FORUM ECONOMIQUE DES INVESTISSEURS ET DE L'EMPLOI DES SENEGALAIS DE L'EXTERIEUR Faire de l'Emigré un acteur du développement

Officiellement, les Sénégalais de l'Extérieur ont envoyé 592 milliards en 2009. Un chiffre qui devrait atteindre 791 milliards en 2015. Ce qui fait de l'Emigré le premier bailleur du Sénégal. Toutefois, l'utilisation de ces fonds pose problème. Jusque là, les envois servent à satisfaire les besoins physiologiques (manger, boire etc.). D'où l'intérêt du forum économique des investisseurs et de l'emploi des Sénégalais de l'Extérieur qui s'est tenu jeudi dernier.



«L’Emigré est le premier bailleur de l’Afrique». Ces propos tenus récemment dans les colonnes de Sud Quotidien par l’ancien représentant résident régional de la Banque africaine de développement (BAD) à Dakar, le marocain Mohamed H'Midouche, ont été confirmés par les chiffres fournis par l’Agence pour la promotion des investissements et des grands travaux (APIX), mais aussi par le vice-président de la Fondation des Emigrés sénégalais, lors du forum économique des investisseurs et de l’emploi des Sénégalais de l’Extérieur, tenu, jeudi dernier 20 décembre 2012, au King Fahd Palace.
Selon le représentant de l’Apix, des émigrés sénégalais ont envoyé 592 milliards de F Cfa, juste pour l’année 2009. Ce, nonobstant la crise qui a secoué l’Europe et qui ne les a apparemment pas affectés.

Mais pour Abdou Souley Diop, vice-président de la Fondation des Emigrés sénégalais, par ailleurs président de l’Association des émigrés sénégalais au Maroc et délégué du Consul supérieur des Sénégalais de l’Extérieur, ce montant ne représente que le 1/3 des envois des Sénégalais de l’Extérieur dont la plupart d’entre eux utilisent des canaux officieux.

«Il faut considérer l’enveloppe au bas mot entre 1 milliard et 1,8 milliard de F Cfa par mois», confie-t-il. Mais comment canaliser tout cet argent pour en faire des investissements générateurs de revenu ?

C’est à cette interrogation que M. Diop a tenté de répondre. Selon lui, «les gens investissent dans la pierre (terre, Ndlr). Et une grande partie va au social parce qu’il y a des familles laissées au pays, il faut les nourrir, les soigner etc».
Pour changer la donne, il suggère la mise en place des mécanismes devant permettre aux émigrés d’investir ailleurs. En quoi faisant ? «Premièrement, indique-t-il, il faut mettre en place des dispositifs. Ça peut être un fonds d’investissement ou l’intégration dans les politiques de privatisation mais, il faut surtout instaurer un climat de confiance».
«Déjà quand vous envoyez pour construire votre maison, les fonds disparaissent, regrette-t-il. Il faut donc des mécanismes avec un acteur privé au centre».

Mieux ajoute-t-il, «il faut intégrer les émigrés dans les politiques publiques. Au Maroc par exemple, les plans de développement touristique intègrent totalement les Marocains de la diaspora qui se voient réserver la moitié des terrains dans la fabrication des hôtels pour attirer les touristes».

«Ce sont ce genre de mécanismes qui vont permettre d’utiliser les fonds vers l’investissement», soutient M. Diop.
Alors comment faire pour intéresser des Emigrés qui, pour la plupart, sont des «illettrés» ou des «analphabètes» ? Pour répondre à cette question, Abdou Souley Diop, rappelle que «les plus grands hommes d’affaires du Sénégal sont des analphabètes. Il ne faut pas l’oublier». «Ceux qui ont une grande fortune ne sont pas des intellectuels», soutient-il.
Et d’ajouter : «jusqu’à présent, il y avait une dichotomie au Sénégal entre Baol-Baol et intellectuels. A l’époque, le rêve c’était d’être un haut fonctionnaire avec plein de diplômes. Un ami me disait : “que les études sont un facteur limitant pour le business“. Pendant que les intellectuels réfléchissent, lui investit un franc pour gagner un franc».

Toutefois convient-il, «il faut aller vers de la sensibilisation. Parce que le gars qui va au marché de Milan (Italie), qui le matin va acheter des trucs, qui les revend au détail et le soir fait son compte, est un homme d’affaires. C’est un investisseur».

Partenariat public-privé : la solution

L’une des meilleures façons, selon Abdou Souley Diop, à rentabiliser les fonds envoyés par les Emigrés, c’est l’exploitation du «partenariat public-privé».

«C’est un élément qui peut être un facteur de développement. Tout le monde en parle aujourd’hui en matière d’investissement agricole. L’agriculture est un domaine inépuisable. Jusqu’à la fin du monde, on aura besoin de manger. Mieux, au Sénégal, on ne produit pas suffisamment pour manger. On importe énormément. Par conséquent, il faut recourir aux émigrés pour mettre en place des mécanismes avec l’Institut de technologie agricole (ITA) afin d’avoir des débouchés au marché», a-t-il plaidé.

«Ce qui va leur permettre d’avoir accès à la terre, qui aujourd’hui le nerf de la guerre», ajoute-t-il.

Abdoulaye THIAM
Sud Quotidien



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