Le contexte économique actuel démontre avec force l’intérêt de promouvoir une économie responsable en Afrique. L’un des objectifs du forum international des pionniers de la responsabilité sociétale des entreprises en Afrique que l’Institut Afrique RSE organise du 8 au 10 novembre 2011 à Douala au Cameroun en partenariat avec l’une des principales organisations patronales d’Afrique Centrale le GICAM, est la co-construction par l’Afrique et pour l’Afrique du « Manifeste de Douala sur la RSE en Afrique ». L’autre temps fort sera la présentation des opportunités d’investissement au Cameroun et les rencontres d’affaires entre les entrepreneurs africains et étrangers. Plus d’informations sur : www.institut-afrique-rse.com
La crise en Occident offre l’occasion de braquer les projecteurs sur le continent africain. Dans l’hebdomadaire économique Les Afriques daté du 3 janvier 2010, Martin Abega, Secrétaire Exécutif du GICAM affirmait que « Ceux qui tardent à comprendre que l’Afrique est le continent où ils doivent désormais investir, se mordront les doigts quand ils réaliseront sur le tard leur méprise. » Difficile d’être plus clair. Face à la tempête financière et au yo-yo des bourses mondiales, dans une interview accordée à l'AFP et reprise par l’Agence Ecofin le 8 août dernier, le Président de la Banque Africain de Développement (BAD) Donald Kabureka est sur la même longueur et va même plus loin « L’Afrique est une destination de choix dans un contexte d’abaissement de la note de la dette des Etats Unis, d’une crise de la zone euro et d’une récession au Japon ».
L’Afrique face à la nouvelle phase « pessimiste » et « dangereuse » de l’économie mondiale
Dans un entretien publié ce samedi dans l’hebdomadaire australien Weekend Australian et repris par l’AFP, le Président de la Banque Mondiale, Robert Zoellick, tire un bilan assez pessimiste du futur de l'économie mondiale. Pour le patron de la Banque Mondiale, l'économie mondiale est entrée dans une « phase nouvelle et plus dangereuse », et ce n'est que le « début d'une tempête nouvelle et différente. Ce n'est pas la même crise qu'en 2008. Dans les quinze derniers jours, nous sommes passés d'une reprise difficile - avec une bonne croissance pour les pays émergents (...) mais bien plus hésitante pour les pays les plus développés - à une phase nouvelle et plus dangereuse ». Ce pessimiste occidental est à mettre en relief avec l’optimisme africain et surtout les chiffres plaident pour l’Afrique.
En effet, l’explosion de la démographie (1 milliard d’habitants avec une projection de 2 milliards d’habitants en 2050) et l’urbanisation (40 % des africains vivent en zones urbaines et 52 villes ont plus de 1 million d’habitants) sont les fondations d’une croissance économique durable entretenue également par la forte demande chinoise et des pays émergents en matière première. De plus, la forte concurrence commerciale entre les nations dans un contexte de redéfinition du nouvel ordre économique et géopolitique place dans une certaine mesure l’Afrique avec son milliard d’habitants, ses terres arables inexploitées, son poumon écologique, son coffre fort de minerais, ses réserves d’énergie fossile et son immense potentiel d’énergies renouvelables au cœur des enjeux mondiaux. La corrélation entre opportunités et menaces sont propices à l’émergence d’une économie responsable dans une Afrique qui pourrait servir de boussole pour la planète.
Nous devons également solliciter abondamment nos méninges pour définir les schémas directeurs qui façonneront l’économie africaine dans les prochaines décennies. Demain ne ressemblera aucunement à aujourd’hui mais demain se prépare maintenant.
La Crise, la Chine, l’Occident et l’Afrique
L’économie mondiale fait face à une nouvelle crise à cause de la baisse de la note de la dette américaine qui a immédiatement entraîne dans son sillage le dévissage des places boursières. La problématique socio-économique en Europe n’est plus conjoncturelle mais plutôt structurelles et il y a vraiment de quoi être inquiet. Croissance faible, taux d’endettement très élevé, hausse du chômage, vieillissement de la population et déficit commercial et budgétaire, tels sont les maux désormais courants. La crise actuelle servira de catalyseur pour la tectonique des plaques économiques. Elle va accélérer le déplacement du centre de gravité de la richesse de l’Occident vers l’Orient. Nous, africains, sommes condamner à faire preuve de beaucoup d’AUDACE pour orienter les boussoles de ce glissement vers le Sud. Même si la taille du gâteau de la richesse mondiale ne cesse de croître, l’auto-invitation des pays émergents (BRICS et Chine en tête) à l’appétit débordante, à la table des convives augmente les risques et accroît les tensions. Et pourtant comme le rappelait si bien Gandhi « il y a assez de ressources sur la planète pour répondre aux besoins de tous mais pas assez pour satisfaire le désir de possession de chacun ».
Pour l’instant c’est la Chine qui tire son épingle du jeu. Dans son interview à l’hebdomadaire australien Robert Zoellick analyse bien la situation « Au-delà des conséquences financières immédiates, cette crise allait provoquer des changements dans l'équilibre des pouvoirs dans le monde. Toute cette crise est en train de transférer très rapidement, du point de vue de l'histoire, le pouvoir économique de l'Occident vers la Chine, qui pourtant ne tient pas à ce rôle. Celle-ci a en effet ses propres soucis à gérer: éviter la surchauffe de son économie, mais aussi limiter la pollution, réformer son système fiscal et maintenir l'équilibre entre entreprises publiques et privées. Une dévaluation du yuan, a-t-il souligné, aiderait à modérer l'inflation, mais rendrait les produits étrangers moins chers sur le marché chinois, ce qui pose des problèmes politiques. »
Le moins qu’on puisse dire est que l’entrée fracassante de la Chine dans la recomposition économique mondiale perturbe les équilibres. Elle ne laisse pas aussi indifférente. Beaucoup moins modéré par rapport à la Chine, dans un point de vue très remarqué paru dans Le Monde daté du 8 août, l’économiste de Lazard frères gestion Antoine Brunet et président de AB Marchés prend acte de l’émergence de l’empire du milieu « la Chine manifeste une santé insolente : trente-troisième année d'affilée sans récession, une croissance du produit intérieur brut (PIB) à 10 % l'an depuis vingt ans, un chômage qui ne cesse de reculer, des réserves de change, qui, tout compté, dépassaient déjà 4 500 milliards de dollars (3 165 milliards d'euros) à la fin du mois de juin 2011...»
Le coauteur de La Visée hégémonique de la Chine (L'Harmattan, 2011) peut donc lancer sa charge « La Chine capitalise la stratégie qu'elle a amorcée en 1989, et elle se réjouit de nous (Occident, ndlr) avoir déstabilisés sur tous les plans : commercial, économique, social, financier, monétaire, technologique, militaire, diplomatique... Notre capitulation (de l’Occident, ndlr) face à elle aboutit maintenant à notre déstabilisation. Les politiques compensatoires successives ont échoué lamentablement et ont en réalité accentué gravement notre déstabilisation. Preuve est ainsi faite que le pacifisme monétaire face à la Chine est une impasse totale. Pour que la crise de 2007 ne devienne pas une nouvelle crise de 1929, il faut maintenant renverser le jeu. Il faut se mobiliser pour faire céder la Chine sur sa politique du yuan. Il suffit pour cela de préparer sérieusement et collectivement des représailles douanières à son encontre. » Avant de conclure « Faute d'une telle initiative, les pays occidentaux s'enfermeront rapidement dans une spirale de déclin économique et financier qui les amènera à se retrouver chacun durablement asservi à la Chine et au Parti communiste qui la dirige depuis 1949 ».
Il faut cependant relativiser la responsabilité de la Chine dans le déclin de l’Occident. Ce n’est quand même pas la faute des chinois plusieurs de pays occidentaux n’ont pas voté un budget à l’équilibre depuis près de 30 ans. Ces mêmes pays ont vécu largement au-dessus de leurs moyens pendant la dite période. Il est évident que cela ne pouvait pas durer ad vitam aeternam. Les barrières douanières proposées par M. Antoine Brunet trouveraient très vite leurs limites pour plusieurs raisons. Quid de l’OMC ? De plus, la Chine mettrait en place les mêmes représailles douanières. Or les entreprises occidentales ont besoin du marché chinois. Et paradoxalement, c’est le consommateur européen avec son faible pouvoir d’achat exigerait la levée de ses barrières douanières car il a besoin des produits chinois à très bas coût dans un contexte de rigueur budgétaire. La coopération avec la Chine présente des avantages et des inconvénients. Un Patron des patrons africains que nous avons récemment rencontré récemment à Paris a bien résumé la situation : « les chinois déversent en Afrique des produits de mauvaise qualité à faible coût qui répondent aux besoins des populations pauvres. Ceci est un véritable handicap pour notre industrialisation.» Ces biens de consommation ont une qualité meilleure en Occident, les populations sont relativement plus riches mais la problématique reste identique et on parle plutôt de désindustrialisation.
Selon les prévisions de la Standard Bank d’Afrique du Sud, premier établissement de crédit en Afrique, les investissements chinois en Afrique sont susceptibles d’augmenter de 70% par rapport à 2009 pour atteindre 50 milliards de dollars (USD) d’ici 2015, tandis que le commerce bilatéral entre la Chine et l’Afrique atteindrait 300 milliards de dollars d’ici cette même année.
En 2009, la Chine a dépassé les États-Unis et est devenue le principal partenaire commercial de l’Afrique. Par ailleurs, la part des échanges de l’Afrique avec les pays émergents a sensiblement augmenté au cours des dix dernières années, passant de 23 % à 39 %. Les cinq pays émergents partenaires de l’Afrique les plus importants sont dorénavant la Chine (38 %), l’Inde (14 %), la Corée (7,2 %), le Brésil (7,1 %) et la Turquie (6,5 %). De plus avec un fonds de développement Chine Afrique (FDCA) doté initialement de 1 milliard de dollars et qui devrait croître vers les 5 milliards dollars, la Chine est et sera un acteur majeur de l’économie africaine.
Qu’elle soit publique ou non, comme pour les autres pays, la Chine a une stratégie africaine clairement définie qu’on découvrira progressivement et sûrement trop tard pour agir rétrospectivement. Mais quelle est la stratégie africaine de la Chine ? Face à la probablement première économie mondiale, plusieurs questions mériteraient une analyse minutieuse et une position africaine. Dans le cadre d’une monnaie commune africaine, faut-il l’arrimer au yuan ? La Chine aura de plus en plus besoin du soutien de l’Afrique dans les instances internationales comme l’ONU. Que faut-il exiger en retour ? Avec son immense marché, ses ressources naturelles et son potentiel agricole, l’Afrique sera désormais au cœur de conflits d’intérêts entre la Chine, l’Occident et d’autres émergents comme l’Inde avec de probables répercussions militaires. Comment anticiper les risques, gérer les différends et défendre les intérêts du continent ? Le nouvel ordre économique mondial en cours de mutation place l’Afrique non pas à la périphérie mais au cœur des enjeux globaux. Il est illusoire et très risqué d’estimer que le rapport de force implique uniquement la Chine et l’Occident. Africains, le monde bouge et attend nos propositions…
L’Afrique, laboratoire de l’économie responsable pour l’Occident
Ironie de l’histoire, les pays occidentaux sont contraints d’appliquer les recettes qu’ils ont depuis des années par l’intermédiaire de la Banque Mondiale et du FMI imposées aux africains. Les politiques d’ajustement structurelles ont conditionné longtemps la vie sur le continent. Comme le rappelle la dernière édition des Perspectives Economiques en Afrique (PEA) publié par la BAD et l’OCDE « en tant que pays pauvre très endetté (PPTE), le Ghana doit également adopter une stratégie réaliste de gestion de sa dette afin d’éviter de sombrer dans le surendettement ». Dans le contexte actuel, c’est plutôt une recommandation à mettre urgemment en œuvre dans plusieurs pays de l’OCDE. Les PEA prédisent également pour cette année un taux de croissance de plus de 12 % pour le Ghana et de plus de 10 % pour l’Ethiopie. A l’instar de ces deux pays, après des années de rigueur budgétaire et de réformes économiques l’Afrique peut aujourd’hui afficher avec fierté sa croissance moyenne de plus de 5 % depuis 10 ans. La crise économique et financière de 2008 a permis de tester les fondamentaux de l’économie africaine. Alors que le monde plongeait dans la récession, l’Afrique affichait encore une croissance moyenne de 3,1 % en 2009.
Que les Grecs, Portugais et tous les pays occidentaux qui testent ou essayeront les recettes des institutions de Bretton Woods soient rassurés. L’Afrique peut affirmer qu’elles marchent. Mais avant le réconfort, les efforts à fournir feront couler beaucoup de sueurs, de larmes et même du sang. Après le programme pour les PPTE, espérons que le FMI et la Banque Mondiale vont bientôt lancer l’Initiative Pays Riches Très Endettés (PRTE) dont l’Afrique a déjà servi de laboratoire. Même dans le domaine social, l’Afrique inspire désormais l’Occident. Partie d’Afrique, l’indignation des jeunes a très vite gagnée la jeunesse européenne et le mouvement se poursuit d’ailleurs en ….Israël. La capacité des africains à insérer professionnellement des millions de jeunes sans emploi sera probablement un enjeu géopolitique majeur de ce siècle. On l’a bien vu avec les révoltes arables où les tensions sociales ont mis l’Europe en position très délicate pour gérer d’importants flux migratoires. Il n’est pas certain que ces phénomènes ne soient pas fréquents dans les prochaines années.
De l’avenir de l’Afrique dépendra probablement le destin de l’Europe aussi bien en terme de menaces comme nous venons l’indiquer mais aussi d’opportunités commerciales grâce à la proximité géographique. L’essor de l’Afrique stimule une demande exponentielle de biens et services. C’est autant d’opportunités pour les entrepreneurs et les investisseurs de l’autre rive de la méditerranée. Les révoltes arabes ont démontré qu’il est indispensable que les richesses soient mieux redistribuées et le changement climatique avec ses conséquences attendues sur les flux migratoires est l’épée de Damoclès qui rappelle l’importance de limiter la pression sur l’environnement. Faire rimer écologie avec économie, articuler social et écologie, mettre au même niveau de priorité économie et social, voilà l’immense et passionnant challenge qui nous attend. Sortons des chantiers battus et misons sur un continent qui sera ou PAS un futur géant économique. Investisseurs étrangers, entrepreneurs africains, cadres de la diaspora et décideurs politiques, il est inutile d’attendre car demain il sera trop tard.
C’est en période de crises, quand tout le monde doute des fondamentaux qui ont façonné depuis des décennies l’économie qu’il faut peser dans le débat international, définir des programmes politiques ambitieux et mobiliser les parties prenantes autour d’un projet novateur, mobilisateur et stratégique. Alors OSONS l’économie responsable en Afrique…
http://www.thierrytene.com
La crise en Occident offre l’occasion de braquer les projecteurs sur le continent africain. Dans l’hebdomadaire économique Les Afriques daté du 3 janvier 2010, Martin Abega, Secrétaire Exécutif du GICAM affirmait que « Ceux qui tardent à comprendre que l’Afrique est le continent où ils doivent désormais investir, se mordront les doigts quand ils réaliseront sur le tard leur méprise. » Difficile d’être plus clair. Face à la tempête financière et au yo-yo des bourses mondiales, dans une interview accordée à l'AFP et reprise par l’Agence Ecofin le 8 août dernier, le Président de la Banque Africain de Développement (BAD) Donald Kabureka est sur la même longueur et va même plus loin « L’Afrique est une destination de choix dans un contexte d’abaissement de la note de la dette des Etats Unis, d’une crise de la zone euro et d’une récession au Japon ».
L’Afrique face à la nouvelle phase « pessimiste » et « dangereuse » de l’économie mondiale
Dans un entretien publié ce samedi dans l’hebdomadaire australien Weekend Australian et repris par l’AFP, le Président de la Banque Mondiale, Robert Zoellick, tire un bilan assez pessimiste du futur de l'économie mondiale. Pour le patron de la Banque Mondiale, l'économie mondiale est entrée dans une « phase nouvelle et plus dangereuse », et ce n'est que le « début d'une tempête nouvelle et différente. Ce n'est pas la même crise qu'en 2008. Dans les quinze derniers jours, nous sommes passés d'une reprise difficile - avec une bonne croissance pour les pays émergents (...) mais bien plus hésitante pour les pays les plus développés - à une phase nouvelle et plus dangereuse ». Ce pessimiste occidental est à mettre en relief avec l’optimisme africain et surtout les chiffres plaident pour l’Afrique.
En effet, l’explosion de la démographie (1 milliard d’habitants avec une projection de 2 milliards d’habitants en 2050) et l’urbanisation (40 % des africains vivent en zones urbaines et 52 villes ont plus de 1 million d’habitants) sont les fondations d’une croissance économique durable entretenue également par la forte demande chinoise et des pays émergents en matière première. De plus, la forte concurrence commerciale entre les nations dans un contexte de redéfinition du nouvel ordre économique et géopolitique place dans une certaine mesure l’Afrique avec son milliard d’habitants, ses terres arables inexploitées, son poumon écologique, son coffre fort de minerais, ses réserves d’énergie fossile et son immense potentiel d’énergies renouvelables au cœur des enjeux mondiaux. La corrélation entre opportunités et menaces sont propices à l’émergence d’une économie responsable dans une Afrique qui pourrait servir de boussole pour la planète.
Nous devons également solliciter abondamment nos méninges pour définir les schémas directeurs qui façonneront l’économie africaine dans les prochaines décennies. Demain ne ressemblera aucunement à aujourd’hui mais demain se prépare maintenant.
La Crise, la Chine, l’Occident et l’Afrique
L’économie mondiale fait face à une nouvelle crise à cause de la baisse de la note de la dette américaine qui a immédiatement entraîne dans son sillage le dévissage des places boursières. La problématique socio-économique en Europe n’est plus conjoncturelle mais plutôt structurelles et il y a vraiment de quoi être inquiet. Croissance faible, taux d’endettement très élevé, hausse du chômage, vieillissement de la population et déficit commercial et budgétaire, tels sont les maux désormais courants. La crise actuelle servira de catalyseur pour la tectonique des plaques économiques. Elle va accélérer le déplacement du centre de gravité de la richesse de l’Occident vers l’Orient. Nous, africains, sommes condamner à faire preuve de beaucoup d’AUDACE pour orienter les boussoles de ce glissement vers le Sud. Même si la taille du gâteau de la richesse mondiale ne cesse de croître, l’auto-invitation des pays émergents (BRICS et Chine en tête) à l’appétit débordante, à la table des convives augmente les risques et accroît les tensions. Et pourtant comme le rappelait si bien Gandhi « il y a assez de ressources sur la planète pour répondre aux besoins de tous mais pas assez pour satisfaire le désir de possession de chacun ».
Pour l’instant c’est la Chine qui tire son épingle du jeu. Dans son interview à l’hebdomadaire australien Robert Zoellick analyse bien la situation « Au-delà des conséquences financières immédiates, cette crise allait provoquer des changements dans l'équilibre des pouvoirs dans le monde. Toute cette crise est en train de transférer très rapidement, du point de vue de l'histoire, le pouvoir économique de l'Occident vers la Chine, qui pourtant ne tient pas à ce rôle. Celle-ci a en effet ses propres soucis à gérer: éviter la surchauffe de son économie, mais aussi limiter la pollution, réformer son système fiscal et maintenir l'équilibre entre entreprises publiques et privées. Une dévaluation du yuan, a-t-il souligné, aiderait à modérer l'inflation, mais rendrait les produits étrangers moins chers sur le marché chinois, ce qui pose des problèmes politiques. »
Le moins qu’on puisse dire est que l’entrée fracassante de la Chine dans la recomposition économique mondiale perturbe les équilibres. Elle ne laisse pas aussi indifférente. Beaucoup moins modéré par rapport à la Chine, dans un point de vue très remarqué paru dans Le Monde daté du 8 août, l’économiste de Lazard frères gestion Antoine Brunet et président de AB Marchés prend acte de l’émergence de l’empire du milieu « la Chine manifeste une santé insolente : trente-troisième année d'affilée sans récession, une croissance du produit intérieur brut (PIB) à 10 % l'an depuis vingt ans, un chômage qui ne cesse de reculer, des réserves de change, qui, tout compté, dépassaient déjà 4 500 milliards de dollars (3 165 milliards d'euros) à la fin du mois de juin 2011...»
Le coauteur de La Visée hégémonique de la Chine (L'Harmattan, 2011) peut donc lancer sa charge « La Chine capitalise la stratégie qu'elle a amorcée en 1989, et elle se réjouit de nous (Occident, ndlr) avoir déstabilisés sur tous les plans : commercial, économique, social, financier, monétaire, technologique, militaire, diplomatique... Notre capitulation (de l’Occident, ndlr) face à elle aboutit maintenant à notre déstabilisation. Les politiques compensatoires successives ont échoué lamentablement et ont en réalité accentué gravement notre déstabilisation. Preuve est ainsi faite que le pacifisme monétaire face à la Chine est une impasse totale. Pour que la crise de 2007 ne devienne pas une nouvelle crise de 1929, il faut maintenant renverser le jeu. Il faut se mobiliser pour faire céder la Chine sur sa politique du yuan. Il suffit pour cela de préparer sérieusement et collectivement des représailles douanières à son encontre. » Avant de conclure « Faute d'une telle initiative, les pays occidentaux s'enfermeront rapidement dans une spirale de déclin économique et financier qui les amènera à se retrouver chacun durablement asservi à la Chine et au Parti communiste qui la dirige depuis 1949 ».
Il faut cependant relativiser la responsabilité de la Chine dans le déclin de l’Occident. Ce n’est quand même pas la faute des chinois plusieurs de pays occidentaux n’ont pas voté un budget à l’équilibre depuis près de 30 ans. Ces mêmes pays ont vécu largement au-dessus de leurs moyens pendant la dite période. Il est évident que cela ne pouvait pas durer ad vitam aeternam. Les barrières douanières proposées par M. Antoine Brunet trouveraient très vite leurs limites pour plusieurs raisons. Quid de l’OMC ? De plus, la Chine mettrait en place les mêmes représailles douanières. Or les entreprises occidentales ont besoin du marché chinois. Et paradoxalement, c’est le consommateur européen avec son faible pouvoir d’achat exigerait la levée de ses barrières douanières car il a besoin des produits chinois à très bas coût dans un contexte de rigueur budgétaire. La coopération avec la Chine présente des avantages et des inconvénients. Un Patron des patrons africains que nous avons récemment rencontré récemment à Paris a bien résumé la situation : « les chinois déversent en Afrique des produits de mauvaise qualité à faible coût qui répondent aux besoins des populations pauvres. Ceci est un véritable handicap pour notre industrialisation.» Ces biens de consommation ont une qualité meilleure en Occident, les populations sont relativement plus riches mais la problématique reste identique et on parle plutôt de désindustrialisation.
Selon les prévisions de la Standard Bank d’Afrique du Sud, premier établissement de crédit en Afrique, les investissements chinois en Afrique sont susceptibles d’augmenter de 70% par rapport à 2009 pour atteindre 50 milliards de dollars (USD) d’ici 2015, tandis que le commerce bilatéral entre la Chine et l’Afrique atteindrait 300 milliards de dollars d’ici cette même année.
En 2009, la Chine a dépassé les États-Unis et est devenue le principal partenaire commercial de l’Afrique. Par ailleurs, la part des échanges de l’Afrique avec les pays émergents a sensiblement augmenté au cours des dix dernières années, passant de 23 % à 39 %. Les cinq pays émergents partenaires de l’Afrique les plus importants sont dorénavant la Chine (38 %), l’Inde (14 %), la Corée (7,2 %), le Brésil (7,1 %) et la Turquie (6,5 %). De plus avec un fonds de développement Chine Afrique (FDCA) doté initialement de 1 milliard de dollars et qui devrait croître vers les 5 milliards dollars, la Chine est et sera un acteur majeur de l’économie africaine.
Qu’elle soit publique ou non, comme pour les autres pays, la Chine a une stratégie africaine clairement définie qu’on découvrira progressivement et sûrement trop tard pour agir rétrospectivement. Mais quelle est la stratégie africaine de la Chine ? Face à la probablement première économie mondiale, plusieurs questions mériteraient une analyse minutieuse et une position africaine. Dans le cadre d’une monnaie commune africaine, faut-il l’arrimer au yuan ? La Chine aura de plus en plus besoin du soutien de l’Afrique dans les instances internationales comme l’ONU. Que faut-il exiger en retour ? Avec son immense marché, ses ressources naturelles et son potentiel agricole, l’Afrique sera désormais au cœur de conflits d’intérêts entre la Chine, l’Occident et d’autres émergents comme l’Inde avec de probables répercussions militaires. Comment anticiper les risques, gérer les différends et défendre les intérêts du continent ? Le nouvel ordre économique mondial en cours de mutation place l’Afrique non pas à la périphérie mais au cœur des enjeux globaux. Il est illusoire et très risqué d’estimer que le rapport de force implique uniquement la Chine et l’Occident. Africains, le monde bouge et attend nos propositions…
L’Afrique, laboratoire de l’économie responsable pour l’Occident
Ironie de l’histoire, les pays occidentaux sont contraints d’appliquer les recettes qu’ils ont depuis des années par l’intermédiaire de la Banque Mondiale et du FMI imposées aux africains. Les politiques d’ajustement structurelles ont conditionné longtemps la vie sur le continent. Comme le rappelle la dernière édition des Perspectives Economiques en Afrique (PEA) publié par la BAD et l’OCDE « en tant que pays pauvre très endetté (PPTE), le Ghana doit également adopter une stratégie réaliste de gestion de sa dette afin d’éviter de sombrer dans le surendettement ». Dans le contexte actuel, c’est plutôt une recommandation à mettre urgemment en œuvre dans plusieurs pays de l’OCDE. Les PEA prédisent également pour cette année un taux de croissance de plus de 12 % pour le Ghana et de plus de 10 % pour l’Ethiopie. A l’instar de ces deux pays, après des années de rigueur budgétaire et de réformes économiques l’Afrique peut aujourd’hui afficher avec fierté sa croissance moyenne de plus de 5 % depuis 10 ans. La crise économique et financière de 2008 a permis de tester les fondamentaux de l’économie africaine. Alors que le monde plongeait dans la récession, l’Afrique affichait encore une croissance moyenne de 3,1 % en 2009.
Que les Grecs, Portugais et tous les pays occidentaux qui testent ou essayeront les recettes des institutions de Bretton Woods soient rassurés. L’Afrique peut affirmer qu’elles marchent. Mais avant le réconfort, les efforts à fournir feront couler beaucoup de sueurs, de larmes et même du sang. Après le programme pour les PPTE, espérons que le FMI et la Banque Mondiale vont bientôt lancer l’Initiative Pays Riches Très Endettés (PRTE) dont l’Afrique a déjà servi de laboratoire. Même dans le domaine social, l’Afrique inspire désormais l’Occident. Partie d’Afrique, l’indignation des jeunes a très vite gagnée la jeunesse européenne et le mouvement se poursuit d’ailleurs en ….Israël. La capacité des africains à insérer professionnellement des millions de jeunes sans emploi sera probablement un enjeu géopolitique majeur de ce siècle. On l’a bien vu avec les révoltes arables où les tensions sociales ont mis l’Europe en position très délicate pour gérer d’importants flux migratoires. Il n’est pas certain que ces phénomènes ne soient pas fréquents dans les prochaines années.
De l’avenir de l’Afrique dépendra probablement le destin de l’Europe aussi bien en terme de menaces comme nous venons l’indiquer mais aussi d’opportunités commerciales grâce à la proximité géographique. L’essor de l’Afrique stimule une demande exponentielle de biens et services. C’est autant d’opportunités pour les entrepreneurs et les investisseurs de l’autre rive de la méditerranée. Les révoltes arabes ont démontré qu’il est indispensable que les richesses soient mieux redistribuées et le changement climatique avec ses conséquences attendues sur les flux migratoires est l’épée de Damoclès qui rappelle l’importance de limiter la pression sur l’environnement. Faire rimer écologie avec économie, articuler social et écologie, mettre au même niveau de priorité économie et social, voilà l’immense et passionnant challenge qui nous attend. Sortons des chantiers battus et misons sur un continent qui sera ou PAS un futur géant économique. Investisseurs étrangers, entrepreneurs africains, cadres de la diaspora et décideurs politiques, il est inutile d’attendre car demain il sera trop tard.
C’est en période de crises, quand tout le monde doute des fondamentaux qui ont façonné depuis des décennies l’économie qu’il faut peser dans le débat international, définir des programmes politiques ambitieux et mobiliser les parties prenantes autour d’un projet novateur, mobilisateur et stratégique. Alors OSONS l’économie responsable en Afrique…
http://www.thierrytene.com