Erigée en région depuis la loi du 2 février 2008, l’ancien département de Kaffrine, de la région de Kaolack, entame aujourd’hui une nouvelle étape dans son développement économique et social. Pourra-t-il vivre par lui-même, quelles opportunités lui ouvrent ce nouveau statut ? Les interrogations de la jeunesse sont fortes également dans cette terre riche d’histoire. Une équipe de reporters du « Soleil » est allée sur place pour faire le tour de toutes ces interrogations.
a route est cahoteuse à souhait et notre chauffeur est obligé de se livrer à un véritable gymkhana entre les nids de poule. La chaleur est torride et chaudement vêtus en quittant Dakar, nous commençons à transpirer à grosses gouttes. Au-dessus des buissons, l’air flamboie. Sous l’ombre rafraichissante des « kadds » (acacia albida), des caprins ruminent tranquillement, à l’abri du soleil de plomb qui brûle la végétation.. Les villages défilent : Maka Kahone, Farabougoum, Ngathie Naoudé. Tout au long de la route, sur les côtés, sont empilés des sacs de sel, l’or blanc de l’économie locale. Au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans l’ancienne province de Ndoucoumane, la végétation devient arbustive, buissonneuse laissant deviner son potentiel cynégétique. Des charrettes à âne lourdement chargées de paille nous renseignent que les paysans sont encore dans la période de fenaison. Nous sommes à plus d’une trentaine de kilomètres de Kaffrine et les tronçons où la route est praticable, permettent au chauffeur d’appuyer sur le champignon.
Mais à partir de Birkelane, les visages se dérident car la route devient un long ruban noir lisse sur lequel glisse le véhicule comme sur un coussin d’air. Des ouvriers travaillent à la réhabilitation de la route, bouchent les trous avec du goudron et une concasseuse. En traversant le village de Nawel, nous n’avons pu nous empêcher d’avoir une pensée pieuse pour l’ancien vice-président de l’Assemblée nationale, feu le député Abdoulatif Guèye, mort en mai dernier à cet endroit.
Les feux de brousse ont déjà léché une bonne partie de l’herbe, rappelant ainsi l’acuité de la sensibilisation des populations contre ce fléau.
Polluée et surpeuplée
Nous voici à l’entrée de Kaffrine où les travaux effectués, sur la Route nationale n°1, nous obligent à faire un long détour pour entrer dans la ville. Conséquence du nouveau statut de capitale régionale ou pas, nous sommes frappés par le nombre de maisons en construction. Aéré, large, l’espace urbain est totalement à l’opposé de Dakar, polluée et surpeuplée.
Mais à l’image de Kaolack, les vélos-taxis font déjà partie du paysage de la commune. Pour 200 francs, on peut se faire déposer à n’importe quel endroit de la ville. Premier poumon du Bassin arachidier, Kaffrine n’est plus aujourd’hui irriguée par les retombées de cette culture de rente qui, dans le passé, à pareille époque, faisait flotter un air de fête sur la ville.
Sans aucune unité industrielle dans la commune et la région du même nom, Kaffrine était en fait l’hinterland de Kaolack. Les jeunes que nous avons interrogés s’apitoient généralement sur leur sort voué au chômage et à l’inaction. Quelques-uns d’entre eux, nous renseigne-t-on, ont pris les chemins de l’émigration en embarquant dans les pirogues.
Ablaye Guèye lui a préféré être conducteur de moto-taxi. A longueur de journée juché sur sa monture, il attend les clients. C’est un job qui marche un peu à défaut de mieux, se plaint-il. « Je dois verser 2.000 francs par jour au propriétaire et au maximum je n’obtiens pas plus de 3.000 francs de recette journalière.
Son collègue Talla Kébé acquiesce et ajoute : « nous aimerions avoir accès au crédit car nous avons appris qu’il y a des fonds pour cela ». La ville ne connaît pas encore les taxis jaune-noir et en dehors de motos-taxis, la plupart des jeunes qui ont choisi de rester sur place choisissent la maçonnerie, un métier harassant et qui ne rapporte pas beaucoup, selon notre interlocuteur. Quelques-uns ont choisi les chemins de l’émigration en embarquant dans les pirogues. Selon Cheikh Ndigueul Ndiaye et Saliou Cissé, l’existence de la région de Kaffrine ne doit pas être une chose qui n’existe que sur le papier, mais doit aussi offrir de nouvelles opportunités aux jeunes. Mais pour l’instant, notent-ils avec une pointe de mièvrerie, seuls quelques-uns sont recrutés sur les chantiers routiers.
Plus cinglante encore, Coumba Diallo, élève au collège ajoute : « il n’y a rien dans cette ville qui puisse y retenir les jeunes et ils sont massivement frappés par le chômage ». Pourtant l’animation de la gare routière semble loin de la situation tristounette décrite par les jeunes. Ici on s’interpelle, au milieu des éclats de rire et des étals des marchandes. « Notre gare routière est animée et organisée grâce au président de l’association des chauffeurs Oumar Balla Sagnane et on s’en tire mieux que par le passé », indique Banou Diop, un rabatteur.
Ce que confirme le vieux Babou Sall doyen des chauffeurs de la gare routière. « La régionalisation, note-t-il avec satisfaction, commence à imprimer des changements. Lorsqu’il s’est agi de fixer les nouveaux tarifs du transport, nous n’avons pas eu besoin d’aller jusqu’à Kaolack. Nous avons directement discuté avec le gouverneur Bodian et il en a été de même avec la municipalité pour l’éclairage de la gare routière », ajoute-t-il.
Au marché, véritable caravansérail, avec un méli-mélo incroyable, le tailleur Bassirou Borane pédale sagement sur sa vieille machine à coudre dans son atelier entouré de ses apprentis. « J’aimerais bien moderniser mon équipement, mais je n’ai pas accès au crédit. Si la régionalisation pouvait le faciliter, eh bien tant mieux ».
En face, dans sa boutique de produits cosmétiques, Modou Lô attend sans beaucoup d’espoir les coquettes. « En l’absence de traite arachidière, il n’y a pas d’argent dans les campagnes » . Et son diagnostic est radical : il faut une meilleure politique de jeunesse.
Le Soleil
a route est cahoteuse à souhait et notre chauffeur est obligé de se livrer à un véritable gymkhana entre les nids de poule. La chaleur est torride et chaudement vêtus en quittant Dakar, nous commençons à transpirer à grosses gouttes. Au-dessus des buissons, l’air flamboie. Sous l’ombre rafraichissante des « kadds » (acacia albida), des caprins ruminent tranquillement, à l’abri du soleil de plomb qui brûle la végétation.. Les villages défilent : Maka Kahone, Farabougoum, Ngathie Naoudé. Tout au long de la route, sur les côtés, sont empilés des sacs de sel, l’or blanc de l’économie locale. Au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans l’ancienne province de Ndoucoumane, la végétation devient arbustive, buissonneuse laissant deviner son potentiel cynégétique. Des charrettes à âne lourdement chargées de paille nous renseignent que les paysans sont encore dans la période de fenaison. Nous sommes à plus d’une trentaine de kilomètres de Kaffrine et les tronçons où la route est praticable, permettent au chauffeur d’appuyer sur le champignon.
Mais à partir de Birkelane, les visages se dérident car la route devient un long ruban noir lisse sur lequel glisse le véhicule comme sur un coussin d’air. Des ouvriers travaillent à la réhabilitation de la route, bouchent les trous avec du goudron et une concasseuse. En traversant le village de Nawel, nous n’avons pu nous empêcher d’avoir une pensée pieuse pour l’ancien vice-président de l’Assemblée nationale, feu le député Abdoulatif Guèye, mort en mai dernier à cet endroit.
Les feux de brousse ont déjà léché une bonne partie de l’herbe, rappelant ainsi l’acuité de la sensibilisation des populations contre ce fléau.
Polluée et surpeuplée
Nous voici à l’entrée de Kaffrine où les travaux effectués, sur la Route nationale n°1, nous obligent à faire un long détour pour entrer dans la ville. Conséquence du nouveau statut de capitale régionale ou pas, nous sommes frappés par le nombre de maisons en construction. Aéré, large, l’espace urbain est totalement à l’opposé de Dakar, polluée et surpeuplée.
Mais à l’image de Kaolack, les vélos-taxis font déjà partie du paysage de la commune. Pour 200 francs, on peut se faire déposer à n’importe quel endroit de la ville. Premier poumon du Bassin arachidier, Kaffrine n’est plus aujourd’hui irriguée par les retombées de cette culture de rente qui, dans le passé, à pareille époque, faisait flotter un air de fête sur la ville.
Sans aucune unité industrielle dans la commune et la région du même nom, Kaffrine était en fait l’hinterland de Kaolack. Les jeunes que nous avons interrogés s’apitoient généralement sur leur sort voué au chômage et à l’inaction. Quelques-uns d’entre eux, nous renseigne-t-on, ont pris les chemins de l’émigration en embarquant dans les pirogues.
Ablaye Guèye lui a préféré être conducteur de moto-taxi. A longueur de journée juché sur sa monture, il attend les clients. C’est un job qui marche un peu à défaut de mieux, se plaint-il. « Je dois verser 2.000 francs par jour au propriétaire et au maximum je n’obtiens pas plus de 3.000 francs de recette journalière.
Son collègue Talla Kébé acquiesce et ajoute : « nous aimerions avoir accès au crédit car nous avons appris qu’il y a des fonds pour cela ». La ville ne connaît pas encore les taxis jaune-noir et en dehors de motos-taxis, la plupart des jeunes qui ont choisi de rester sur place choisissent la maçonnerie, un métier harassant et qui ne rapporte pas beaucoup, selon notre interlocuteur. Quelques-uns ont choisi les chemins de l’émigration en embarquant dans les pirogues. Selon Cheikh Ndigueul Ndiaye et Saliou Cissé, l’existence de la région de Kaffrine ne doit pas être une chose qui n’existe que sur le papier, mais doit aussi offrir de nouvelles opportunités aux jeunes. Mais pour l’instant, notent-ils avec une pointe de mièvrerie, seuls quelques-uns sont recrutés sur les chantiers routiers.
Plus cinglante encore, Coumba Diallo, élève au collège ajoute : « il n’y a rien dans cette ville qui puisse y retenir les jeunes et ils sont massivement frappés par le chômage ». Pourtant l’animation de la gare routière semble loin de la situation tristounette décrite par les jeunes. Ici on s’interpelle, au milieu des éclats de rire et des étals des marchandes. « Notre gare routière est animée et organisée grâce au président de l’association des chauffeurs Oumar Balla Sagnane et on s’en tire mieux que par le passé », indique Banou Diop, un rabatteur.
Ce que confirme le vieux Babou Sall doyen des chauffeurs de la gare routière. « La régionalisation, note-t-il avec satisfaction, commence à imprimer des changements. Lorsqu’il s’est agi de fixer les nouveaux tarifs du transport, nous n’avons pas eu besoin d’aller jusqu’à Kaolack. Nous avons directement discuté avec le gouverneur Bodian et il en a été de même avec la municipalité pour l’éclairage de la gare routière », ajoute-t-il.
Au marché, véritable caravansérail, avec un méli-mélo incroyable, le tailleur Bassirou Borane pédale sagement sur sa vieille machine à coudre dans son atelier entouré de ses apprentis. « J’aimerais bien moderniser mon équipement, mais je n’ai pas accès au crédit. Si la régionalisation pouvait le faciliter, eh bien tant mieux ».
En face, dans sa boutique de produits cosmétiques, Modou Lô attend sans beaucoup d’espoir les coquettes. « En l’absence de traite arachidière, il n’y a pas d’argent dans les campagnes » . Et son diagnostic est radical : il faut une meilleure politique de jeunesse.
Le Soleil