DR HAMADY BOCOUM, DIRECTEUR DU PATRIMOINE « Le jour où les îles du Saloum seront au patrimoine mondial… »



Les îles du Saloum vont attirer beaucoup plus de touristes si le site venait à être inscrit sur la liste du patrimoine mondial. L’assertion est du Directeur du Patrimoine, Dr Hamady Bocoum, qui a accordé cette interview hier jeudi 4 février 2010 à Sud Quotidien. Il estime que des choses importantes peuvent se produire qui vont intégrer les dimensions humaine, culturelle, environnementale et touristique du milieu.

Que vont gagner les populations si les îles du Saloum sont inscrites sur la liste du patrimoine mondial ?

Dr Hamady Bocoum- Je pense que vous posez beaucoup de problèmes qui sont relatifs au développement, à l’aménagement infrastructurel entre autres. C’est des questions importantes et ce que nous pensons, mises à part d’ailleurs toutes ces données, c’est que le Saloum a un potentiel économique extrêmement important. Et ce potentiel, les populations l’exploiteraient davantage si elles le mettaient en valeur et faisaient reconnaître ces ressources-là. Je pense très modestement, que l’aménagement culturel et environnemental du Delta du Saloum peut être une véritable locomotive pour le développement de cette région. Le risque aujourd’hui pour le Saloum, mises à part toutes les questions que vous avez soulevées, c’est que sans actions, sans initiatives pour la préservation de son patrimoine, celui-ci risque d’être désarticulé d’une certaine manière. Aujourd’hui, le développement touristique commence à s’intéresser à cette région et on recherche beaucoup les bras de mer qui vont tous finir par être colonisés, la mangrove va être détruite et c’est la biodiversité qui va en pâtir. Les amas de coquillages sont des legs plus que millénaires des populations de cette région qui ont exploité les ressources du milieu. Ces coquillages ont permis l’édification de véritables îlots artificiels qui n’existent nulle part ailleurs dans le monde. Et si on ne les préserve pas, c’est l’exploitation anarchique avec leur transformation en chaux, en pierres à bitume, en pierres à béton qui va les détruire. Donc, aujourd’hui il y a deux problèmes : Il y a bien sûr les problèmes structurels que vous avez posez, mais aussi des problèmes d’agression sur une ressource qui est potentiellement source de progrès et de développement. Alors nous pensons que si l’inscription arrivait à se faire, c’est le Comité du Patrimoine Mondial qui va décider en toute souveraineté après avoir envoyé ses évaluateurs, des choses importantes peuvent se produire, parce que le projet que nous sommes en train de développer dans les îles du Saloum, contrairement à ceux que nous avons développés pour l’inscription des mégalithes, est accompagné d’un plan de gestion autour duquel le système des Nations Unies va nous aider, je ne dirai pas à tout mettre sur place, mais à poser les fondements structurels d’une véritable gestion durable de la ressource.

Quelle est la dimension humaine de ce projet d’inscription sur la liste du patrimoine mondial ?

Aujourd’hui, en faisant le classement nous sommes conscients qu’il y a des hommes qui vivent dans ce milieu. Ces hommes ont des activités qui sont liées à la ressource. Ils ont besoin de pouvoir écouler leurs productions. Ils ont développé un artisanat dont il faut tenir compte. Il faudrait que ce classement se traduise comme une opportunité et non pas comme une contrainte. Voilà pourquoi sur tous les domaines, environnement, artisanat, tourisme, culture, on est en train de faire des efforts, de développer des synergies pour que ce classement soit une opportunité. Il y a une chose qui est évidente : Le jour où les îles du Saloum seront au patrimoine mondial, l’attrait touristique de la région va connaître un véritable boum. Il faut anticiper. Il ne faut pas attendre que le boum touristique soit là pour essayer d’agir. C’est maintenant qu’il faut le faire. Et nous sommes en train de jouer notre partition en travaillant avec le ministère du tourisme, avec l’Organisation Mondiale du Tourisme pour faire des études d’impact, des études prospectives pour faire de telle sorte que le tourisme puisse se développer, mais en harmonie avec l’impératif de préservation des valeurs pour lesquelles nous espérons que cette magnifique région sera inscrite au patrimoine mondial. Et de manière générale, on le sait, toutes les statistiques le montrent, partout où le patrimoine mondial a pris pied, il s’en est suivi un développement considérable dans tous les domaines. C’est le lieu de dire que la culture apparaît très clairement à chaque fois que les actes sont posés comme un facteur de développement. Il faut aller jusqu’au bout de cette logique sans oublier bien sûr que la culture ou le patrimoine ne sont pas seulement les biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial mais aussi ce sont les biens inscrits sur nos listes nationales. Donc, essayer d’avoir une approche holistique globale de la gestion du patrimoine, et je pense que ça fera du bien au Saloum.

Quel est le niveau d’implication des populations locales dans le projet ?

Depuis que nous avons commencé à instruire ce dossier, on a fait plusieurs rencontres avec les autorités administratives et locales, les organisations communautaires de base, et bientôt nous allons travailler à la mise en place d’une véritable radio communautaire qui sera à la disposition des communautés pour qu’elle puisse s’approprier le projet, les problèmes de communication qui sont autour du projet, et essayer de faire de telle sorte que nous puissions être les uns à l’écoute des autres. Nous n’apportons pas tous les moyens dont les populations ont besoin pour se développer, mais ce que nous pouvons apporter c’est du conseil, de l’orientation. Ce que nous pouvons surtout apporter c’est de les conseiller à faire de telle sorte qu’elles puissent continuer à utiliser la ressource sans la détruire. Et naturellement, tout cela se passera dans un pays qui s’appelle le Sénégal où il existe des plans locaux de développement et un plan national de développement. Nous sommes là dans un milieu estuaire complexe qui est entre deux eaux. Cette complexité est une opportunité. Il ne faut pas oublier que nous avons là-bas un parc national, une réserve de la biosphère, et une aire marine protégée. Il y a un potentiel écologique et de biodiversité très importante dans cette région. Tout ceci constitue des richesses potentielles si nous parvenons à les gérer de manière intelligente et durable.

Est-ce que l’inscription au patrimoine ne va constituer un danger pour la faune et la flore ?

Je pense que non parce que l’existence déjà d’un parc, d’une aire maritime protégée et surtout la prise de conscience ancienne par les populations de la nécessité de préserver cet environnement, sont des atouts. Vous connaissez l’histoire de la réserve du Bamboung qui est une initiative locale, l’existence des éco gardes qui est aussi une initiative locale montrent que les populations sont très conscientes de la nécessité qu’il y a de préserver la biodiversité du Delta du Saloum. Je pense que ce mouvement là sera totalement encadré et tous les partenaires ont intérêt à ce que cette biodiversité soit préservée. Et je pense qu’il y a déjà des instruments juridiques qui permettent de le faire. Il y a sur le terrain une matérialité parce qu’il y a un parc national sur veille, on a des éco gardes qui font un maillage extrêmement serré de la zone et il faut renforcer et savoir que nous ne venons pas protéger une zone, mais que nous venons dans une zone déjà protégée, qui a déjà développé un certain nombre de processus d’alertes et d’interventions qu’il faudrait évaluer ensemble pour les renforcer et faire de sorte que le système soit le plus performant possible.

Chérif FAYE
Sud Quotidien

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