Livres - DECENTRALISATION - Vers l'équité territoriale au Sénégal, l'éxigence de réformes hardies
Préface
L’ouvrage que nous propose Madame Awa Gueye Thioune vient assurément à son heure. En un temps où la question de la gestion des territoires semble se poser avec une acuité particulière – il suffit de songer qu’une troisième phase majeure de la décentralisation a été initiée au Sénégal et que, trois ans plus tard, un Haut Conseil des Collectivités territoriales a été installé-, il est heureux d’accueillir une réflexion aussi riche, aussi dense, sur une problématique connexe à la décentralisation, mais quelque peu négligée dans les travaux scientifiques : celle de l’Aménagement du territoire en général – dont un document officiel récemment élaboré par le ministère des collectivités locales avouait la « faiblesse de la politique » - et celle de l’équité territoriale en particulier, concept relativement neuf dans notre débat sur la décentralisation. Au reste, d’un point de vue non plus savant mais purement empirique, la pertinence d’une politique territoriale plus vigoureuse se fait naturellement sentir, tant il est vrai que nous vivons, j’allais dire dans notre chair, la macrocéphalie – une grosse tête dans un corps cacochyme - d’un Dakar récemment présenté comme l’une des villes les plus polluées dans le monde.
Il faut d’abord complimenter Madame Thioune pour la clarté et la cohérence de sa démarche.
L’ouvrage est articulé autour de trois parties. La première établit, pourrait-on dire, l’existant, elle dresse la situation actuelle, que l’on subodore bien entendu préoccupante. Après l’avoir parcourue, le lecteur ne peut être qu’inquiet de solutions ou de pistes de réflexion pour sortir de la difficulté dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Tel est l’objet de la troisième partie de l’ouvrage, qui s’évertue à définir les réquisits d’une politique adéquate d’aménagement du territoire et les voies et moyens de l’équité territoriale. Auparavant, Mme Awa Gueye Thioune nous aura présenté –dans une deuxième partie - une défense et illustration de l’équité territoriale, indiqué les enjeux de la réforme qu’elle appelle clairement de ses vœux, la « valeur ajoutée » – le mot est d’elle – que celle-ci pourrait porter, non sans nous avoir mis en garde contre des risques sur lesquels elle anticipe.
Structuré autour de trois axes, l’ouvrage que voilà recèle au moins trois enjeux.
Le premier est qu’il doit certainement mis en relation avec la politique sénégalaise de décentralisation. Jusque-là en effet – verdeur ou limites de cette politique sans doute – les équilibres territoriaux ont été pensés sous le prisme quelque peu réducteur d’une décentralisation envisagée en termes plutôt formels et institutionnels, et moins dans une perspective opérationnelle. Nul ne songe, bien entendu, à remettre en cause la nécessité, ne serait-ce que logique, de celle-ci : nul ne veut, selon le fameux mot de de Félicien de Lamennais, d’une « apoplexie au centre » et de « la paralysie aux extrêmes ». Mais l’ouvrage de Mme Thioune, en portant sur les disparités des territoires au Sénégal, met pour ainsi dire à nu les carences des politiques de décentralisation jusque-là pensées ou pratiquées. Mme Thioune nous « sort d’un sommeil dogmatique » - comme le scepticisme de David Hume l’a fait sur Emmanuel Kant -, invitant certainement à repenser la décentralisation dans notre pays.
Au-delà de l’électrochoc, l’ouvrage invite à l’action. Mieux, il indique les voies et moyens de la réforme. Au cœur de celle-ci, se trouve la notion d’« équité territoriale ». D’un point de vue théorique, il s’agit donc de défendre, au sens littéral du terme, une thèse. Il est question de repenser l’allocation des moyens aux différentes localités du pays, exigence qui postule, il faut bien le dire, courage politique – car il faut bousculer des acquis et mettre fin à des situations plus ou moins « rentières » - et sens des nuances – car si la République est indivisible, les territoires sont pluriels -. C’est bien alors que prend tout son sens le sous-titre du livre : « l’exigence de réformes hardies ». En tout état de cause, il faut prendre conscience de la centralité de l’enjeu de l’équité territoriale, bien comprendre que si toutes nos difficultés ne mènent pas à la question de l’équité territoriale, bien des problèmes en découlent.
Que l’on ne s’y trompe cependant pas. La réflexion que nous livre Mme Awa Guèye Thioune n’est pas seulement un bréviaire de politique publique, un instrument à l’usage des acteurs de la décentralisation ou de l’Aménagement du territoire. Derrière sa dimension éminemment pratique, elle recèle un enjeu théorique ou juridique indéniable. On veut faire référence ici à la question, si cruciale pour une République, de l’égalité des citoyens. De fait, les déséquilibres territoriaux criants que nous vivons mettent à mal l’égalité devant la loi, devant les charges publiques, devant l’accès aux services de base. Lorsque certaines localités seulement polarisent la quasi-totalité des ressources et des services d’une nation, il se crée des discriminations de fait qui, il ne faut s’y méprendre, pourraient finir par altérer le sentiment d’unité nationale et l’épaisseur du tissu social.
Il faut certainement rendre grâce à Mme Awa Guèye Thioune d’avoir agité tant de problématiques, suscité tant de réflexion autour d’un sujet dont nous persistons à croire qu’il informe – au sens littéral du terme, c’est-à-dire qu’il sculpte, donne forme – tellement de défis dans notre pays. Sur un sujet qui aurait pu être rébarbatif ou perçu comme tel, elle a su être intéressante, captivante même. Il faut souhaiter que cet ouvrage qui vient à son heure connaisse la diffusion la plus large, et qu’il intéresse non seulement les acteurs des politiques qu’il évoque, mais que s’en emparent tous ceux qui, républicains de cœur, croient à la fondamentalité du principe d’égalité des citoyens dans notre pays.
Alioune SALL
Professeur à l’Université Cheikh Anta Diop
Ancien Juge à la Cour de justice de la CEDEAO
Avocat
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Disponible aux Editions Ndaxnam 77 503 78 21/ 76 231 43 12
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L’ouvrage que nous propose Madame Awa Gueye Thioune vient assurément à son heure. En un temps où la question de la gestion des territoires semble se poser avec une acuité particulière – il suffit de songer qu’une troisième phase majeure de la décentralisation a été initiée au Sénégal et que, trois ans plus tard, un Haut Conseil des Collectivités territoriales a été installé-, il est heureux d’accueillir une réflexion aussi riche, aussi dense, sur une problématique connexe à la décentralisation, mais quelque peu négligée dans les travaux scientifiques : celle de l’Aménagement du territoire en général – dont un document officiel récemment élaboré par le ministère des collectivités locales avouait la « faiblesse de la politique » - et celle de l’équité territoriale en particulier, concept relativement neuf dans notre débat sur la décentralisation. Au reste, d’un point de vue non plus savant mais purement empirique, la pertinence d’une politique territoriale plus vigoureuse se fait naturellement sentir, tant il est vrai que nous vivons, j’allais dire dans notre chair, la macrocéphalie – une grosse tête dans un corps cacochyme - d’un Dakar récemment présenté comme l’une des villes les plus polluées dans le monde.
Il faut d’abord complimenter Madame Thioune pour la clarté et la cohérence de sa démarche.
L’ouvrage est articulé autour de trois parties. La première établit, pourrait-on dire, l’existant, elle dresse la situation actuelle, que l’on subodore bien entendu préoccupante. Après l’avoir parcourue, le lecteur ne peut être qu’inquiet de solutions ou de pistes de réflexion pour sortir de la difficulté dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Tel est l’objet de la troisième partie de l’ouvrage, qui s’évertue à définir les réquisits d’une politique adéquate d’aménagement du territoire et les voies et moyens de l’équité territoriale. Auparavant, Mme Awa Gueye Thioune nous aura présenté –dans une deuxième partie - une défense et illustration de l’équité territoriale, indiqué les enjeux de la réforme qu’elle appelle clairement de ses vœux, la « valeur ajoutée » – le mot est d’elle – que celle-ci pourrait porter, non sans nous avoir mis en garde contre des risques sur lesquels elle anticipe.
Structuré autour de trois axes, l’ouvrage que voilà recèle au moins trois enjeux.
Le premier est qu’il doit certainement mis en relation avec la politique sénégalaise de décentralisation. Jusque-là en effet – verdeur ou limites de cette politique sans doute – les équilibres territoriaux ont été pensés sous le prisme quelque peu réducteur d’une décentralisation envisagée en termes plutôt formels et institutionnels, et moins dans une perspective opérationnelle. Nul ne songe, bien entendu, à remettre en cause la nécessité, ne serait-ce que logique, de celle-ci : nul ne veut, selon le fameux mot de de Félicien de Lamennais, d’une « apoplexie au centre » et de « la paralysie aux extrêmes ». Mais l’ouvrage de Mme Thioune, en portant sur les disparités des territoires au Sénégal, met pour ainsi dire à nu les carences des politiques de décentralisation jusque-là pensées ou pratiquées. Mme Thioune nous « sort d’un sommeil dogmatique » - comme le scepticisme de David Hume l’a fait sur Emmanuel Kant -, invitant certainement à repenser la décentralisation dans notre pays.
Au-delà de l’électrochoc, l’ouvrage invite à l’action. Mieux, il indique les voies et moyens de la réforme. Au cœur de celle-ci, se trouve la notion d’« équité territoriale ». D’un point de vue théorique, il s’agit donc de défendre, au sens littéral du terme, une thèse. Il est question de repenser l’allocation des moyens aux différentes localités du pays, exigence qui postule, il faut bien le dire, courage politique – car il faut bousculer des acquis et mettre fin à des situations plus ou moins « rentières » - et sens des nuances – car si la République est indivisible, les territoires sont pluriels -. C’est bien alors que prend tout son sens le sous-titre du livre : « l’exigence de réformes hardies ». En tout état de cause, il faut prendre conscience de la centralité de l’enjeu de l’équité territoriale, bien comprendre que si toutes nos difficultés ne mènent pas à la question de l’équité territoriale, bien des problèmes en découlent.
Que l’on ne s’y trompe cependant pas. La réflexion que nous livre Mme Awa Guèye Thioune n’est pas seulement un bréviaire de politique publique, un instrument à l’usage des acteurs de la décentralisation ou de l’Aménagement du territoire. Derrière sa dimension éminemment pratique, elle recèle un enjeu théorique ou juridique indéniable. On veut faire référence ici à la question, si cruciale pour une République, de l’égalité des citoyens. De fait, les déséquilibres territoriaux criants que nous vivons mettent à mal l’égalité devant la loi, devant les charges publiques, devant l’accès aux services de base. Lorsque certaines localités seulement polarisent la quasi-totalité des ressources et des services d’une nation, il se crée des discriminations de fait qui, il ne faut s’y méprendre, pourraient finir par altérer le sentiment d’unité nationale et l’épaisseur du tissu social.
Il faut certainement rendre grâce à Mme Awa Guèye Thioune d’avoir agité tant de problématiques, suscité tant de réflexion autour d’un sujet dont nous persistons à croire qu’il informe – au sens littéral du terme, c’est-à-dire qu’il sculpte, donne forme – tellement de défis dans notre pays. Sur un sujet qui aurait pu être rébarbatif ou perçu comme tel, elle a su être intéressante, captivante même. Il faut souhaiter que cet ouvrage qui vient à son heure connaisse la diffusion la plus large, et qu’il intéresse non seulement les acteurs des politiques qu’il évoque, mais que s’en emparent tous ceux qui, républicains de cœur, croient à la fondamentalité du principe d’égalité des citoyens dans notre pays.
Alioune SALL
Professeur à l’Université Cheikh Anta Diop
Ancien Juge à la Cour de justice de la CEDEAO
Avocat
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