NTERVIEW DE MME DORETTA LOSCHELDER, AMBASSADEUR D’ALLEMAGNE AU SÉNÉGAL “Le Sénégal occupe une place importante dans notre coopération…”

La république d’Allemagne fête tous les 3 octobre la réunification des deux blocs matérialisée par la chute du mur de Berlin. Au Sénégal, l’anniversaire a été célébré le jeudi 9 octobre à la résidence de l’ambassadeur.



Une occasion pour faire le bilan d’une vingtaine d’année de coopération sénégalo-allemande et également la place de l’Allemagne dans l’échiquier planétaire avec son Excellence Mme Doretta Loschelder. Une opportunité aussi pour reccueillir l’avis du plénipotentiaire allemand sur les questions de bonne gouvernance, sur la politique, d’émigration de son pays et sur d’autres sujets d’actualité. “Le Sénégal occupe une place importante dans notre coopération économique ”, a-t-elle indiqué parlant des relations sénégalo-allemandes

Entretien.

Excellence, l’Allemagne est réellement réunifiée ?

Bien sûr qu’elle s’est réunifiée pas seulement du point de vu des institutions et circonscriptions mais aussi du côté de la population. C’est vrai qu’au début de la réunification, on disait qu’il existe toujours de grandes différences dans les mentalités entre l’Est et l’Ouest. Ce qui est quand même compréhensible parce que pendant 40ans, on était séparé et c’étaient des régimes tout à fait différents. Je crois qu’entre temps, on a beaucoup développé une réunification surtout avec les jeunes. Par exemple, si on fait un voyage dans l’Est et vous allez dans les villes, les communes, tout ce qu’on a fait sur le point de vu infrastructures, de rénovation. Bien sûr, il y’a un problème du point de vu marché du travail. Le chômage dans l’Est est plus élevé que dans l’Ouest. C’est aussi un peu dû à la structure des régions. Par exemple, il y avait des régions de l’Est où il y a beaucoup d’agriculture mais il y a une région dans l’Est qui, particulièrement, a beaucoup de succès sur le plan économique. Ça montre qu’aussi dans l’Est, il peut avoir malgré l’histoire pendant 40ans très différentes, un développement économique très fort.

Sur tous les plans, bien sûr qu’il y a des différences mais si on prend l’ensemble de l’Allemagne, il y a des différences même dans l’Ouest. Il y a une grande différence si vous êtes en Bavière aussi dans la mentalité. Moi, je suis de la Ronanie. Il y’a des différences selon les racines historique avec le développement d’une Land par rapport à une autre mais globalement on peut dire qu’il y a moins de différences entre l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest.

Sur le plan de l’éducation, par exemple, est ce qu’on peut dire qu’il y a eu une intégration ?

Il faut dire que généralement chez nous notre système c’est que les Lands ou Etats fédéraux ont la compétence dans le domaine de la culture y compris les écoles c’est-à-dire qu’il y a des différences dans chaque Land. Il y a une sorte de coordination au niveau développé avec la conférence des ministres de la culture. Elle cherche a coordonné mais il y a une nette différence là aussi entre pays comme le Bavière et un pays du Nord. Au fond, dans le système éducatif, il n’y a pas de différence.

Est-ce que cette réunification a contribué à l’intégration des populations étrangères notamment les africains en Allemagne ?

Je crois qu’il s’est passé peut être un héritage qui n’est pas tout à fait favorable c’est-à-dire qu’il y avait l’idéologie de l’Etat de propager l’amitié parmi les peuples. C’était une idéologie assez artificielle. Au fond, la population n’était pas totalement associée. De ce fait, il y a des études avec des pays d’une idéologie à l’époque comme les pays socialistes où il y’avait beaucoup de travailleurs mais aussi d’étudiants qui avaient dans un certain sens des privilèges que parfois la population n’avait pas. Ce qui a créé dans le passé des problèmes qui n’étaient pas évidents puisse que ce n’était un Etat libre où on ne pouvait pas librement exprimer son opinion. Je crois que c’est un élément qu’il ne faut pas oublié. Je ne maîtrise pas tout à fait les statistiques qui disent qu’il y’avait plus de cas de xénophobie à l’Est par rapport à l’Ouest. Chaque cas est de trop mais c’est toujours difficile de généraliser.

Le président allemand, Hort Köhler, dans son discours de ce 3 octobre a affirmé que « L’Allemagne a grandi sur le chemin parcouru ». En quoi votre pays a-t-il grandi sur l’échiquier international ?

Le pays a grandi déjà par la taille du fait que c’est maintenant un pays maintenant un grand pays avec une population de 80 millions d’habitant. Ce qui fait de l’Allemagne, le pays le plus peuplé d’Europe avec un poids économique très fort certainement après la réunification. Dans le passé, la division entre blocs de l’Est et de l’Ouest dominait beaucoup la politique étrangère. Ce sujet a été heureusement éliminé par les développements politiques que l’Allemagne peut jouer comme acteur sur la scène internationale dans beaucoup d’autres domaines.

Dans la politique allemande pour l’Afrique, quelle est la place du Sénégal ?

Le Sénégal occupe une place importante dans coopération économique de notre pays. Nous sommes principalement concentrés sur trois domaines dont la promotion de la paix pour un développement socio-économique en Casamance, la décentralisation, la promotion de l’emploi des jeunes en milieu urbain, appuyer les Pme et la micro-finance. Nous avons aussi un programme que nous sommes en train de développer sur l’électrification rurale et l’énergie renouvelable.

Actuellement quelle est la position de l’Allemagne sur la question de l’immigration surtout qu’en Europe on parle actuellement d’immigration choisie ?

Je crois chaque pays accueille différents immigrés. Ce qui n’est pas tellement connu, par exemple, en Allemagne, le pourcentage des étrangers représente 8%. Ce qui est très élevé bien sûre mais comme nous sommes géographiquement dans le centre de l’Europe, l’immigration en Allemagne vient moins des pays africains. Du temps qu’il y avait une grande croissance économique, il n y avait pas assez de mains d’œuvre. On avait des accords avec d’autres pays qui à l’époque n’étaient même pas membre de l’Union européenne comme le Portugal et l’Espagne. On avait beaucoup de travailleurs immigrés. La plus grande communauté étrangère en Allemagne est constituée des Turques. Donc c’est moins l’Afrique mais des pays de l’Europe de l’Est notamment des Yougoslaves. Je crois que généralement, il n y a pas de problèmes spécifiques avec l’immigration mais c’est toujours bien sûr aussi dépendant de la situation économique. Quand l’économie marche très bien et qu’on a besoin de mains d’œuvre c’est plus facile d’absorber des ressortissants d’autres pays. Si l’économie marche moins bien et les allemands qui sont en chômage ont peur que d’autres mains d’œuvre qui viendront détruisent leurs chances.

Quelle est la place qu’occupent aujourd’hui les immigrés africains en Allemagne ?

Comme ils ne sont pas si nombreux. Par exemple dans ma région d’origine, je sais qu’il y a une grande communauté africaine mélangée à Cologne. Et je sais cette dernière communauté est à l’aide en Allemagne. Il faut dire que la Cologne c’est une des régions particulièrement tolérantes. Bien sûre que parfois il y a des problèmes avec pas d’étrangers qui ne parlent pas l’allemand et qui ont des difficultés de s’intégrer.

Qu’est ce qui caractérise la politique africaine de la Chancelière Angela Merkele ?

Quand nous avions la présidence de l’Union européenne, c’était en même avec la présidence du G8, la Chancelière a mis un accent particulier sur l’Afrique. Le président Wade a été invité parmi d’autres. Donc il est certain que l’Afrique occupe une place importante dans la politique de la Chancelière. En ce qui concerne la politique étrangère, chaque année, nous avons une conférence d’ambassadeurs et il y a toujours un sujet principal. Cette année, le sujet principal était l’Afrique et il y avait des invités comme M. Ping de l’Union africaine, le secrétaire général de la Cedeao. L’accent était vraiment mis sur l’Afrique. Et puis, il y a une initiative du gouvernement allemand qui s’appelle « Action Afrique » qui voudrait agir dans les domaines de la formation et surtout de la culture. C’est 120 millions d’euros cette année qui est mis à la disposition pour promouvoir la formation, l’éducation et la culture. Nous en train d’avoir avec quelques écoles sénégalaises qui ont la langue allemande dans leur programme de promouvoir plus intensivement la langue comme par avant.

Parlant d’économie, qu’elle est votre analyse de la crise actuelle ?

Il faut reconnaitre que c’est vraiment une grande crise et il y a des spécialistes qui disent que c’est une des plus grandes crises financières survenues les dernières décennies. Ça a commencé à partir des Etats Unies et aujourd’hui avec la globalisation et les marchés interconnectés, les marchés financiers, ça ne s’est pas limité là. Comme on voit aujourd’hui à travers des articles de journaux, il y’a eu des banques européennes qui ont été fortement touchées par ces dégâts et par les transactions qui a eu entre banques.

Sept banques centrales dont celle de l’Europe, ont lancé une thérapie de choc en abaissant leur taux directeur. Cette option permet-elle de restaurer la confiance ?

Il y a un aspect très important dans ce qu’a dit la chancelière allemande, Angela Merkel. C’est la restauration de la confiance sur plusieurs notamment entre les banques qui vont continuer à échanger. Si chaque gouvernement en fait une préoccupation avec le citoyen qui avait mis son épargne dans la banque pour avoir un fonds pour sa retraite et qui a maintenant peur de tout perdre. C’est pourquoi que c’est important qu’il y ait eu dans le cadre de l’Union européenne des concertations avec l’objectif de rétablir la confiance et de limiter les dégâts.

Certains observateurs parlent d’une probable diminution de l’aide publique au développement vers l’Afrique. Est-ce qu’on peut s’attendre à une diminution, par exemple, de l’aide que l’Allemagne accorde au Sénégal ?

Sur cette lancée, j’ai lu dans presse locale l’interview d’une Ong qui dit qu’avec cette crise va conduire à la diminution de l’aide publique au développement. Pour l’instant, je n’ai aucun indice dans cette direction. Je crois ce serait vraiment trop top de s’avancer dans ce sens et j’espère que non. Il y avait une grande crainte parce qu’en France ont utilisé déjà le mot « récession » parce qu’au fond c’est un mot tabou. Si finalement on constate dans un an qu’il y a un ralentissement sur le niveau mondial de l’activité économique avec un grand chômage alors là ça va avoir des répercussions au niveau international. Je pense que c’est trop tôt de parler d’une diminution de l’aide publique au développement et c’est bien que les gouvernements aient assez vite régi pour limiter les dégâts.

Le faite que l’Afrique n’est pas très liée dans le cadre de la globalisation par exemple avec les marchés financiers, fait peut être que le continent est moins touchée par cette crise. Mais n’empêche qu’il y aura bien sûr des répercussions. Si on s’imagine, par exemple, quelqu’un qui veut avoir un crédit, je crois que ce sera plus cher que possible et il sera donc plus difficile d’en avoir.

Aujourd’hui, comment se portent les échanges commerciales entre l’Allemagne et le Sénégal ?

Les échanges entre les deux pays sont à un niveau pas assai élevé. L’Allemagne importe du Sénégal des produits agro-alimentaires et de pêche. De l’autre sens c’est des machines et ce n’est vraiment pas beaucoup. Je voudrai encore dire dans ce contexte une chose parce que, comme dans le passé, on a beaucoup parlé de l’Ape (Ndlr : Accord de partenariat économique). Je ne suis pas spécialiste de la question Ape et je sais qu’on peut avoir différentes opinions là-dessus mais il y a un aspect très important. Si les pays africains d’une région comme la Cedeao, Uemoa, renforce la coopération économique et les échanges entre eux pour diminuer la dépendance vers l’extérieur. Si on prend l’Europe, une grande partie des échanges commerciaux que nous avons, pour le cas de l’Allemagne par exemple, le pays avec qui on a les échanges les plus étroits c’est avec la France. S’il y a une espace vraiment économique en Afrique de l’Ouest, il pourrait avoir beaucoup d’échanges entre les pays. Ça peut aller plus loin avec les pays de l’Afrique Centrale.

Qu’est ce qui explique cette faiblesse du flux commercial entre l’Allemagne et le Sénégal ?

Si je prends les produits qui sont échangés, ici il n y a pas beaucoup de valeur ajoutée, pas beaucoup de produits manufacturés. L’export de chaque pays reflète son économie. Quand on beaucoup d’industries dans un pays, l’export va nécessairement se référer à cela. Si un pays est plutôt agricole où il n y a pas beaucoup d’industries. Ici c’est pratiquement Ics (Industrie chimique du Sénégal) et c’est un peu limité. Ce serait souhaitable ici, comme dans d’autres pays africains, qu’il y’ait plus d’investissement dans l’industrie et donner de la valeur ajouté. Un pays comme le Congo qui a beaucoup de matières premières.

L’Allemagne a co-financé l’acquisition du bateau Aline Sitoé Diatta. Etes-vous satisfaite de son mode d’exploitation actuelle ?

Là, je ne peux pas dire grandes choses. Votre journal avait fait savoir qu’il y a eu des problèmes au début quand le Sénégal avait décidé de donner la gestion à une entreprise qui à l’époque quand on avait fait cette annonce n’existait pas encore. Maintenant, il appartient de la responsabilité du Sénégal d’assurer la gestion de ce bateau et je souhaite que ça fonctionne bien et qu’on tire toutes les leçons du passé.

Après ce bateau, peut être qu’il y a d’autres dossiers sur lesquels, l’Allemagne compte s’impliquer ici au Sénégal. Est-ce qu’on peut avoir une idée ?

C’est une question qui concerne les deux gouvernements. Bientôt, il y aura des consultations gouvernementales et il a appartient au Sénégal de dire si on continue dans tel ou tel domaine ou s’il y a d’autres domaines dans lesquels on devrait s’impliquer. Je crois que les domaines que j’ai mentionné tout à l’heure sont bien choisi. Ces domaines qui aident directement les populations. Bien sûr qu’il y a beaucoup de priorités mais il faut se concentrés mais je crois qu’il faut se concentrer et pour l’instant je ne vois pas le gouvernement Sénégalais dire qu’on voudrait faire un programme complètement différent de ce qu’on a fait jusqu’à maintenant.

Votre pays s’intéresse beaucoup aux questions de démocratie, de bonne gouvernance, de transparence et de politique. Quel est votre regard sur le traitement de ces questions ici au Sénégal ?

(Rire). Bien sûr généralement pas seulement au Sénégal, la bonne gouvernance c’est un facteur clé pour chaque gouvernement et pour chaque pays. Je ne peux pas me permettre de donner des leçons sur ce qu’il faut faire ou pas mais il faut retenir que bonne gouvernance est un sujet important. La transparence aussi une nécessité pour chaque gouvernement. Tout devrait se tourner vers la population et c’est ça au fond la tache de chaque gouvernement de donner le cadre propice à la population. Pour cela et pour revenir à la décentralisation, je crois que c’est bon que nous nous sommes engagés dans ce domaine. Il y a également le développement économique local mais c’est aussi la démocratie à la base.

Quels sont les points forts et les points faibles de votre coopération avec l’Afrique et particulièrement le Sénégal ?

Je crois à juste tire qu’est considéré comme des amis intéressés. Je crois qu’on ne poursuit pas dans cette coopération ces propres intérêts mais on a vraiment l’objectif d’aider les pays partenaires à se développer. Bien sûr qu’on peut dire qu’il y a toujours un intérêt. Si on s’engage par exemple dans la protection de l’environnement on le fait tout en sachant que l’environnement est quelque chose qui ne se limite pas à un pays. S’il y a changement climatique parce qu’on coupe les grandes forets au Bassin du Congo ou en Amazonie, il y a des répercutions en Europe. Dans ce sens, on peut admettre que chaque aide a aussi des intérêts. Mais je crois que nous sommes bien ciblés avec l’objectif de pousser le développement.

Généralement, c’est aussi une faiblesse des pays en développement qu’avec cette coopération c’est une manière de négliger leurs propres initiatives. Il m’arrive très souvent, pas seulement ici au Sénégal mais aussi dans d’autres pays, d’entendre la même question : « Qu’est ce qu’on peut attendre de l’Allemagne ». Au lieu de se dire ce que nous pouvons faire avec nos propres forces parce ce que nous sommes des gens compétents, nous avons une population jeune et dynamique et penser d’abord ce que nous pouvons faire. Moi je trouve qu’il mettre l’accent sur l’aide économique mais aussi sur le développement économique c’est-à-dire sans aide. Il a appartient au gouvernement sénégalais de créer les conditions pour les investissements et aussi il faut d’autres domaines comme celui de la culture. Je profite de l’occasion pour dire qu’en novembre, on aura des semaines culturelles allemandes dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest dont le Sénégal. Je crois que c’est une des mesures importantes des relations bilatérales.

Est-ce qu’aujourd’hui, l’Allemagne a peur de la montée fulgurante de la Chine surtout dans ses relations avec l’Afrique ?

Non, du tout. Je crois que nous avons nos forces. Du point du vu technologique, par exemple, je crois que nous sommes très bien situés et je trouve que c’est aux pays africains de décider dans quels domaines ils veulent coopérer avec quel pays. On n’a pas de complexe sur ce point.

Sud Quotidien

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