Monsieur le Directeur Général, où en est le Port Autonome de Dakar à l’heure actuelle ?
Ecoutez, le Port autonome de Dakar est aujourd’hui à la croisée des chemins au sens propre comme au sens figuré. L’avantage que nous offre notre position géographique est aujourd’hui conforté par le bouclage de notre premier programme d’investissement qui nous permet d’avoir une position concurrentielle extrêmement forte par rapport aux autres ports de la sous-région. Je voudrais commenter quelques chiffres de nos états financiers, des statistiques disponibles du reste au niveau de nos partenaires au développement ou des banques. La valeur ajoutée, un indicateur important d’une entreprise parce que créant la richesse a plus que triplé passant de 6 milliards Cfa à 19 milliards CFA.C’est important. Nos capitaux propres se sont aussi consolidés d’année en année avec plus de 86 milliards en 2009. Nous venons de terminer notre premier programme d’investissement qui a consisté à réaliser une plate forme logistique, la réhabilitation du môle 2, une gare maritime déjà mis en exploitation de même que l’extension du terminal à conteneurs. Cela nous donne beaucoup plus de marge pour l’avenir, une manière d’être en phase avec le développement de ce pays, avec le transbordement. Enfin nous nous sommes engagés dans un partenariat gagnant-gagnant avec un opérateur privé de rang international à savoir Dubaï Port world (DP World) aujourd’hui troisième opérateur mondial dans son domaine. Nous avons également conforté un certain nombre de choses sur le plan social. D’abord, je vais parler de la couverture maladie des travailleurs du Port, un système extrêmement innovant dans la mesure où il fait partie des plus évolués de la place portuaire de Dakar. Nous avons mis en place une convention d’établissement qui nous a certes coûté beaucoup d’argent mais qui a permis d’améliorer le climat social.
Qu’en est -il de votre premier programme d’investissement qui vient de s’achever ?
Nous nous sommes appropriés la vision du Président de la République Maître Abdoulaye Wade qui est celle de faire des infrastructures des éléments structurants. A partir de cette vision, notre ambition a été de positionner le Port de Dakar comme la plate-forme logistique de référence en Afrique. Pour atteindre de tels objectifs, il faut avoir des infrastructures répondant aux normes internationales. Avant tout, il fallait trouver beaucoup d’argent et le préalable de tout cela c’est d’avoir un Port présentable. C’est la raison pour laquelle dès la première année de notre magistère (2003-2004), nous avons assaini la gestion en rendant le Port conforme aux exigences et standards internationaux. A partir de ce moment, les bailleurs de fonds se sont intéressés à l’outil. D’où notre premier emprunt obligataire qui, je le rappelle, en 2004, nous a permis de lever sur le marché financier sous-régional 30 milliards de francs CFA. Nous avons donc ciblé des programmes comme l’extension du terminal à conteneurs, la réalisation d’une plate forme logistique de référence sur 21 hectares. Le troisième volet de ce programme c’est la réhabilitation du môle 2 sur financement de la Boad et enfin la réalisation d’une gare maritime internationale que le Président de la République a récemment inaugurée .C’était d’ailleurs là un chaînon manquant de notre dispositif. Ce premier programme d’investissements qui se monte à environ 5 milliards Cfa est entièrement terminé en ce moment. Ce qui permet au Port d’être à même de répondre aux sollicitations des grands opérateurs mondiaux.
Pour rester dans le sillage de ce terminal à conteneurs, la presse a récemment fait état d’irrégularités dans le processus d’attribution de la concession. Jusque là, on ne vous pas entendu parler de la question. Qu’en est-il réellement ?
Oui on ne m’a pas encore entendu là dessus parce qu’on ne m’a pas posé la question. Je voudrais dire très franchement que les opérateurs avec qui nous avons affaire sont des professionnels. Il s’agit entre autres de DP World, de Bolloré, de Getma, de Maersk Sealand...Des gens qui travaillent dans tous les grands ports du monde. Donc si quelques années après, on dit qu’on a fait des irrégularités, cela m’étonne parce qu’on a affaire à des opérateurs avertis qui ne se laissent pas faire. Certains d’ailleurs avaient fait des recours administratifs qui n’ont pas prospéré. Mais je dirais que la procédure est tout à fait régulière et je vous renvoie à plusieurs textes régissant le fonctionnement du Port. Le premier texte sur lequel je vous renvoie, c’est l’article5 des statuts du Port approuvé par le décret 8715552 du 19-12-1987 qui dispose ceci : le Port autonome de Dakar pourra procéder à la concession ou à la location à un profit des parcelles du domaine mis à sa disposition par l’Etat. Le même décret stipule que l’occupation dont il est question doit avoir pour objet l’installation et l’exploitation d’équipement directement liés aux opérations portuaires. La loi 92 63 du 22-12-1992 dispose en son article 1e que la société nationale du Port peut par convention portant cahier des charges consentir sur le domaine public qui lui est transféré par l’Etat des autorisations d’occupation d’une durée au plus égale à 25ans. La concession du domaine portuaire qui trouve sa justification dans les statuts du Port n’est pas un marché public ou une délégation de service public au sens du code des marchés publics du Sénégal ou de la directive numéro 4 -2005 de l’Uemoa. Personne ne pouvait donc nous reprocher une quelconque irrégularité par rapport au code des marchés. Si c’était le cas, les candidats « malheureux » auraient eu gain de cause. Maintenant vous évoquez les écrits de la presse mais je vous dirais que la presse a aussi parlé de l’équipe de projet. Là, je voulais dire que je suis très fier de cette équipe de projet. Aujourd’hui, la plupart de mes autres collègues Directeurs de ports de la sous-région viennent nous solliciter pour mener à bien des projets de concession. Le Directeur Général du Port que je suis, a choisi cette équipe en fonction de la polyvalence de ses membres, de leur compétence et de leur disponibilité. Cela ne veut nullement dire que ceux qui n’ont pas été choisis ne sont pas compétents encore moins sérieux. Il n’est pas réaliste de faire un projet pareil qui dure trois ou quatre mois et d’y mettre toute l’équipe de direction encore que dans l’équipe choisie, certains ont assuré auparavant des fonctions de ceux là même dont on disait qu’ils n’étaient pas dans l’équipe. On a parlé de cette équipe et même de sa rémunération...Je veux dire solennellement que cette rémunération est une délibération du conseil d’administration qui, en date du 07 septembre 2007 a fixé le montant alloué et dont du reste moi, en tant que Directeur Général, je me suis exclu. C’est important. Les montants ont été alors fixés en tenant compte des enjeux du projet (plus de 400 milliards CFA) et en tenant compte de la mobilisation complète de l’équipe pendant plusieurs mois. Les membres de l’équipe étaient pratiquement éloignés de leurs familles. Il fallait aussi tenir compte de toutes les pressions de corruption qui pesaient sur l’équipe de même que les attaques injustifiées. C’est important également de dire qu’il y’avait des cabinets privés nationaux comme étrangers qui proposaient leurs services pour ce même travail et qui demandaient des sommes faramineuses. Moi en tout cas, je me félicite que ce soit une équipe nationale, des compétences portuaires qui ont réalisé ce projet et qu’au finish on se rend compte qu’on a fait quelque chose de grand.
Monsieur le Directeur Général, peut-on faire l’évaluation de la concession de ce terminal à conteneurs par rapport à la situation antérieure ?
Vous vous souvenez, il y’a eu beaucoup de bruits sur cette concession du terminal à conteneurs. Les gens ont dit, ce n’est pas bien, ce ne sera pas meilleur que ce qu’il y’avait...Mais en toute objectivité, après deux ans d’activités, je peux dire que je suis très satisfait par rapport aux performances et aux améliorations constatées. Je vais donner plusieurs exemples. S’agissant du traitement des navires à quai, DP World a mis en place un système de fenêtre. C’est-à-dire que le navire arrive à jour fixe et à heure fixe, il est traité et il rentre. De sorte qu’il n’ya plus de temps d’attente pratiquement en rade et cela c’est important. Nous constatons qu’il y’a plusieurs ports de la sous-région qui viennent s’inspirer de cet exemple là. En attendant la mise en service de nouveaux équipements, DP World opère avec un matériel neuf similaire mais il arrive à avoir des cadences de manutention de 40 mouvements par heure. Avant la concession, c’étaient des cadences de manutention de l’ordre de 20 à 25 mouvements. Et nous pensons que le matériel qui est arrivé (Ndlr : 4 portiques et des chevaliers de terminal), qui est le fruit d’un investissement de plus de 60 milliards CFA et qui va être exploitable d’ici 2 mois, va augmenter la cadence de 50%.Vous vous rendez compte...Je crois que c’est extrêmement important. Pour la gestion du parc lui-même, il y’a un système de positionnement de containeurs, de tracking qui fait que tout le matériel est informatisé. Ce qui permet de localiser à temps les containeurs et de réduire le temps de service, c’est-à-dire le temps que met le camion pour arriver à la guérite, entrer dans le terminal et en sortir avec un containeur. Chez nous, c’est un temps qui tourne autour de 20 minutes. Aujourd’hui, cela fait partie des meilleurs temps au monde. C’est très important d’autant plus qu’en terme de sécurité, DP World a mis en place des procédures idoines qui n’ont rien à envier, croyez-moi, aux différents ports du monde. Et puis de nos jours le nombre d’emplois est beaucoup plus important que le nombre d’emplois qui y avait été laissé. Je l’avais promis. Dans ces 435 à 450 emplois, il n’ya que 5 expatriés et le nouveau matériel acquis sera entièrement opéré par des Sénégalais déjà formés à Dubaï et à Djibouti. Alors ça, c’est le fruit d’une organisation qui a fait l’objet de certifications Iso ou Isps. En termes de revenus, DP World paie plus que les anciens opérateurs tout en s’occupant de l’entretien du terminal qui était à la charge du Port auparavant. Nous venons de recevoir quatre(4) portiques et 10 chariots cavaliers Rtg qui viennent d’arriver au terminal et qui seront opérationnels dans deux mois.
Quelles sont les principales contraintes qui pèsent sur les projets de développement du Port autonome de Dakar.
Je pense qu’il n’ya pas de contraintes majeures une fois que la vision est déclinée par le Chef de l’Etat et qu’au niveau interne, nous avons dégagé des orientations claires. Ce qu’il faut savoir simplement, c’est que pour lever des fonds sur le marché financier international, vous devez être garantis par des banques comme la Boad ou d’autres grandes banques. Ces institutions financières ne mettent pas leurs garanties n’importe où et n’importe comment. Donc il y a un travail d’assainissement qui a été réalisé au Port. Il y a des délais pour la publication des états financiers auxquels nous sommes contraints et l’autre aspect qui me semble important et qui a été bénéfique au Port, c’est la création de ce que nous avons appelé des cellules de gestion de projet. Quand on a commencé la réhabilitation du terminal à containeurs comme la réhabilitation du môle2 et la plate forme logistique, nous nous sommes dit que nous avons certes des compétences qui sont là mais ces compétences là il faut les doubler avec des jeunes ingénieurs qu’on va recruter et qui vont accompagner ces personnes là. De sorte qu’à la fin de ce projet, nous avons les anciens mais aussi les jeunes qui ont profité de l’expertise de ces projets et qui sont aguerris maintenant.
Quels sont aujourd’hui les défis que le Port de Dakar doit relever ?
Ecoutez, les défis sont importants mais vous savez bien que nous sortons d’une période de crise financière internationale. Ce qui a fait que pratiquement tous les ports internationaux ont senti une récession. Il n’est pas rare de voir des diminutions de trafic de l’ordre de 25% en Asie ou ailleurs. Ici à Dakar, certes 2009 a été difficile mais on n’a enregistré qu’une réduction de 10%. Malgré cette réduction, les résultats sont là parce que dès que la crise s’est déclarée, nous nous sommes retroussés les manches pour dire qu’il y’a des choses que nous pouvons au moins faire nous même. C’est quoi, c’est d’abord avoir une politique hardie de réduction des charges. On se réunissait pratiquement tous les mois pour identifier les éventuelles charges à réduire et cela nous a permis d’avoir une année 2009 avec un résultat bénéficiaire. Tous nos indicateurs (résultats d’exploitation, résultats nets, la valeur ajoutée...) ont évolué. Les capitaux propres se sont consolidés d’année en année avec plus de 86 milliards Cfa en 2009. Nous avons investi et malgré cela nous avons restauré notre capacité d’endettement. Les défis majeurs, c’est aujourd’hui assurer la libéralisation du transport des containeurs. Cela permettra aux opérateurs agrées de choisir le transporteur de leur choix. La mise en place d’une salle informatique communautaire à l’échelle de la place portuaire est aussi en bonne voie. Il nous faudra aussi assurer une minimisation des coûts portuaires. J’ai l’habitude de dire que la compétitivité du Port est un facteur de réduction de la pauvreté au Sénégal. Nous devons surveiller nos coûts pour davantage coller aux préoccupations sociales de nos compatriotes. Et nous le faisons au quotidien.
Qu’en-est-il de la tutelle du Port de Dakar. Relevez-vous du ministère de la coopération internationale, des transports aériens, de l’aménagement du territoire et des infrastructures(Miccati) ou du ministère de l’économie maritime surtout que certains vous ont reproché d’avoir financé l’Anoci en son temps ?
Je voudrais être très clair. La tutelle d’une structure comme le Port obéit au décret de répartition de services de l’Etat et des statuts du Port. Le Port autonome de Dakar relève de la tutelle technique du ministère de l’économie maritime et de la tutelle financière du ministère de l’Economie et des Finances. Il se trouve qu’il y a maintenant une direction des nouvelles infrastructures ferroviaires et portuaires au sein du Miccati. Logiquement, si nous entamons une nouvelle infrastructure d’envergure, nous devons le faire avec ce ministère là. C’est uniquement cela. Mais je voudrais préciser qu’on n’a rien fait pour l’Anoci et là je vais aborder le volet lié au bateau de l’Anoci dont la presse a longuement parlé lors du sommet de l’Oci à Dakar. D’aucuns ont écrit que le Port a financé l’Anoci pour la location de ce fameux bateau « Musica ». Non, le Port n’a pas financé l’Anoci pour ce bateau là. C’est l’Etat du Sénégal à travers le ministre du Budget qui nous a demandé de le cautionner pour le paiement d’une partie (le tiers) de la location du bateau. Nous avons donc cautionné notre ministère de tutelle vis-à-vis d’une banque qui devait payer la note. Nous avons donc cautionné le ministère en question. A l’échéance, c’est-à-dire le 31 mars 2008, le ministère a tardé à payer. La banque nous a relancés à plusieurs reprises et finalement elle a débité notre compte de pratiquement 1 milliard 800 millions CFA. Ayant été débité, nous sommes allés vers la banque pour lui dire écoutez, nous pensons que vous devez transformer cela en emprunt en attendant que l’Etat nous paie. Mais je peux vous dire que le 23 mars 2010 le ministère de l’économie et des finances a non seulement écrit au Port pour reconnaître cette créance mais pour s’engager à la régler dans le cadre de la loi des finances 201. Donc qu’on arrête franchement de dire que le Port a financé l’Anoci pour ce bateau « Musica ». La réglementation en vigueur ne nous le permet simplement pas.
A vous entendre parler, il n’ya pas d’interférences en ce qui concerne la tutelle du Port. Alors comment expliquez-vous les soi-disant manquements relevés par la presse sur certaines libéralités que vous aurez octroyées à des autorités publiques ?
Je voudrais vous repréciser que le Port est une société nationale appartenant à 100% à l’Etat du Sénégal. Mais de par la loi, nous avons quand même une autonomie de gestion et les orientations budgétaires sont arrêtées par un conseil d’administration où siègent aussi certaines structures privées. C’est ce même conseil d’administration qui arrête le budget annuel dont une rubrique est consacrée à l’appui institutionnel. Dans le cadre de cette rubrique, il nous arrive, à l’instar d’autres entreprises, d’octroyer des subventions ou appuis à des institutions et associations mais pas à des personnes prises individuellement. Alors ces personnes peuvent naturellement recevoir directement les dits appuis pour le compte de ces institutions ou associations qu’elles représentent. Mais cela ne doit pas être interprété comme une faveur destinée à ces personnes. En définitive, ce que je voudrais dire, c’est que tout est fait dans le respect des enveloppes budgétaires autorisées par le conseil d’administration et dans les rubriques prévues par la loi.
Quel est le message que le Directeur général du Port de Dakar compte envoyer aux Sénégalais ?
Je voudrais d’abord dire que le Port est le Port de tout le monde et sa compétitivité dépend de beaucoup de choses. Si le Port applique des coûts élevés, le commerçant ne va pas payer pour le consommateur lambda, il va sûrement répercuter ces coûts sur les prix de revient. Il faut aussi savoir que plus de 90% du commerce extérieur du Sénégal transite par le Port. Mais notre infrastructure n’est pas bien connue du grand public parce que nous sommes entourés par une barrière douanière et nous faisons d’autres choses qui ne sont pas visibles. Nous évoluons dans ce périmètre fermé avec les spécificités des uns et des autres. L’autorité portuaire que je représente est chargée de réguler tout cela pour le compte de l’économie nationale. je souhaite donc dans cette dynamique et avec le soutien de tous que le Port de Dakar puisse gagner le pari de la modernité, le pari de l’excellence. Pour l’intérêt de toute l’économie nationale et de la communauté des acteurs portuaires dont je salue le dynamisme et le patriotisme.
Je souhaite qu’au cours des prochaines années, en relation avec l’administration des Douanes dont je salue le dynamisme et la parfaite collaboration, que le projet de dématérialisation des procédures administratives et douanières entamée avec beaucoup de satisfaction en vue de l’amélioration de la compétitivité de la place portuaire de Dakar puisse s’achever pour notre intérêt a tous.
Propos recueillis par Mamadou Lamine DIATTA
Le Soleil
Ecoutez, le Port autonome de Dakar est aujourd’hui à la croisée des chemins au sens propre comme au sens figuré. L’avantage que nous offre notre position géographique est aujourd’hui conforté par le bouclage de notre premier programme d’investissement qui nous permet d’avoir une position concurrentielle extrêmement forte par rapport aux autres ports de la sous-région. Je voudrais commenter quelques chiffres de nos états financiers, des statistiques disponibles du reste au niveau de nos partenaires au développement ou des banques. La valeur ajoutée, un indicateur important d’une entreprise parce que créant la richesse a plus que triplé passant de 6 milliards Cfa à 19 milliards CFA.C’est important. Nos capitaux propres se sont aussi consolidés d’année en année avec plus de 86 milliards en 2009. Nous venons de terminer notre premier programme d’investissement qui a consisté à réaliser une plate forme logistique, la réhabilitation du môle 2, une gare maritime déjà mis en exploitation de même que l’extension du terminal à conteneurs. Cela nous donne beaucoup plus de marge pour l’avenir, une manière d’être en phase avec le développement de ce pays, avec le transbordement. Enfin nous nous sommes engagés dans un partenariat gagnant-gagnant avec un opérateur privé de rang international à savoir Dubaï Port world (DP World) aujourd’hui troisième opérateur mondial dans son domaine. Nous avons également conforté un certain nombre de choses sur le plan social. D’abord, je vais parler de la couverture maladie des travailleurs du Port, un système extrêmement innovant dans la mesure où il fait partie des plus évolués de la place portuaire de Dakar. Nous avons mis en place une convention d’établissement qui nous a certes coûté beaucoup d’argent mais qui a permis d’améliorer le climat social.
Qu’en est -il de votre premier programme d’investissement qui vient de s’achever ?
Nous nous sommes appropriés la vision du Président de la République Maître Abdoulaye Wade qui est celle de faire des infrastructures des éléments structurants. A partir de cette vision, notre ambition a été de positionner le Port de Dakar comme la plate-forme logistique de référence en Afrique. Pour atteindre de tels objectifs, il faut avoir des infrastructures répondant aux normes internationales. Avant tout, il fallait trouver beaucoup d’argent et le préalable de tout cela c’est d’avoir un Port présentable. C’est la raison pour laquelle dès la première année de notre magistère (2003-2004), nous avons assaini la gestion en rendant le Port conforme aux exigences et standards internationaux. A partir de ce moment, les bailleurs de fonds se sont intéressés à l’outil. D’où notre premier emprunt obligataire qui, je le rappelle, en 2004, nous a permis de lever sur le marché financier sous-régional 30 milliards de francs CFA. Nous avons donc ciblé des programmes comme l’extension du terminal à conteneurs, la réalisation d’une plate forme logistique de référence sur 21 hectares. Le troisième volet de ce programme c’est la réhabilitation du môle 2 sur financement de la Boad et enfin la réalisation d’une gare maritime internationale que le Président de la République a récemment inaugurée .C’était d’ailleurs là un chaînon manquant de notre dispositif. Ce premier programme d’investissements qui se monte à environ 5 milliards Cfa est entièrement terminé en ce moment. Ce qui permet au Port d’être à même de répondre aux sollicitations des grands opérateurs mondiaux.
Pour rester dans le sillage de ce terminal à conteneurs, la presse a récemment fait état d’irrégularités dans le processus d’attribution de la concession. Jusque là, on ne vous pas entendu parler de la question. Qu’en est-il réellement ?
Oui on ne m’a pas encore entendu là dessus parce qu’on ne m’a pas posé la question. Je voudrais dire très franchement que les opérateurs avec qui nous avons affaire sont des professionnels. Il s’agit entre autres de DP World, de Bolloré, de Getma, de Maersk Sealand...Des gens qui travaillent dans tous les grands ports du monde. Donc si quelques années après, on dit qu’on a fait des irrégularités, cela m’étonne parce qu’on a affaire à des opérateurs avertis qui ne se laissent pas faire. Certains d’ailleurs avaient fait des recours administratifs qui n’ont pas prospéré. Mais je dirais que la procédure est tout à fait régulière et je vous renvoie à plusieurs textes régissant le fonctionnement du Port. Le premier texte sur lequel je vous renvoie, c’est l’article5 des statuts du Port approuvé par le décret 8715552 du 19-12-1987 qui dispose ceci : le Port autonome de Dakar pourra procéder à la concession ou à la location à un profit des parcelles du domaine mis à sa disposition par l’Etat. Le même décret stipule que l’occupation dont il est question doit avoir pour objet l’installation et l’exploitation d’équipement directement liés aux opérations portuaires. La loi 92 63 du 22-12-1992 dispose en son article 1e que la société nationale du Port peut par convention portant cahier des charges consentir sur le domaine public qui lui est transféré par l’Etat des autorisations d’occupation d’une durée au plus égale à 25ans. La concession du domaine portuaire qui trouve sa justification dans les statuts du Port n’est pas un marché public ou une délégation de service public au sens du code des marchés publics du Sénégal ou de la directive numéro 4 -2005 de l’Uemoa. Personne ne pouvait donc nous reprocher une quelconque irrégularité par rapport au code des marchés. Si c’était le cas, les candidats « malheureux » auraient eu gain de cause. Maintenant vous évoquez les écrits de la presse mais je vous dirais que la presse a aussi parlé de l’équipe de projet. Là, je voulais dire que je suis très fier de cette équipe de projet. Aujourd’hui, la plupart de mes autres collègues Directeurs de ports de la sous-région viennent nous solliciter pour mener à bien des projets de concession. Le Directeur Général du Port que je suis, a choisi cette équipe en fonction de la polyvalence de ses membres, de leur compétence et de leur disponibilité. Cela ne veut nullement dire que ceux qui n’ont pas été choisis ne sont pas compétents encore moins sérieux. Il n’est pas réaliste de faire un projet pareil qui dure trois ou quatre mois et d’y mettre toute l’équipe de direction encore que dans l’équipe choisie, certains ont assuré auparavant des fonctions de ceux là même dont on disait qu’ils n’étaient pas dans l’équipe. On a parlé de cette équipe et même de sa rémunération...Je veux dire solennellement que cette rémunération est une délibération du conseil d’administration qui, en date du 07 septembre 2007 a fixé le montant alloué et dont du reste moi, en tant que Directeur Général, je me suis exclu. C’est important. Les montants ont été alors fixés en tenant compte des enjeux du projet (plus de 400 milliards CFA) et en tenant compte de la mobilisation complète de l’équipe pendant plusieurs mois. Les membres de l’équipe étaient pratiquement éloignés de leurs familles. Il fallait aussi tenir compte de toutes les pressions de corruption qui pesaient sur l’équipe de même que les attaques injustifiées. C’est important également de dire qu’il y’avait des cabinets privés nationaux comme étrangers qui proposaient leurs services pour ce même travail et qui demandaient des sommes faramineuses. Moi en tout cas, je me félicite que ce soit une équipe nationale, des compétences portuaires qui ont réalisé ce projet et qu’au finish on se rend compte qu’on a fait quelque chose de grand.
Monsieur le Directeur Général, peut-on faire l’évaluation de la concession de ce terminal à conteneurs par rapport à la situation antérieure ?
Vous vous souvenez, il y’a eu beaucoup de bruits sur cette concession du terminal à conteneurs. Les gens ont dit, ce n’est pas bien, ce ne sera pas meilleur que ce qu’il y’avait...Mais en toute objectivité, après deux ans d’activités, je peux dire que je suis très satisfait par rapport aux performances et aux améliorations constatées. Je vais donner plusieurs exemples. S’agissant du traitement des navires à quai, DP World a mis en place un système de fenêtre. C’est-à-dire que le navire arrive à jour fixe et à heure fixe, il est traité et il rentre. De sorte qu’il n’ya plus de temps d’attente pratiquement en rade et cela c’est important. Nous constatons qu’il y’a plusieurs ports de la sous-région qui viennent s’inspirer de cet exemple là. En attendant la mise en service de nouveaux équipements, DP World opère avec un matériel neuf similaire mais il arrive à avoir des cadences de manutention de 40 mouvements par heure. Avant la concession, c’étaient des cadences de manutention de l’ordre de 20 à 25 mouvements. Et nous pensons que le matériel qui est arrivé (Ndlr : 4 portiques et des chevaliers de terminal), qui est le fruit d’un investissement de plus de 60 milliards CFA et qui va être exploitable d’ici 2 mois, va augmenter la cadence de 50%.Vous vous rendez compte...Je crois que c’est extrêmement important. Pour la gestion du parc lui-même, il y’a un système de positionnement de containeurs, de tracking qui fait que tout le matériel est informatisé. Ce qui permet de localiser à temps les containeurs et de réduire le temps de service, c’est-à-dire le temps que met le camion pour arriver à la guérite, entrer dans le terminal et en sortir avec un containeur. Chez nous, c’est un temps qui tourne autour de 20 minutes. Aujourd’hui, cela fait partie des meilleurs temps au monde. C’est très important d’autant plus qu’en terme de sécurité, DP World a mis en place des procédures idoines qui n’ont rien à envier, croyez-moi, aux différents ports du monde. Et puis de nos jours le nombre d’emplois est beaucoup plus important que le nombre d’emplois qui y avait été laissé. Je l’avais promis. Dans ces 435 à 450 emplois, il n’ya que 5 expatriés et le nouveau matériel acquis sera entièrement opéré par des Sénégalais déjà formés à Dubaï et à Djibouti. Alors ça, c’est le fruit d’une organisation qui a fait l’objet de certifications Iso ou Isps. En termes de revenus, DP World paie plus que les anciens opérateurs tout en s’occupant de l’entretien du terminal qui était à la charge du Port auparavant. Nous venons de recevoir quatre(4) portiques et 10 chariots cavaliers Rtg qui viennent d’arriver au terminal et qui seront opérationnels dans deux mois.
Quelles sont les principales contraintes qui pèsent sur les projets de développement du Port autonome de Dakar.
Je pense qu’il n’ya pas de contraintes majeures une fois que la vision est déclinée par le Chef de l’Etat et qu’au niveau interne, nous avons dégagé des orientations claires. Ce qu’il faut savoir simplement, c’est que pour lever des fonds sur le marché financier international, vous devez être garantis par des banques comme la Boad ou d’autres grandes banques. Ces institutions financières ne mettent pas leurs garanties n’importe où et n’importe comment. Donc il y a un travail d’assainissement qui a été réalisé au Port. Il y a des délais pour la publication des états financiers auxquels nous sommes contraints et l’autre aspect qui me semble important et qui a été bénéfique au Port, c’est la création de ce que nous avons appelé des cellules de gestion de projet. Quand on a commencé la réhabilitation du terminal à containeurs comme la réhabilitation du môle2 et la plate forme logistique, nous nous sommes dit que nous avons certes des compétences qui sont là mais ces compétences là il faut les doubler avec des jeunes ingénieurs qu’on va recruter et qui vont accompagner ces personnes là. De sorte qu’à la fin de ce projet, nous avons les anciens mais aussi les jeunes qui ont profité de l’expertise de ces projets et qui sont aguerris maintenant.
Quels sont aujourd’hui les défis que le Port de Dakar doit relever ?
Ecoutez, les défis sont importants mais vous savez bien que nous sortons d’une période de crise financière internationale. Ce qui a fait que pratiquement tous les ports internationaux ont senti une récession. Il n’est pas rare de voir des diminutions de trafic de l’ordre de 25% en Asie ou ailleurs. Ici à Dakar, certes 2009 a été difficile mais on n’a enregistré qu’une réduction de 10%. Malgré cette réduction, les résultats sont là parce que dès que la crise s’est déclarée, nous nous sommes retroussés les manches pour dire qu’il y’a des choses que nous pouvons au moins faire nous même. C’est quoi, c’est d’abord avoir une politique hardie de réduction des charges. On se réunissait pratiquement tous les mois pour identifier les éventuelles charges à réduire et cela nous a permis d’avoir une année 2009 avec un résultat bénéficiaire. Tous nos indicateurs (résultats d’exploitation, résultats nets, la valeur ajoutée...) ont évolué. Les capitaux propres se sont consolidés d’année en année avec plus de 86 milliards Cfa en 2009. Nous avons investi et malgré cela nous avons restauré notre capacité d’endettement. Les défis majeurs, c’est aujourd’hui assurer la libéralisation du transport des containeurs. Cela permettra aux opérateurs agrées de choisir le transporteur de leur choix. La mise en place d’une salle informatique communautaire à l’échelle de la place portuaire est aussi en bonne voie. Il nous faudra aussi assurer une minimisation des coûts portuaires. J’ai l’habitude de dire que la compétitivité du Port est un facteur de réduction de la pauvreté au Sénégal. Nous devons surveiller nos coûts pour davantage coller aux préoccupations sociales de nos compatriotes. Et nous le faisons au quotidien.
Qu’en-est-il de la tutelle du Port de Dakar. Relevez-vous du ministère de la coopération internationale, des transports aériens, de l’aménagement du territoire et des infrastructures(Miccati) ou du ministère de l’économie maritime surtout que certains vous ont reproché d’avoir financé l’Anoci en son temps ?
Je voudrais être très clair. La tutelle d’une structure comme le Port obéit au décret de répartition de services de l’Etat et des statuts du Port. Le Port autonome de Dakar relève de la tutelle technique du ministère de l’économie maritime et de la tutelle financière du ministère de l’Economie et des Finances. Il se trouve qu’il y a maintenant une direction des nouvelles infrastructures ferroviaires et portuaires au sein du Miccati. Logiquement, si nous entamons une nouvelle infrastructure d’envergure, nous devons le faire avec ce ministère là. C’est uniquement cela. Mais je voudrais préciser qu’on n’a rien fait pour l’Anoci et là je vais aborder le volet lié au bateau de l’Anoci dont la presse a longuement parlé lors du sommet de l’Oci à Dakar. D’aucuns ont écrit que le Port a financé l’Anoci pour la location de ce fameux bateau « Musica ». Non, le Port n’a pas financé l’Anoci pour ce bateau là. C’est l’Etat du Sénégal à travers le ministre du Budget qui nous a demandé de le cautionner pour le paiement d’une partie (le tiers) de la location du bateau. Nous avons donc cautionné notre ministère de tutelle vis-à-vis d’une banque qui devait payer la note. Nous avons donc cautionné le ministère en question. A l’échéance, c’est-à-dire le 31 mars 2008, le ministère a tardé à payer. La banque nous a relancés à plusieurs reprises et finalement elle a débité notre compte de pratiquement 1 milliard 800 millions CFA. Ayant été débité, nous sommes allés vers la banque pour lui dire écoutez, nous pensons que vous devez transformer cela en emprunt en attendant que l’Etat nous paie. Mais je peux vous dire que le 23 mars 2010 le ministère de l’économie et des finances a non seulement écrit au Port pour reconnaître cette créance mais pour s’engager à la régler dans le cadre de la loi des finances 201. Donc qu’on arrête franchement de dire que le Port a financé l’Anoci pour ce bateau « Musica ». La réglementation en vigueur ne nous le permet simplement pas.
A vous entendre parler, il n’ya pas d’interférences en ce qui concerne la tutelle du Port. Alors comment expliquez-vous les soi-disant manquements relevés par la presse sur certaines libéralités que vous aurez octroyées à des autorités publiques ?
Je voudrais vous repréciser que le Port est une société nationale appartenant à 100% à l’Etat du Sénégal. Mais de par la loi, nous avons quand même une autonomie de gestion et les orientations budgétaires sont arrêtées par un conseil d’administration où siègent aussi certaines structures privées. C’est ce même conseil d’administration qui arrête le budget annuel dont une rubrique est consacrée à l’appui institutionnel. Dans le cadre de cette rubrique, il nous arrive, à l’instar d’autres entreprises, d’octroyer des subventions ou appuis à des institutions et associations mais pas à des personnes prises individuellement. Alors ces personnes peuvent naturellement recevoir directement les dits appuis pour le compte de ces institutions ou associations qu’elles représentent. Mais cela ne doit pas être interprété comme une faveur destinée à ces personnes. En définitive, ce que je voudrais dire, c’est que tout est fait dans le respect des enveloppes budgétaires autorisées par le conseil d’administration et dans les rubriques prévues par la loi.
Quel est le message que le Directeur général du Port de Dakar compte envoyer aux Sénégalais ?
Je voudrais d’abord dire que le Port est le Port de tout le monde et sa compétitivité dépend de beaucoup de choses. Si le Port applique des coûts élevés, le commerçant ne va pas payer pour le consommateur lambda, il va sûrement répercuter ces coûts sur les prix de revient. Il faut aussi savoir que plus de 90% du commerce extérieur du Sénégal transite par le Port. Mais notre infrastructure n’est pas bien connue du grand public parce que nous sommes entourés par une barrière douanière et nous faisons d’autres choses qui ne sont pas visibles. Nous évoluons dans ce périmètre fermé avec les spécificités des uns et des autres. L’autorité portuaire que je représente est chargée de réguler tout cela pour le compte de l’économie nationale. je souhaite donc dans cette dynamique et avec le soutien de tous que le Port de Dakar puisse gagner le pari de la modernité, le pari de l’excellence. Pour l’intérêt de toute l’économie nationale et de la communauté des acteurs portuaires dont je salue le dynamisme et le patriotisme.
Je souhaite qu’au cours des prochaines années, en relation avec l’administration des Douanes dont je salue le dynamisme et la parfaite collaboration, que le projet de dématérialisation des procédures administratives et douanières entamée avec beaucoup de satisfaction en vue de l’amélioration de la compétitivité de la place portuaire de Dakar puisse s’achever pour notre intérêt a tous.
Propos recueillis par Mamadou Lamine DIATTA
Le Soleil