Tous ceux qui ont goûté au thiof peuvent le confirmer : le poisson joue un rôle central dans l’héritage économique et culturel du Sénégal. Le secteur de la pêche n’a cependant pas encore atteint son plein potentiel. En conséquence de quoi toute une série d’initiatives sont en cours dans le pays d’Afrique de l’Ouest avec pour objectif d’améliorer la gouvernance et d’adopter des pratiques durables encourageant la croissance de l’industrie de la pêche, notamment par la collaboration avec des bailleurs de fond.
Le Ministre de l’Economie maritime a annoncé le 19 octobre le lancement d’un projet en partenariat avec l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) qui prévoit des investissements à hauteur de 5,5 milliards de francs CFA (8,36 millions d’euros) entre 2011 et 2016. Le projet de Gestion Concertée pour une Pêche Durable Future au Sénégal (COMFISH), par le biais de financements nécessaires au développement de cette industrie clé, apportera son soutien au gouvernement et l’aidera à réaliser ses objectifs.
Le Sénégal a, par le passé, attiré d’importants investissements directs étrangers dans les secteurs du tourisme, des télécommunications et des travaux publics mais ceux-ci sont beaucoup plus rares quant il s’agit de projets de développement industriel. La Stratégie de Croissance Accélérée (SCA) du Sénégal a toutefois identifié les principales industries du pays, y compris l’agriculture et la pêche, comme des secteurs porteurs qui pourraient stimuler la croissance économique et l’amener à dépasser les 7% dans les cinq prochaines années.
Le secteur de la pêche sénégalais enregistre une bonne performance. En glissement annuel, les exportations de poisson ont connu une hausse de 39,5%, passant de 9,03 milliards de francs CFA (13,7 millions d’euros) en mars 2009 à 12,59 milliards de francs CFA (19,14 millions d’euros) en mars 2010. L’écosystème riche du Sénégal abrite 1060 espèces de poissons, soit l’une des plus fortes concentrations en ressources halieutiques au monde.
Le secteur joue un rôle critique dans la sécurité alimentaire du pays et dans le développement économique de celui-ci. Le secteur de la pêche, qui comprend la pêche artisanale et la pêche industrielle, génère environ 600000 emplois directs et indirects, soit 17% de la population active. Il produit en moyenne 300000 tonnes de protéines de haute qualité par an, ce qui représente 47% des besoins totaux de la population sénégalaise en protéine et 70% des besoins en protéine animale.
Les potentialités du secteur se voient toutefois limitées par une gouvernance insuffisante et une augmentation de la surpêche, ce qui représente une menace non seulement pour les recettes et l’emploi mais aussi pour l’alimentation, le poisson étant une importante source de protéine. La sécurité alimentaire est un problème majeur au Sénégal, où selon les estimations 20% des familles seraient en situation de vulnérabilité alimentaire.
L’objectif du programme USAID/COMFISH est de soutenir les efforts du gouvernement en matière de réforme du secteur de la pêche en renforçant la gouvernance et en adoptant un modèle d’exploitation plus durable des ressources marines. Concrètement, COMFISH va œuvrer à l’amélioration de la gestion des pêcheries et à la mise en place d’un système de gestion concertée qui implique les collectivités locales et les employés.
Depuis l’adoption en 1998 d’un Code de la Pêche Maritime, le gouvernement s’est attelé à la mise en place d’un réseau de Comités Locaux de Pêche et de Comités Locaux de Pêche Artisanale pour impliquer les professionnels du secteur, à l’échelle locale, dans le développement de la réglementation de la pêche. Mais la formation de ces comités a été lente et COMFISH veut raviver le réseau au cours de la première année du projet. Les responsables de COMFISH espèrent que l’implication des collectivités locales dans les efforts d’adoption de pratiques plus durables permettra de mettre un terme à la surexploitation des ressources du Sénégal d’ici 20 à 30 ans.
USAID/COMFISH va évaluer, localement, la vulnérabilité aux effets du changement climatique et développer des projets de renforcement des capacités en réponse à ce problème. Un des objectifs du programme est également de venir à bout de l’un des principaux obstacles au développement durable du secteur – l’absence de mécanisme d’évaluation du niveau des ressources halieutiques. Des études seront réalisées dans le cadre du projet afin d’obtenir des informations détaillées sur les fluctuations de la taille des stocks qui permettront de prendre des décisions plus éclairées en ce qui concerne l’élaboration des politiques et des régulations. Seront particulièrement concernées les zones de pêche clés : Thiès (Kayar et Mbour), Dakar, Kaolack et la Casamance (Kolda, Sédhiou et Ziguinchor).
Pour faire face à la diminution des stocks de nombreuses espèces, les autorités sénégalaises envisagent de plus en plus le recours à l’aquaculture comme une alternative à la pêche. D’après les estimations 2011 d’OBG, l’aquaculture contribue déjà à hauteur de 19% au total de la production agricole mais possède un potentiel important et pourrait produire beaucoup plus. Lors d’une visite dans la zone Nord du pays, une délégation d’officiels du gouvernement sénégalais et de la Grappe Produits de la mer et Aquaculture de la SCA a reconnu le fort potentiel de croissance de l’industrie aquacole.
La SCA espère que la production aquacole annuelle atteindra les 35000 tonnes d’ici 2015, grâce surtout à des espèces adaptées à l’environnement local telles que le tilapia, le silure et les huîtres. D’après les estimations de la SCA, en développant l’industrie aquacole, tout en améliorant les méthodes de réduction des prises accessoires et des rejets et en encourageant la pêche artisanale, les recettes des ressources halieutiques devraient atteindre 100 milliards de francs CFA (152 millions d’euros) par an, ce qui donnerait un nouvel élan à cet important secteur.
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