Mobilisation des populations locales, partenariat technique avec une structure engagée sur le terrain, implication de l’administration et soutien financier. Voilà le quarté gagnant pour la réussite d’un projet de social-green business en Afrique d’après Bernard Giraud, directeur développement durable du groupe Danone.
C’est sur l’aspect financier que Danone intervient en Afrique. Mais pourquoi ?, pourrait-on se demander. Dans le cadre de sa stratégie de responsabilité sociétale, la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) est un indicateur très important. Les émissions de Danone représentent 7 millions de tonnes de CO2 (responsabilité directe), et 16 millions si l’on intègre l’agriculture. L’entreprise vise une réduction d’au moins 30% de ses émissions de CO2 entre 2008 et 2012. Dans une démarche volontaire de réduction et de neutralité carbone (notamment pour la marque Evian), le Fonds Danone pour la nature a été créé pour la compensation carbone liée aux activités du groupe après réduction des émissions de GES compressibles. C’est quasiment tout le management de l’entreprise qui est mobilisé : « 30% de la rémunération variable des cadres dirigeants du groupe (1500 membres du comité de direction du groupe et l’ensemble de ses filiales dans le monde)sont indexés sur cet objectif de réduction de l’impact carbone », précise monsieur Giraud.
Convention de Ramsar
C’est donc pour compenser son bilan carbone que Danone, qui est partenaire de la Convention de Ramsar (pour la protection des zones humides) depuis 12 ans, s’est tourné vers le Sénégal. Il fallait trouver un partenaire local reconnu, ambitieux et déjà actif sur le terrain. Lors de la rencontre avec l’ONG environnementale Océanium, elle avait déjà planté 6 millions de palétuviers et voulait faire de grands projets, mais n’avait pas de moyens financiers. D’où l’intérêt pour le fonds carbone, dont la particularité est de préfinancer les projets, contrairement à d’autres fonds qui interviennent après la réalisation. Grâce à cette collaboration entre la multinationale et l’ONG sénégalaise, 36 millions de palétuviers ont été plantés sur 1880 ha en 2009. L’année dernière, Océanium a planté 62 millions de palétuviers et dépassé 5000 ha. En 2009, il y avait 320 villages impliqués dans ce programme de boisement/reboisement, contre 450 l’année dernière, essentiellement en Casamance et dans le Sine Saloum. Ce sont les deux grands fleuves du pays, en plus du fleuve Sénégal. Précisons que les palétuviers poussent dans les mangroves, qui jouent un rôle capital pour la reproduction des poissons, ainsi que pour la protection des côtes et des terres agricoles.
Au quotidien, les villageois cueillent (en pirogue ou à pied) les propagules (semences des palétuviers) et les transportent dans les villages pour la plantation. Ils décident également du lieu de plantation. La participation du groupe n’est pas philanthropique. Danone finance ce projet car il lui permet progressivement d’obtenir des crédits carbone. L’entreprise a déposé auprès de l’autorité nationale désignée du Sénégal un projet MDP (Mécanisme de développement propre) sur le principe de la méthode mangrove. Elle développe également, en partenariat avec la Convention Ramsar et l’Union internationale pour la conservation de la nature, une méthodologie mangrove large scale qui a été présentée à Cancún en décembre dernier lors de la COP 16 sur le changement climatique. Tout ceci représente un budget important pour la société.
100 millions de palétuviers
D’après M. Giraud, « Danone a investi en deux ans (plantation + coût de la méthodologie MDP) près de 2,5 millions d’euros pour les 100 millions de palétuviers ». Ce dernier, qui revenait d’une mission à Dakar avant notre rencontre, précise également que le groupe discute d’un protocole d’accord avec le Ministère sénégalais de l’environnement pour assurer le monitoring (suivi) du projet en partenariat avec Océanium, les villages et l’Etat. Le projet fait des émules. En 2010, Danone a été rejoint par Voyageurs du Monde, qui a créé un fonds de compensation carbone pour les voyageurs. Par ailleurs, le bénéfice carbone n’est envisageable que dans la durée et pour un territoire immense. Réalisation de gros projets à grande échelle grâce à un partenariat avec un intégrateur ; telle est la recommandation de M. Giraud pour les investisseurs carbone. En 2009, la plantation de 1880 ha a permis la compensation sur dix ans de près de 150 000 tonnes de carbone du groupe Danone. En plus de cet aspect purement environnemental, l’entreprise porte une attention particulière aux activités sociales et économiques.
Le groupe Danone souhaite s’impliquer dans la restauration du système alimentaire. Il se concentre sur les projets de séquestration du carbone tout en garantissant la base vivrière des populations. Danone peut apporter un appui technique pour l’accès au marché, la valorisation et la commercialisation. Ainsi les poissons produits dans la mangrove seront valorisés grâce au soutien apporté par Danone pour la commercialisation, le marketing, etc. Pourquoi ne pas faire un projet de compensation carbone en améliorant la sécurité alimentaire ?, s’interroge M. Giraud, dont l’ambition est d’occuper ce créneau. A partir de la réussite des expériences sénégalaises et indiennes, il y a une réelle volonté d’amplification du mouvement. Danone regarde actuellement d’autres projets en Afrique et ailleurs. La création d’un fonds entre Danone et d’autres entreprises pour accompagner cette démarche est imminente. Le champ d’action sera élargi (petite énergie rurale, amélioration des sols, mangrove, etc.) pour faire le lien entre green et social business. Sur ce dernier point, le groupe est déjà actif au Sénégal. Grâce à la SICAV (Société d’investissement à capital variable), Danone Communities, spécialisée sur le social business, soutient la Laiterie du Berger, dont l’usine est basée à Richard Toll, au nord du Sénégal. C’est une entreprise créée il y a quelques années par le jeune vétérinaire sénégalais Bagoré Bathily dont l’objectif est de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des Peuls en leur apportant des revenus fixes.
Thierry Téné, A2D Conseil
http://www.thierrytene.com/
Chronique parue dans l’hebdomadaire économique Les Afriques
N° 148 du 10 au 16 février 2011
C’est sur l’aspect financier que Danone intervient en Afrique. Mais pourquoi ?, pourrait-on se demander. Dans le cadre de sa stratégie de responsabilité sociétale, la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) est un indicateur très important. Les émissions de Danone représentent 7 millions de tonnes de CO2 (responsabilité directe), et 16 millions si l’on intègre l’agriculture. L’entreprise vise une réduction d’au moins 30% de ses émissions de CO2 entre 2008 et 2012. Dans une démarche volontaire de réduction et de neutralité carbone (notamment pour la marque Evian), le Fonds Danone pour la nature a été créé pour la compensation carbone liée aux activités du groupe après réduction des émissions de GES compressibles. C’est quasiment tout le management de l’entreprise qui est mobilisé : « 30% de la rémunération variable des cadres dirigeants du groupe (1500 membres du comité de direction du groupe et l’ensemble de ses filiales dans le monde)sont indexés sur cet objectif de réduction de l’impact carbone », précise monsieur Giraud.
Convention de Ramsar
C’est donc pour compenser son bilan carbone que Danone, qui est partenaire de la Convention de Ramsar (pour la protection des zones humides) depuis 12 ans, s’est tourné vers le Sénégal. Il fallait trouver un partenaire local reconnu, ambitieux et déjà actif sur le terrain. Lors de la rencontre avec l’ONG environnementale Océanium, elle avait déjà planté 6 millions de palétuviers et voulait faire de grands projets, mais n’avait pas de moyens financiers. D’où l’intérêt pour le fonds carbone, dont la particularité est de préfinancer les projets, contrairement à d’autres fonds qui interviennent après la réalisation. Grâce à cette collaboration entre la multinationale et l’ONG sénégalaise, 36 millions de palétuviers ont été plantés sur 1880 ha en 2009. L’année dernière, Océanium a planté 62 millions de palétuviers et dépassé 5000 ha. En 2009, il y avait 320 villages impliqués dans ce programme de boisement/reboisement, contre 450 l’année dernière, essentiellement en Casamance et dans le Sine Saloum. Ce sont les deux grands fleuves du pays, en plus du fleuve Sénégal. Précisons que les palétuviers poussent dans les mangroves, qui jouent un rôle capital pour la reproduction des poissons, ainsi que pour la protection des côtes et des terres agricoles.
Au quotidien, les villageois cueillent (en pirogue ou à pied) les propagules (semences des palétuviers) et les transportent dans les villages pour la plantation. Ils décident également du lieu de plantation. La participation du groupe n’est pas philanthropique. Danone finance ce projet car il lui permet progressivement d’obtenir des crédits carbone. L’entreprise a déposé auprès de l’autorité nationale désignée du Sénégal un projet MDP (Mécanisme de développement propre) sur le principe de la méthode mangrove. Elle développe également, en partenariat avec la Convention Ramsar et l’Union internationale pour la conservation de la nature, une méthodologie mangrove large scale qui a été présentée à Cancún en décembre dernier lors de la COP 16 sur le changement climatique. Tout ceci représente un budget important pour la société.
100 millions de palétuviers
D’après M. Giraud, « Danone a investi en deux ans (plantation + coût de la méthodologie MDP) près de 2,5 millions d’euros pour les 100 millions de palétuviers ». Ce dernier, qui revenait d’une mission à Dakar avant notre rencontre, précise également que le groupe discute d’un protocole d’accord avec le Ministère sénégalais de l’environnement pour assurer le monitoring (suivi) du projet en partenariat avec Océanium, les villages et l’Etat. Le projet fait des émules. En 2010, Danone a été rejoint par Voyageurs du Monde, qui a créé un fonds de compensation carbone pour les voyageurs. Par ailleurs, le bénéfice carbone n’est envisageable que dans la durée et pour un territoire immense. Réalisation de gros projets à grande échelle grâce à un partenariat avec un intégrateur ; telle est la recommandation de M. Giraud pour les investisseurs carbone. En 2009, la plantation de 1880 ha a permis la compensation sur dix ans de près de 150 000 tonnes de carbone du groupe Danone. En plus de cet aspect purement environnemental, l’entreprise porte une attention particulière aux activités sociales et économiques.
Le groupe Danone souhaite s’impliquer dans la restauration du système alimentaire. Il se concentre sur les projets de séquestration du carbone tout en garantissant la base vivrière des populations. Danone peut apporter un appui technique pour l’accès au marché, la valorisation et la commercialisation. Ainsi les poissons produits dans la mangrove seront valorisés grâce au soutien apporté par Danone pour la commercialisation, le marketing, etc. Pourquoi ne pas faire un projet de compensation carbone en améliorant la sécurité alimentaire ?, s’interroge M. Giraud, dont l’ambition est d’occuper ce créneau. A partir de la réussite des expériences sénégalaises et indiennes, il y a une réelle volonté d’amplification du mouvement. Danone regarde actuellement d’autres projets en Afrique et ailleurs. La création d’un fonds entre Danone et d’autres entreprises pour accompagner cette démarche est imminente. Le champ d’action sera élargi (petite énergie rurale, amélioration des sols, mangrove, etc.) pour faire le lien entre green et social business. Sur ce dernier point, le groupe est déjà actif au Sénégal. Grâce à la SICAV (Société d’investissement à capital variable), Danone Communities, spécialisée sur le social business, soutient la Laiterie du Berger, dont l’usine est basée à Richard Toll, au nord du Sénégal. C’est une entreprise créée il y a quelques années par le jeune vétérinaire sénégalais Bagoré Bathily dont l’objectif est de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des Peuls en leur apportant des revenus fixes.
Thierry Téné, A2D Conseil
http://www.thierrytene.com/
Chronique parue dans l’hebdomadaire économique Les Afriques
N° 148 du 10 au 16 février 2011