Vingt-deux ans après l'installation du barrage : Diama et son arrière-pays tardent à décoller



Vingt-deux ans après l'installation du barrage : Diama et son arrière-pays tardent à décoller

Le barrage de Diama serait-il une coquille vide pour les populations riveraines ? Vingt-deux ans après son installation dans la zone de Maka-Diama, les retombées tardent à se concrétiser sur le terrain. Pis, la situation piétine et les autochtones, qui avaient nourri beaucoup d'espoir dans la construction de l'ouvrage commun au Sénégal, à la Mauritanie et au Mali, trouvent le temps long si elles ne se sont pas résignées.

(Envoyé spécial) - ‘Cela fait vingt ans que le barrage de Diama est terminé, mais Diama est toujours resté un village. Il n'y a aucun décollage à Diama et environs. On est toujours en retard. C'est comme si le barrage n'était pas installé ici. Certaines populations boivent jusqu'à présent l'eau du fleuve. Il n'y a pas de château d'eau. Même les privilégiés qui bénéficient de l'eau de l'Omvs, sont obligés de payer. Et puis, ce n’est même pas de l'eau traitée, on leur donne de l'eau brute’, se désole, en chœur, tout un pan de cette partie de la communauté rurale de Ross-Béthio.

Chemin faisant, nos interlocuteurs expliquent qu'‘on ne peut pas dire que les retombées du barrage de Diama sont positives pour les villages de Maka et Diama parce qu'il y a beaucoup d'inconvénients consécutifs à son installation. Après l'installation du barrage, il y a eu une épidémie de bilharziose surtout intestinale et vessicale et jusqu'à présent, ce genre de pathologies et le paludisme continuent de sévir dans la zone, car rien n’a été fait’, enfonce Yakhya Ndiaye, infirmier d'Etat à la retraite qui a été infirmier chef de poste à l'Omvs pendant vingt ans. Selon le sexagénaire, ‘il est indispensable, aujourd'hui, que toutes les dispositions idoines soient prises pour préserver les populations riveraines sur les risques liés au barrage. A défaut d'en faire bénéficier les populations, le barrage ne doit pas, pour autant, être source d'ennuis’.

Pourtant, de prime abord, n'eussent été les espoirs de développement nés du barrage, rien ne différencie le village de Diama des autres localités du pays. Après avoir emprunté la route nationale 2, en allant dans le Walo, on bifurque à gauche pour arpenter la nouvelle et non moins belle route, construite, il y a quelques années, par l'Omvs. La route, dépourvue de nids de poule et autres crevasses, glisse à tel point que les quelques kilomètres à parcourir n'importune nullement le visiteur qui a le choix entre se diriger tout droit vers le barrage de Diama ou prendre la route latéritique qui mène aux villages de Maka et de Diama, à travers les champs. La poussière qui s'élève au passage des véhicules ne gêne pas les habitants de cette partie du Walo qui, toutes dents dehors, accueillent les hôtes à bras ouverts, conformément à la tradition bien ancrée dans les esprits malgré l'usure du temps et les turpitudes de l'histoire. Après les salamalecs d'usage, bonjour les doléances. Jeunes, vieux, femmes et enfants se relaient pour décrire la situation d'un village voué aux gémonies malgré la proximité du barrage anti-sel de Diama construit à coups de milliards.

Promise à un bel avenir avec la présence du barrage, cette zone est toujours en proie à des difficultés existentielles. Sur place, on attend toujours une main bénie qui inverserait la donne. Les jeunes et autres bras valides du village de Diama et son arrière-pays ne tirent aucun avantage du barrage. Le chômage y a pignon sur rue et la périlleuse traversée clandestine du grand bleu est souvent un palliatif aux difficultés du moment. Selon Abdou Karim Diop et Babacar Mbaye, ‘dans la zone de Yalar qui polarise Diama et près de trente-deux autres villages, aucun jeune ne travaille au niveau du barrage de Diama. Il n'y a que les étrangers qui y travaillent. C'est pour cela que les jeunes quittent le village pour aller en Espagne. Nos attentes sont déçues et nous voulons que nous les jeunes des villages environnants et les femmes, puissions travailler au barrage de Diama’.

Par ailleurs, installé sur ‘des champs de henné qui appartenaient à nos ancêtres issus de la famille de Serigne Diama’, le barrage de Diama est aussi au centre d'un litige foncier qui suscite encore rancœur et colère chez les populations qui attendent toujours d'être indemnisées par ‘l'Etat du Sénégal’. ‘Les gens ont toujours réclamé leur indemnisation, mais n'ont jamais reçu un sou. Maintenant, on commence à en avoir assez’, peste Yakhya Ndiaye. Présent au village de Diama pour les besoins d'un ziarra annuel, le Pr Malick Ndiaye s'engouffre dans la brèche pour parler de spéculation foncière. D'après lui, ‘les populations de Maka-Diama qui revendiquent le titre foncier englobant le barrage, sont dans tous leurs états et demandent que justice soit faite par le président de la République et par les autorités compétentes’.

Dans la foulée, le sociologue laisse entendre qu’’il y a un danger de fronde qui commence au niveau le plus élémentaire. Si demain, les populations de Maka-Diama devaient fermer le barrage pour réclamer leur dû, il ne faut pas que l'on dise que les gens n'étaient pas prévenus. Il faut donc que l'Etat et les autorités prennent leurs responsabilités pendant qu'il en est encore temps’, invite-il. ‘Je demande, en tant que membre de la communauté de Maka-Diama, que les problèmes qui avaient amené l'irrédentisme en Casamance, les problèmes qui ont poussé certains milieux du Fouta, de Matam, de Kédougou, de Bakel à se sentir frustrés et exclus ne se reproduisent pas ici dans cette vieille terre de Serigne Diama Balla Ndiaye. Donc, il faut que l'on garde toute sa raison par rapport aux évènements’, conseille le sociologue.

Précisant que ‘l'ouvrage de Diama que nous avons visité est un acquis rare de la coopération régionale et internationale qui a porté tous les espoirs de développement de la rive gauche du fleuve Sénégal’, le Pr Ndiaye rappelle que ‘depuis les temps de l'Organisation des Etats riverains du Sénégal (Ors), avec Mes Ould Daddah, Senghor entre autres jusqu'à aujourd'hui, il y a une situation très décevante qui s'est installée. Non pas à cause de la réalisation des ouvrages parce que c'est fait avec des milliards de nos francs, mais parce que la réalisation de ces ouvrages hydrauliques pharaoniques n'ont aucune espèce d'incidence sur le niveau de vie des populations, sur la création de revenus, sur la création d'emplois, sur la mise en valeur des terres’. Le descendant de la famille Ndiayène de Diama fait noter, au passage qu'‘il faut rappeler que 240 000 hectares sur la rive gauche devaient être irrigués à partir de la mise en eau des barrages. Or, vingt-deux ans après la mise en eau des barrages de Diama et de Manantali, le résultat est là inacceptable’.

En outre, le Pr Malick Ndiaye relève qu'‘un peu comme l'Université de Saint-Louis n'a pas eu d'incidence sur la ville par rapport aux attentes initiales, si on ne fait pas attention, la belle nouvelle infrastructure routière de Dakar ne va pas avoir d'incidence sur le sort des Dakarois’. Selon lui, le barrage de Diama ‘est une défection quoique l'ouvrage soit remarquable. La pêche se meurt et ne se pratique presque plus parce que le fleuve dégage une odeur nauséabonde, incommodante et est habité de populations d'herbes, qui stérilisent les poissons qui meurent faute d'aération de l'eau. Il y a aussi l'agriculture dans la zone qui bat de l'aile’.

Wal Fadjri

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