En Italie, le ministre de la simplification administrative, Roberto Calderoli, présente ces jours en conseil des ministres son projet de fédéralisme fiscal. L’idée est de mettre un terme au système italien dans lequel l’Etat centralise les recettes pour les redistribuer. Le projet inclut aussi l’établissement d’un coût standard des prestations publiques dans chaque région de manière à éviter les disparités difficilement explicables de certains coûts. Cette réforme s’accompagnera d’une simplification des taxes pour accroître la lisibilité fiscale mais aussi le rendement de l’impôt. Parallèlement, un « fonds de péréquation » sera mis en place pour compenser les régions les moins riches comme la Calabre. Dans leur ensemble ces mesures contribueront à améliorer la qualité de la gouvernance du pays.
Actuellement l’Etat central italien récupère 78 % des taxes pour les redistribuer ensuite aux régions (à titre indicatif, ce chiffre n’est que de 49 % en Allemagne). La redistribution des ressources s’effectue ensuite sur la base de la « dépense historique » (de l’année précédente). Or, ce mode de redistribution génère naturellement des gaspillages, puisque chaque administration ou collectivité locale n’a pas intérêt à baisser ses dépenses, de manière obtenir au minimum autant de ressources l’année suivante. Par ailleurs, les impôts au niveau local n’étant pas directement affectés aux dépenses au niveau local, il est très difficile pour les citoyens de faire la connexion entre les deux et de juger de la bonne gouvernance de leurs représentants locaux. D’autant que ces impôts sont un véritable maquis illisible.
Le fédéralisme fiscal présente plusieurs avantages qui vont dans le sens de la bonne gouvernance. En premier lieu, le fait de créer un lien d’affectation entre les impôts payés au niveau local et les dépenses publiques effectuées au niveau local a un impact immédiat sur la gestion des deniers publics. Et puisque que les individus et les entreprises choisissent leur lieu d’installation en fonction des impôts locaux qu’ils vont payer, les collectivités locales ont intérêt à adopter des stratégies de bonne gouvernance : elles doivent gérer leurs dépenses publiques de manière optimale pour justement éviter de « perdre » des administrés. Elles doivent limiter leur fiscalité de manière à ne pas décourager les foyers et les entreprises de s’implanter sur leur territoire, tout en fournissant des biens publics de manière efficace, en évitant de laisser dériver les dépenses ou de financer des projets peu utiles à la collectivité.
Cet accroissement de la lisibilité fiscale par la reconnexion entre impôts et dépenses permet en effet aux foyers et aux entreprises de comparer les pratiques de gouvernance d’une collectivité à une autre. Cette possibilité de faire des comparaisons entre les collectivités instaurera ainsi une sorte de concurrence entre ces administrations locales afin de servir au mieux les intérêts de leurs administrés.
Ce processus concurrentiel exerce une pression sur les représentants qui seront enfin tenus responsables de leurs décisions. Plus d’autonomie signifie ainsi une responsabilisation accrue et un meilleur respect de la volonté des administrés en matière de dépenses publiques. Le fédéralisme fiscal va donc dans le sens d’une meilleure démocratie de proximité.
Par ailleurs, les réformes visant à une simplification fiscale accompagnent utilement ce processus de concurrence et de décentralisation fiscales puisqu’elles vont dans le sens d’une lisibilité accrue : il est évident qu’aujourd’hui dans de nombreux pays, le maquis d’impôts et taxes est parvenu à une complexité qui fait seulement le bonheur des experts en fiscalité. La raison de cet état de fait, on le sait, nous a été donnée il y a fort longtemps par Colbert : « l’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avant d’obtenir le moins possible de cris ».
Le fédéralisme fiscal constitue ainsi une réforme vers la responsabilisation de la démocratie. Il n’a que peu de rapport avec deux systèmes qui pourraient lui sembler proches : le fédéralisme à l’allemande et la décentralisation à la française. Le fédéralisme allemand cache en réalité un fort pouvoir de décision au niveau central. Quant à la décentralisation à la française, elle est dans les faits un véritable trompe-l’œil. Elle n’est pas fondée sur l’autonomie fiscale locale. Elle a donc fini par générer un enchevêtrement de compétences et de flux financiers entre les multiples strates de l’administration, ce qui la rend illisible et empêche de savoir qui fait quoi et qui paye quoi. Du fait même de cette complexité, la décentralisation à la française favorise la croissance injustifiée et incontrôlée des bureaucraties des échelons locaux … et des impôts qui vont avec. La décentralisation sans responsabilisation semble alors bien anti-démocratique.
Le projet italien de réforme semble donc montrer la bonne voie tant pour les pays développés que pour certains pays en développement où les règles fiscales sont souvent asphyxiantes et illisibles. Il faudra cependant prêter attention aux modalités de fonctionnement du « fonds de péréquation » (l’outil de redistribution entre régions), de manière à ce qu’il ne devienne pas un vecteur de dépendance et de déresponsabilisation.
Emmanuel Martin est docteur-chercheur en économie,
responsable de la publication sur www.UnMondeLibre.org
Afritaxes.
Actuellement l’Etat central italien récupère 78 % des taxes pour les redistribuer ensuite aux régions (à titre indicatif, ce chiffre n’est que de 49 % en Allemagne). La redistribution des ressources s’effectue ensuite sur la base de la « dépense historique » (de l’année précédente). Or, ce mode de redistribution génère naturellement des gaspillages, puisque chaque administration ou collectivité locale n’a pas intérêt à baisser ses dépenses, de manière obtenir au minimum autant de ressources l’année suivante. Par ailleurs, les impôts au niveau local n’étant pas directement affectés aux dépenses au niveau local, il est très difficile pour les citoyens de faire la connexion entre les deux et de juger de la bonne gouvernance de leurs représentants locaux. D’autant que ces impôts sont un véritable maquis illisible.
Le fédéralisme fiscal présente plusieurs avantages qui vont dans le sens de la bonne gouvernance. En premier lieu, le fait de créer un lien d’affectation entre les impôts payés au niveau local et les dépenses publiques effectuées au niveau local a un impact immédiat sur la gestion des deniers publics. Et puisque que les individus et les entreprises choisissent leur lieu d’installation en fonction des impôts locaux qu’ils vont payer, les collectivités locales ont intérêt à adopter des stratégies de bonne gouvernance : elles doivent gérer leurs dépenses publiques de manière optimale pour justement éviter de « perdre » des administrés. Elles doivent limiter leur fiscalité de manière à ne pas décourager les foyers et les entreprises de s’implanter sur leur territoire, tout en fournissant des biens publics de manière efficace, en évitant de laisser dériver les dépenses ou de financer des projets peu utiles à la collectivité.
Cet accroissement de la lisibilité fiscale par la reconnexion entre impôts et dépenses permet en effet aux foyers et aux entreprises de comparer les pratiques de gouvernance d’une collectivité à une autre. Cette possibilité de faire des comparaisons entre les collectivités instaurera ainsi une sorte de concurrence entre ces administrations locales afin de servir au mieux les intérêts de leurs administrés.
Ce processus concurrentiel exerce une pression sur les représentants qui seront enfin tenus responsables de leurs décisions. Plus d’autonomie signifie ainsi une responsabilisation accrue et un meilleur respect de la volonté des administrés en matière de dépenses publiques. Le fédéralisme fiscal va donc dans le sens d’une meilleure démocratie de proximité.
Par ailleurs, les réformes visant à une simplification fiscale accompagnent utilement ce processus de concurrence et de décentralisation fiscales puisqu’elles vont dans le sens d’une lisibilité accrue : il est évident qu’aujourd’hui dans de nombreux pays, le maquis d’impôts et taxes est parvenu à une complexité qui fait seulement le bonheur des experts en fiscalité. La raison de cet état de fait, on le sait, nous a été donnée il y a fort longtemps par Colbert : « l’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avant d’obtenir le moins possible de cris ».
Le fédéralisme fiscal constitue ainsi une réforme vers la responsabilisation de la démocratie. Il n’a que peu de rapport avec deux systèmes qui pourraient lui sembler proches : le fédéralisme à l’allemande et la décentralisation à la française. Le fédéralisme allemand cache en réalité un fort pouvoir de décision au niveau central. Quant à la décentralisation à la française, elle est dans les faits un véritable trompe-l’œil. Elle n’est pas fondée sur l’autonomie fiscale locale. Elle a donc fini par générer un enchevêtrement de compétences et de flux financiers entre les multiples strates de l’administration, ce qui la rend illisible et empêche de savoir qui fait quoi et qui paye quoi. Du fait même de cette complexité, la décentralisation à la française favorise la croissance injustifiée et incontrôlée des bureaucraties des échelons locaux … et des impôts qui vont avec. La décentralisation sans responsabilisation semble alors bien anti-démocratique.
Le projet italien de réforme semble donc montrer la bonne voie tant pour les pays développés que pour certains pays en développement où les règles fiscales sont souvent asphyxiantes et illisibles. Il faudra cependant prêter attention aux modalités de fonctionnement du « fonds de péréquation » (l’outil de redistribution entre régions), de manière à ce qu’il ne devienne pas un vecteur de dépendance et de déresponsabilisation.
Emmanuel Martin est docteur-chercheur en économie,
responsable de la publication sur www.UnMondeLibre.org
Afritaxes.