Les TIC, une réponse à la pauvreté ?

Miguel Saravia


A) Les TIC et la pauvreté ; un nouveau modèle en construction

L’innovation technologique

Traditionnellement l’innovation technologique a appliqué une relation verticale et unilatérale avec les populations vers lesquelles elle était orientée. Et ceci n’a pas changé quand nous parlons aujourd’hui des nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’histoire récente démontre que l’incorporation des technologies de l’information et la communication a reproduit le système d’autorité et la division internationale du travail d’hier L’innovation technologique qui est née à partir de l’expansion des TIC n’a pas conduit à un village global, comme le prophétisait Mashall Mac Luhan, mais bien plutôt a généré un grand village entrepreneurial, dans lequel la production et le marketing à échelle mondiale conçoivent le monde comme un grand marché unique.

Dans ce grand marché, une seule voix est privilégiée (l’homogénéisation propre à la globalisation), une seule voix et beaucoup de mondes différents (par exemple le surgissement imprévu des régionalismes européens). On essaye alors d’uniformiser la diversité au lieu de faire se concerter les divers éléments d’une diversité. La globalisation suppose la pensée d’un consommateur comme un individu homogène qui, indépendamment de sa culture et de son lieu de vie, exprime des fonctions de préférence homogènes. En d’autres termes ce modèle introduit une pression interne vers une homogénéisation institutionnelle, alors que celle-ci n’est pas nécessairement compatible avec l’intérêt national.

C’est alors que certains gouvernements nationaux commencent à ressentir que leur autonomie est mise en cause et aussi la pression pour établir une régulation conforme à l’intérêt de la globalisation plus qu’à celui de leurs propres citoyens. Ceci entraîne des conflits d’intérêts qui conduisent, dans la majorité des cas, à la subordination des pays du Sud aux priorités du marché global. Il existe aussi des positions contraires qui défendent mieux les espaces nationaux et même les espaces régionaux, comme celles qu’ont prises le Brésil et le Venezuela au dernier sommet extraordinaire des Amériques à Monterrey, au Mexique.

Les promoteurs de l’innovation ont reproduit un schéma dominant selon lequel il existe une chaîne linéaire d’innovation (partant de la recherche de base, il conduirait au bien-être social). Ce déterminisme de la technologie est à l’origine d’un processus de démobilisation sociale et présente le développement comme un résultat automatique de la chaîne d’innovation.

Même le mouvement de "technologie appropriée", impulsé par Shumacher (1) à partir des années 60 qui a posé le développement social comme un axe central, en est venu, dans certaines occasions, à accepter l’idée que le simple accès à une meilleure diversité de choix technologiques amènera un impact positif sur le développement d’une communauté.

Dans les deux dernières décades, les processus de globalisation et d’ouvertures extérieures des marchés ont entraîné de profonds changements dans les processus d’innovation en Amérique latine.

Des études de la CEPAL (cf les sigles en fin d’article) signalent que les réformes de structures ont amené la réorientation de l’appareil régional productif d’une part vers les biens et les services non commercialisables, d’autre part vers des avantages comparatifs statiques — production de matières premières et d’industries utilisatrices de ressources naturelles dans les pays du cône sud et dans des branches d’activité dissimulant un usage intensif de main-d’oeuvre non qualifiée, au Mexique et dans plusieurs pays plus petits de l’Amérique centrale et des Caraïbes —. Mais les mêmes réformes ont échoué à créer des avantages comparatifs dynamiques basés sur l’apprentissage et les connaissances, qui permettraient d’augmenter la valeur ajoutée des exportations et l’insertion des entreprises de la région dans les marchés mondiaux.

ITDG a cherché à comprendre ces processus de changement, et à faire face à la tendance traditionnelle en initiant un processus de réflexion sur la signification des processus de changement technologique dans les communautés rurales du Pérou, et sur la façon de construire un paradigme distinct de développement de la technologie qui corresponde mieux aux nécessités des populations pauvres.

Un paradigme différent pour les TIC.

Avant de formuler un nouveau paradigme, nous devons clarifier quelle est notre conception de la technologie. Le concept de technologie qu’utilise ITDG va bien au-delà de l’infrastructure. Il comprend l’information, les habiletés et le savoir associés à celle-ci et la capacité de l’utiliser. Selon Ian Smillie (2) : « la technologie est une combinaison de connaissances, de techniques et de concepts ; elle est composée d’outils, de machines et d’ateliers. C’est une ingénierie : mais c’est beaucoup plus que cela. Elle implique l’organisation et son évolution ; elle implique les personnes tantôt comme des individus — des créateurs, des inventeurs, des entrepreneurs — et comme société membres d’une société. La technologie est la science et l’art de faire les choses moyennant la mise en oeuvre d’habiletés et de connaissances ».

Appliquer notre concept de technologie au processus d’innovation technologique et au processus d’émergence de nouvelles technologies de l’information et de la communication a aidé ITDG à définir un paradigme distinct qui voit la technologie plus comme facilitatrice (paradigme alternatif) que comme conditionnant (paradigme existant) des processus de développement.

Dans cette optique, alors que la force qui mobilise le paradigme existant est celle du bénéfice économique considéré comme la seule source du changement ou de l’innovation technologique, la force qui dynamise le paradigme alternatif que nous présentons est la demande des utilisateurs - des populations pauvres.

En analysant les TIC dans cette perspective, nous rencontrons trois aspects de l’innovation technologique de le domaine des TIC :

1) Le premier aspect provient de l’énoncé même du schéma dominant de l’innovation technologique qui attribue à la technologie elle-même et au processus d’innovation une capacité transformatrice et un potentiel émancipateur, c’est-à-dire que la simple introduction de technologies générerait une chaîne qui aboutirait automatiquement à un développement social.

Mais disposer d’une infrastructure ou d’une technologie n’implique pas nécessairement qu’on les utilise et qu’elles contribuent au processus de développement. Il y a une dimension immatérielle qui ajoute de la valeur au processus d’innovation ; c’est elle qui génère réellement le développement. Nous mettons l’accent sur le processus d’apprentissage et de développement des compétences. C’est seulement ainsi que se produira un usage adéquat de l’infrastructure.

Affronter la pauvreté digitale implique assurément de mettre l’accent sur le développement humain et sur le renforcement institutionnel local car il y a des conditions préalables qui rendent possible que les TIC deviennent des éléments clés du processus de développement et de la lutte contre la pauvreté : un environnement démocratique, des mécanismes de participation citoyenne renforcée, des niveaux adéquats d’éducation et d’accès à la santé ; l’existence d’une culture de paix et de responsabilité sociale sont aussi indispensables. Ricardo Gomez l’explique avec une grande clarté : « les TIC ne sont pas une formule magique qui transforme le cuivre en or ni les zéros et les uns en démocratie, en participation et en développement. Les programmes de TIC pour le développement doivent utiliser le potentiel d’environnements propices » (3).

2) Le second aspect à considérer est le contexte d’origine de la technologie que l’on désire introduire. Celui-ci conditionne la technologie elle-même. Il est pertinent de se demander quel est le contexte historique et social dont les TIC tirent leur origine et qui ont permis leur développement.

"Se référer à la technologie suppose d’essayer de comprendre de quelle manière les activités pratiques (les techniques) ont été conçues et mises en valeur par ceux qui les emploient ; quelle conception générale du monde, de ses éléments et de leur comportement ont été élaborés à partir des expériences de transformation du milieu ambiant ; en somme cela suppose de se référer à une totalité culturelle historiquement déterminée. La technologie n’est pas alors une réalité super-objective, neutre ; elle naît, se développe et se transforme dans un milieu historique qui en est le fondement » (4).

Nous avons dit depuis le début de cet article que les TIC apportent leur contribution à une globalisation qui bénéficie formidablement à un petit nombre de personnes situées sur la crête de la vague, en même temps qu’elle laisse la majorité chaque fois en arrière, dépossédée de son pouvoir. C’est un phénomène d’aggravation de l’exclusion et de la marginalisation.

Le phénomène des nouvelles technologies est proche du paradigme dominant dans notre société, qui revient à ignorer toute référence aux questions politiques et idéologiques, en présentant le changement technologique en cours comme nécessaire et inévitable, neutre et rationnel, motivé uniquement par des raisons techniques liées fondamentalement au développement même de la technologie. Ceci fait que les nouvelles technologies de l’information sont présentées comme des technologies ouvertes, pleines de promesses, à condition seulement de savoir utiliser leurs potentialités, pratiquement de manière indépendante du contexte social d’où elles proviennent et dans lequel elles s’appliquent.

3) Le troisième élément qui saute aux yeux quand nous analysons les TIC sous un nouveau paradigme est que, derrière le principe que les innovations technologiques puissent être engagées, se cache l’idée d’inonder les différents recoins des pays les plus pauvres avec de la technologie, au lieu de promouvoir de réels processus d’appropriation. Il y a dans cette perspective une méconnaissance des processus d’apprentissage, et de la différence entre une information et une connaissance.

Dans les processus d’acquisition de connaissance et d’apprentissage, il y a d’une part l’interaction entre l’expérience accumulée par celui qui reçoit l’information et cette dernière, et d’autre part un processus de validation préalable pour estimer si un usage déterminé de l’information et de la technologie apportera une solution adéquate aux problèmes réels posés.

Le nouveau modèle et les systèmes d’information et de communication rurales.

Le modèle pour mettre en oeuvre les TIC en vue de réduire la pauvreté ne se situe pas seulement dans le domaine technologique, mais il faut l’adapter à différents processus qui affectent la vie des pauvres, en particulier les systèmes d’information et de communication rurales.

Appliquer ce modèle un système d’information et de communication rurale passe par la reconnaissance que, pendant de très longues années, le paysan a survécu grâce à ses propres mécanismes d’information, grâce aussi à des règles sociales qui ont assuré sa subsistance. Un système "nouveau" doit apprendre de ces systèmes traditionnels et, au lieu de les remplacer, doit les renforcer.

Toute personne a la capacité de discerner si ce qu’on lui donne comme information lui sert ou non, à condition que l’information soit apportée dans les "codes" qu’elle comprend. Plus important que le processus de diffusion de l’information est donc la manière d’accompagner le processus de codification. Et cet accompagnement ne doit pas être le propos d’une intervention peu au fait de la vie de la communauté mais par des intermédiaires d’information qui, en plus d’avoir été formés à la recherche et la mise à disposition d’informations, ont une connaissance des problématiques qui affectent la vie de l’agriculteur : la santé animale, l’élevage, les cultures, les calamités diverses etc.

Mettre en oeuvre un système d’information rurale passe donc aussi par l’élaboration très soigneuse de tous ces niveaux, et ceci doit être fait avec la communauté pour répondre aux besoins de celle-ci, et aux requêtes des institutions fournisseuse d’information. Le paysan doit avoir des conditions équitables pour participer au système :il doit recevoir, mais aussi donner. C’est le seul moyen de mettre en oeuvre de façon pérenne l’infrastructure et les services.

B) ITDG et les TIC contre la pauvreté. Appliquer le modèle, en tirer les leçons, en partager les défis

Installer des systèmes d’information pour le secteur rural qui soient adaptés à chaque contexte et qui en plus réussissent à s’autofinancer constitue un défi très difficile. Encore plus si l’on propose de faire converger l’investissement privé et l’investissement étatique en suivant les initiatives de la société civile et des ONG en vue d’un type de développement dont la communauté est l’animatrice principale.

La difficulté tient non seulement à l’absence de modèles théoriques disponibles, mais aussi à la faiblesse de l’organisation de l’habitat rural, à l’isolement dans lequel il a été maintenu et à la difficulté des relations avec les institutions de l’État qui ne soient pas en termes clientélistes.

De même la maigre infrastructure d’information existante en milieu rural nous oblige à concevoir une intervention plus décisive du secteur public et du secteur privé dans cette opération. Notre intervention doit promouvoir l’investissement privé dans ce sens, tout en reconnaissant les limites du développement des infrastructures de télécommunications basées exclusivement sur le marché. Nous avons avancé - il serait plus juste de dire que nous sommes en train d’avancer - en obtenant que les communautés rurales deviennent consommatrices d’information, qu’il se génère ainsi un marché de l’information dans le secteur rural. Cependant, il reste un défi majeur qui est de transformer les communautés rurales en pourvoyeuses d’information, c’est-à-dire de les faire devenir pleinement ce que nous avons appelé des "sociétés de l’apprentissage".

Infocentres pour le développement

Le modèle de développement partant du bas vers le haut, appliquant les TIC à partir des communautés pour faciliter le processus d’information et de communication, ceci constitue le "premier kilomètre" et non le dernier.

Les approches qui parlent du dernier kilomètre pour désigner les TIC en zone rurale, sont celles qui promeuvent la connexion du local au global, beaucoup plus que l’interconnexion au niveau du local. Notre proposition est que les TIC ne seront adéquates au développement rural que si elles se relient au milieu rural et résolvent des problèmes concrets des habitants ruraux, parmi lesquels- se trouve le problème de la communication locale. C’est cette approche qui nous a conduit à construire un modèle d’infocentre original, à partir de l’expérience du projet InfoDes — Infocentre pour le Développement — à Cajamarca.

Nous avons appris qu’il ne suffisait pas de livrer pro-activement de l’information mais qu’il fallait générer des processus individuels et collectifs qui permettent d’accéder à la pratique et de valider ce qui est nouveau en termes d’informations reçues, puis de le convertir en apprentissage. Un élément important est celui des relations sociales et de leur rôle dans le processus de transfert de l’information, qui donne une valeur significative aux données, à l’information brute, en renforçant les processus d’apprentissage. La famille, les parents et les amis sont des éléments clés dans cette stratégie efficace d’information et de communication.

L’infocentre se consolide alors comme l’espace dynamisant le local. « Il ne s’agit pas seulement de mettre les données existantes à la disposition d’une collectivité, mais de traiter les données pour les convertir en information véritable. D’un autre côté, la formation ne peut rester prisonnière de la notion d’un aller simple depuis les sources de celle-ci vers les usagers mais elle doit se transformer en communication en rencontrant le savoir local et en « dénouant » celui-ci en vue de constituer un aller et retour qui renforce le circuit de dialogue des savoirs » (5).

Mais au-delà, pour fermer réellement le cercle, le circuit d’apprentissage, il faut travailler avec la communauté sur sa capacité d’appropriation des données et de l’information qui circule bien au-delà de la technologie informatique elle-même.

De l’Infocentre au SIRU. L’historique du nouveau chemin

Du travail avec les infocentres a surgi la nécessité de rechercher de quelle manière nous pouvions lancer un pont qui rapprocherait la l’information de la population rurale, mais en même temps mettrait à jour et récupérerait son savoir, sa tradition et prendrait en compte la manière dont, pendant des décennies, l’habitat rural a consommé et utilisé l’information. Nous nous sommes engagés dans ce nouveau chemin à partir du projet InfoDes, puis de celui des radios rurales, du projet de téléphonie rurale, pour maintenant achever de consolider le projet SIRU - Système d’Information Rurale et Urbaine. Nous décrivons ci-dessous l’ensemble de ce processus.

InfoDes

Comment rapprocher la demande d’information en zone rurale de l’offre existante dans les zones urbaines ? Le réseau Internet et les TIC peuvent-elles être utiles dans ce processus ? Pour répondre à ces questions, ITDG a conçu en 1997 le projet InfoDes.

Dans ce projet ont été créés plusieurs service d’information comme "Le Pregunton" , un système de questions et réponses qui passent par le canal du promoteur du centre d’information (installé sur le lieu de travail). Les paysans qui souhaitent une information sur un sujet donné posent leurs questions au centre d’information ; ensuite, au cours d’une visite des techniciens du projet, des réponses leur sont données sous des formes variées : des pages Web, des livres, des vidéos, des brochures, etc.. Ce n’était pas un système rapide mais il était assez simple.

Un autre moyen utilisé fut l’audiovisuel sous forme de projections auxquelles était convié beaucoup de monde d’une même localité, à l’air libre, traitant des thèmes sur lesquels les paysans s’étaient interrogés. Ceci conduisait à des discussions.

Avec InfoDes fut conçue également une base de données qui servit à stocker l’information technique générée par ce système de rencontres et de discussions. Pendant le déroulement du projet nous nous sommes rendu compte qu’il était nécessaire d’approfondir les recherches sur différents points : le rôle des médias traditionnels, les mécanismes locaux pour générer de la connaissance, les modèles de gestion soutenables qui assureront la mise à disposition d’informations et de services locaux de communication au-delà de la durée du projet. C’est ainsi que nous avons mené des recherches et une conception de projet qui ont complété et développé la portée d’Infodes.

Radio, télé-centre et téléphonie rurale

Un des projets complémentaires à celui d’InfoDes fut le projet Chilala Radio Rurales mis dans lequel furent installés trois émetteurs dans les localités de la région de Cajamarca, Asuncion, Chanta Alta, et Huanico. Ce projet reçu un financement du Département du Royaume-Uni pour le Développement International.

Ce projet proposa de développer un modèle soutenable d’entreprise de radio rurale destinée à renforcer le savoir local et à réduire l’isolement des paysans Le projet Radios Rurales utilisa un moyen de masse qui fut identifié comme le plus utilisé par les paysans ruraux et qui permit ainsi de diffuser l’information générée par le système à un territoire beaucoup plus important.

Un autre de projet fut celui du Télécentre InfoDes, qui offre actuellement un accès à Internet à la population de la ville de Cajamarca, mais il s’est aussi constitué en centre d’expérimentation et de formation aux TIC. Actuellement le télécentre coordonne une initiative de la Banque Mondiale appelé "Voces Nuevas" et de plus constitue le bureau virtuel de l’OSIPTEL, -organisme superviseur de l’investissement privé en télécommunications- dans cette ville.

Finalement afin de pouvoir se connecter à Internet dans les localités de Chanta Alta, Combayo, Huanico, Lacanora, La Encanada, et Puruay Alto, fut préparé un projet pilote de téléphonie rurale financé par le OSIPTEL/FITEL, dans le cadre du programme appelé désormais « En connectant les Andes ».

Il n’y a pas eu dans InfoDes de développement particulier d’un modèle de gestion pour les infocentres situés dans des localités rurales ; ceci fut fait dans le projet de téléphonie rurale.

De la même manière, nous avons commencé à travailler non comme des promoteurs mettant en forme l’information de manière volontariste, mais comme des micro-entrepreneurs locaux qui administraient les infocentres et recevaient un appointement pour cela. De cette manière les infocentres sont actuellement des points d’accès à l’information et la communication à travers divers médias et divers formats.

Un Infocentre compte au minimum un ordinateur connecté à Internet et un téléphone public, en plus d’une imprimante d’un scanner et d’une webcam. Cependant la partie technologique n’est pas la plus importante car c’est un lieu de rencontre de la communauté où les personnes se rendent pour s’informer, communiquer entre elles, enseigner et apprendre. Un des résultats les plus importants de ce projet fut la participation et le renforcement des jeunes de la localité qui ont acquis les habiletés nécessaires pour gérer un infocentre. Cette dernière spécialité s’acquiert dans un programme de formation conçue spécialement pour les habitants ruraux qui fut impulsé depuis le télécentre InfoDes.

Système d’Information Rural Urbain

Le projet SIRU est une initiative originale qui propose des nouveaux canaux d’échange d’information entre organismes de développement, infocentres, producteurs agricoles, petites entreprises et pouvoirs publics locaux.

Cette initiative inter-institutionnelle tente de contribuer à améliorer la capacité de prise de décisions des habitants de la campagne et de la ville, l’infocentre étant conçu comme générateur d’information et comme axe de communication entre la ville et le monde rural.

Dans le milieu rural les petits producteurs, entrepreneurs et responsables publics locaux ont besoin d’information pour ne pas oublier les éléments nécessaires aux décisions en matière sociale et économique. Actuellement, l’accès à cette information est conditionné par les compétences locales pour se l’approprier. Faire face à cette limite est le principal défi que rencontre ce projet. Il n’existe pas une demande explicite d’information mais cependant il y a de nombreux clients potentiels. Ce qu’on essaye à travers le système proposé est d’expliciter la demande potentielle. Les systèmes d’information de beaucoup d’institutions de développement sont très différents dans leur manière de rassembler les données et de les traiter et très peu d’organismes construisent une information systématisée. Les limites que le projet SIRU a identifiées ont été les suivantes :
-  il n’existe pas de stratégie claire de diffusion de l’information. Très peu des systèmes d’information font appel à des relations inter-institutionnelle pour partager l’information et donc obtenir une meilleure couverture.
-  il n’y a pas de stratégie pour donner de la valeur d’usage à l’information qui permettrait d’engager des processus de durabilité des systèmes d’information. Le type d’usage ou de demandes d’information du secteur rural et urbain est imprécis. Ceci conduit à ce que la majeure partie des systèmes d’information produise de l’information technique pour leur seul usage interne.

Il est nécessaire de créer un espace interinstitutionnel dans lequel on recueille, on traite, on reformate puis on diffuse l’information. C’est pour cela que nous nous sommes associés avec cinq institutions de développement à Cajamarca. De cette manière l’information arrive de manière efficace aux usagers urbains et ruraux. Ce centre a aussi pour but de traduire et de reformater l’information pour le milieu rural, et aussi de valider à la campagne l’information qui a été ainsi traitée.

Considérant tout ce qui vient d’être dit, le SIRU se fixe les objectifs suivants :
-  consolider un réseau de fournisseurs d’informations économiques et agricoles dans le département de Cajamarca, réseau articulé à travers un centre de traitement de l’information.
-  développer les compétences de onze infocentres, en vue de copier, produire et diffuser l’information et les capacités des bénéficiaires pour mieux faire usage de cette dernière.
-  produire suffisamment d’informations pertinentes qui répondent aux nécessités locales et qui, utilisant les moyens et les formats adéquats, ont un impact sur l’activité économique d’au moins onze localités.

Après une année qu’est-ce qui a été obtenu ?

-  des dynamiques locales d’information ont été lancées avec la participation d’acteurs clés de la population et sous le leadership de l’administrateur de chaque info centre.
-  les infocentres ont renforcé le niveau institutionnel local facilitant l’organisation et la résolution des conflits.
-  les administrateurs des infocentres ont créé un "réseau d’infocentres de Cajamarca", qui a permis de modifier leur rôle dans le projet et leur a permis d’avoir un niveau d’organisation meilleure et d’affirmer l’existence d’un vrai réseau de distribution d’informations au niveau local.
-  au moins deux membres du réseau ont pu répondre à des demandes spécifiques de production d’informations durant l’année 2004.
-  les infocentres de Llacanora et d’Encanada ont chacun participé à une rencontre de concertation et de lutte contre la pauvreté, prenant ainsi leur part dans le soutien institutionnel que chaque info- centre doit fournir ainsi, et aussi leur part dans la faisabilité sociale sur la longue durée.
-  trois nouveaux districts au moins de Cajamarca ont fait une demande de participer au SIRU et de recevoir des conseils pour la création de nouveaux info-centres.

Le projet InfoDes nous donne seulement quelques pistes pour poursuivre la recherche sur la théorie de l’information et sur la pratique des organisations de développement. Maintenant le SIRU nous pose les plus grands défis, à savoir de mener une action du bas vers le haut. C’est seulement quand elle peut prendre sens que la formation se propage et se convertit en connaissance ; lorsqu’elle est utile et qu’elle peut atteindre la pratique. C’est le principe qui a été développé dans le présent document. On tentera de le reproduire et de l’enrichir dans les nouveaux projets du programme de nouvelles technologies à ITDG.

Futurs défis : rapprocher les TIC et les pauvres

L’application du nouveau modèle aux systèmes d’information rurale est en cours de consolidation comme on l’a vu longuement dans cette session. Cependant rapprocher les technologies vers les plus pauvres est beaucoup plus que l’implémentation de systèmes d’information. Nous sommes confrontés à répondre à de nouveaux défis.

Ces défis doivent être abordés de manière collective créative et en respectant les principes du modèle décrit dans la première section du présent article. Pour finir, nous faisons la liste de quelques uns des thèmes sur lesquels nous travaillons et qui nous aiderons à mieux documenter comment les TIC peuvent être des outils efficaces pour lutter contre la pauvreté, éliminer les inégalités sociales et à assurer un développement soutenable, avec la participation de tous, démocratiques :

-  des technologies d’information et de communication qui consomment peu d’énergie
-  des technologies d’information et de communication pour les handicapés
-  de nouveaux modèles de gestion pour les télécommunications rurales
-  des nouveaux modèles de gestion des télécommunications en zone rurale et périurbaine
-  l’usage de logiciels libres pour l’échange d’informations.

Miguel Saravia membre de CIP-Condesan
 
Source:IRD

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