 2008 à 2012. Faut-il rappeler que le Japon a 23 bureaux de la (Jica) en Afrique. Et chaque bureau a élaboré un plan à moyen terme pour l’atteinte des objectifs que le gouvernement s’est fixés à doubler cette aide.

Présente au Sénégal depuis 30 ans, la Jica a investi, chaque année, de 2006 à 2008, un montant de 40 millions de dollars Us dans la région de Tambacounda. Dans cette région, nous intervenons dans plusieurs domaines, notamment dans les secteurs de la santé, de l’approvisionnement en eau potable sans oublier les volets : formation, accompagnement, amélioration du système d’exploitation et de maintenance des ouvrages, sensibilisation sur l’hygiène, développement d’activités communautaires.

Quel est le montant des investissements dans la dernière décennie au Sénégal ?

Il est difficile de vous donner des chiffres exacts. Notre système d’intervention est un peu différent, comparé à celui des autres agences de coopération. Je m’explique. Certains bailleurs mettent en place un budget global pour financer leur programme annuel. C’est différent à la Jica qui mobilise aussi bien des moyens dans le cadre de la coopération technique et la dotation de don non remboursable. Le Jica a accordé, au Sénégal, une enveloppe de près de 55 milliards de francs Cfa pour le secteur de l’hydraulique, sous forme de subvention, depuis le début de sa coopération dans ce secteur, en 1979. Ces subventions ont permis la mise en œuvre de 13 projets de réalisation d’infrastructures hydrauliques et la fourniture d’équipements qui ont touché l’ensemble du territoire. Il s’agit de plus 120 forages couplés de châteaux d’eau avec des systèmes d’adduction d’eau potable, mais également la réalisation de 2 Subdivisions maintenance (Sm), de 2 Brigades de puits et forages (Bpf) et des équipements (camionnettes, camions grues, camions citernes, matériels d’analyses et de mesures...) pour le renforcement des capacités d’intervention des agents hydrauliques. Aujourd’hui, près de 1.234 000 habitants ont pu bénéficier des résultats de ces différents projets.

Quelles sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de vos projets à Tambacounda ?

Il faut reconnaître qu’il y a des difficultés. Notre champ d’intervention s’articule ainsi : coopération financière avec des dons non remboursables, coopération technique et Jocv, c’est-à-dire les volontaires japonais. Ces derniers, pour mieux s’acquitter de leurs tâches, sont obligés de vivre avec les populations dans des conditions qu’ils n’ont jamais connues. Il se pose, naturellement, un problème d’adaptation avec de sérieuses menaces de contracter certaines maladies.

Comment percevez-vous l’appui de l’Etat du Sénégal ?

Premièrement, l’Aide publique au développement est une affaire d’Etat. Au niveau central, des accords sont signés entre Etats. A Dakar, la Jica a des relations très étroites avec les différents départements ministériels. Nos équipes à Tambacounda où ailleurs travaillent en parfaite harmonie avec les services décentralisés de l’Etat. Mais, il faut reconnaître qu’il y a souvent des problèmes de communication entre nos agents et les populations. La collaboration est saine mais la langue constitue souvent un obstacle. L’Etat peut nous aider à y remédier.

Après le Peptac 1 et 2, le chef de la division régionale de l’Hydraulique de Tambacounda souhaite un Peptac 3. La Jica est-elle dans les dispositions de donner une suite favorable à cette requête ?

L’année dernière, le gouvernement sénégalais a envoyé officiellement une correspondance au gouvernement japonais pour la réalisation du Peptac 3, ainsi que d’autres projets. Au total, chaque année, il y a 40 nouvelles requêtes adressées au Japon. Et la requête relative à la contribution du Japon dans le Programme d’eau potable et d’assainissement du Millénaire (Pepam), « communément appelée Japon 14 » est en cours d’instruction au Japon. Ce projet d’un coût approximatif de 4 milliards FCfa vise l’amélioration des taux d’accès à l’eau potable et à l’assainissement dans les régions de Tambacounda et Matam. Pour le Peptac 3, le dossier est en train d’être étudié au siège de la Jica au Japon.

Qu’en est-il du projet « Japon 14 » ?

Pour le « Japon 14 », c’est encore prématuré de se prononcer là-dessus. Il y a un nouveau projet qui s’intitule le « Japon 13,5 ». Il s’agit de petits projets financés à hauteur de 2 à 3 millions de dollars Us. En plus, je vous annonce, pour l’année 2010, le démarrage d’un autre projet d’approvisionnement en eau potable. Ce projet a pour but la réhabilitation et l’extension d’ouvrages hydrauliques existants en vue d’améliorer la situation de l’approvisionnement en eau potable dans les régions de Tambacounda (15 sites), Matam (2 sites), Louga (1 site) et Thiès (1 site). Le coût : 1.300 millions de yens, soit environ 6,5 milliards de FCfa.

Sur quoi repose le principe des 5S que la Jica a introduit dans les structures de Santé à Tambacounda ?

Les « 5S » sont fondamentaux pour améliorer les conditions de travail dans une entreprise. Il faut préciser que c’est le secteur privé japonais notamment Toyota, Nissan, Mitsubishi qui a crée le principe des 5S dans les années 60. Ce principe a permis au Japon de devenir la deuxième puissance mondiale. 5S a été un facteur déterminant dans l’émergence économique du Japon. C’est une méthode de management qui va du bas au sommet « bottom-up », contrairement aux méthodes classiques. Après le succès dans leur secteur privé, les services du secteur public s’en sont appropriés. Comme agence de coopération internationale, la Jica a expérimenté le principe des 5 S dans plusieurs pays asiatiques, il y a 10 ans. Le résultat est perceptible.

Au Sri-lanka, il y a un décret présidentiel pour autoriser l’application des 5S dans les tous les services. Depuis 3 ans, le Kenya, la Tanzanie, l’Ethiopie, le Niger, le Mali et le Sénégal ont des programmes d’expérimentation. Par exemple au Niger, les gens sont très avancés là-dessus. C’est un principe simple. Les « 5S » s’articulent autour de 5 points. Ils visent une gestion stratégique de l’espace et l’environnement dans les entreprises ou services pour améliorer la qualité des prestations. Ainsi, le premier « S » consiste à sélectionner tout ce qui est utile et se séparer de l’inutile, le deuxième « S » c’est décider pour tous les matériaux et les endroits où ils doivent être soigneusement rangés, le 3ème « S » vise à nettoyer jusqu’à ce que chaque matériel brille afin qu’il n’y ait aucun déchet, le 4ème « S » standardise c’est-à-dire vulgarise les 3 « S » précédant dans toutes les sections de la structure et le 5ème « S » contribue à éduquer chaque individu pour qu’il puisse pérenniser la pratique.

Que sous-tend la présence massive de volontaires japonais à Tambacounda ?

Le Programme des Volontaires japonais pour la Coopération à l’étranger (Jocv) encourage la mobilisation de jeunes adultes déterminés à contribuer au développement économique et social des pays demandeurs. Les Jocv sont affectés pour deux ans dans des pays en développement, où ils participent à des activités de coopération tout en vivant et en travaillant avec la population locale. La coopération est assurée dans sept domaines : agriculture, foresterie et pêche, fabrication, maintenance et exploitation, architecture et génie civile, santé, éducation et culture et sport.

Ce sont des professionnels qualifiés qui sont affectés. A l’issue de deux ans, il se crée des relations d’amitié et de fraternité réciproques entre les volontaires et les populations locales. Il s’y ajoute que ces volontaires, une fois au Japon, sensibilisent leurs concitoyens sur les conditions de vie de ces populations à travers des sites pour avoir un ou des personnes de bonnes volontés pouvant faire quelque chose pour elles (populations). Moi-même qui vous parle, je suis ancien volontaire au Ghana, il y a 25 ans, comme professeur de Science physique. J’ai écrit un livre sur mon expérience ghanéenne (il sort l’ouvrage d’un tiroir et nous le montre). Il y a 30.000 anciens volontaires qui ont fini leur séjour dans les pays en voie de développement.

Pour le Sénégal, 800 volontaires ont déjà servi à travers les différentes régions y compris Tambacounda pour répondre à votre question.

Les populations sont-elles impliquées dans l’élaboration et la mise en œuvre de vos projets pour pérenniser l’expertise japonaise ?

C’est une bonne question. Car, dans le domaine du développement, tous les bailleurs de fonds se posent la question suivante : comment résoudre le problème de la pérennisation après le départ des étrangers ? Chaque bailleur, y compris la Jica, essaie de mettre en place un système de gestion qui implique les populations, afin d’assurer le suivi. Beaucoup de projets mis en œuvre au Sénégal sont arrêtés après le départ de l’équipe étrangère. C’est un gâchis. Et pour éviter cette situation, la Jica met en place un système d’autogestion à travers le développement ou renforcement de capacités des bénéficiaires directs. Nous le faisons dans plusieurs localités pour pérenniser les efforts consentis. Je peux vous citer l’exemple de la création d’Associations d’usagers de forages (Asufor) pour gérer les forages motorisés. Ça se passe très bien.

L’Aide publique au développement du Japon au Sénégal va-t-elle s’accroître ?

Dans le cadre de la Ticad 4, je peux dire oui. Notre ambition consiste à la porter à 60 ou 70 millions de dollars Us, soit environ 35 milliards FCfa, par an, d’ici fin 2012. Il s’agit pour nous, de mettre un accent particulier dans le secteur économique. Ces montants nous permettrons de faire des investissements significatifs dans les infrastructures, c’est-à-dire, dans les secteurs stratégiques comme l’énergie, les routes et chemins de fer, l’industrie, la santé... Le Japon est prêt à appuyer le gouvernement du Sénégal.

La Jica et l’ambassade du Japon commencent à identifier les bons projets dans ses domaines. Mieux, la semaine prochaine (à partir du 15 mars), une mission japonaise de la Jica viendra au Sénégal. En effet, 9 consultants en transport, énergie, audiovisuel, santé ... vont séjourner au Sénégal pour identifier les projets viables à financer.

Entretien réalisé par Maké DANGNOKHO
Le Soleil

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