La réduction de l’extrême pauvreté et de la faim est bien inscrite dans les Objectifs du millénaire pour le développement (Omd). C’est justement pour lutter contre la précarité et la pauvreté en milieu rural que l’Organisation internationale du travail (Oit) a lancé le projet Wind qui, entre autres objectifs, veut améliorer les conditions de vie et de travail des agriculteurs. Ce programme, qui a fait ses preuves en Asie, se décline en améliorations quotidiennes et traduit son action dans la sécurisation du travail, la responsabilisation des femmes, la scolarisation des enfants.
Maraîchage, pêche, agriculture, artisanat, commerce sont très présents dans la zone de Mboro, perdue dans les Niayes. La population très jeune de 32.000 habitants est également sous la forte influence des Industries chimiques sénégalaises (Ics), longtemps fleuron de l’économie sénégalaise.
Les atouts naturels font que la zone de Mboro et ses environs sont un vaste marché maraîcher qui polarise une quantité indiscutable de la production. Organisations de producteurs tout comme groupes maraîchers s’activent au quotidien, à côté d’organisations communautaires de base, pour non seulement accroître les rendements à la production, mais surtout organiser le secteur qui constitue un grenier d’emplois et de revenus. L’agriculture constitue incontestablement la première activité économique et occupe près de 65 % de la population active. L’agriculture pluviale est certes pratiquée dans la zone, mais le maraîchage reste l’activité dominante.
C’est dans ce contexte que le Bureau international (Bit) a lancé le projet Wind (Work improvement in neighbourhood development) pour « lutter contre la pauvreté et la précarité en milieu rural ».
« Nous avons adhéré au Wind qui, après analyse de sa conception, recoupe nos préoccupations par rapport à l’organisation des producteurs, la sécurisation des travailleurs, mais aussi l’accroissement du bien-être des producteurs », souligne Mamadou Bâ, directeur de l’Union des groupements des producteurs maraîchers de Méouane à Mboro (Ugpm). Dans les six secteurs d’évolution de l’Ugpm, de Notto à Loumpoul en passant par Kayar, M. Bâ assure que deux secteurs servent de test au projet Wind.
4000 adhérents
« Du point de vue de la démarche, nous remarquons plus de pratique que de théorie dans le Wind qui se base sur des figures. Le contenu est également très simple et accessible à toutes les couches », selon Mamadou Bâ dont l’organisation réclame 4000 adhérents dont 52 % de femmes. Une organisation très dynamique qui avait réalisé, en 2008, un chiffre d’affaire de 337 millions de francs Cfa. Pour l’Ugpm, la bonne gouvernance s’impose, d’où la « nette séparation notée entre la cellule décisionnelle (les producteurs) et l’agence d’exécution constituée d’agents et de techniciens ». D’autant plus que les 99 % des ressources sont propres et proviennent de la vente de semences, de l’approvisionnement des producteurs en intrants, de la formation...
Revenant sur les aspects fondamentaux du Wind, M. Bâ souligne que pour « parvenir à la modernisation de l’agriculture, son acteur doit être un modèle, alphabétisé ». C’est ainsi qu’il décline l’importance accordée à la « préparation des enfants que le Wind propose de mettre à l’école et des femmes qui doivent être responsabilisées ».
Après quelques mois de déroulement, il note un intérêt des producteurs qui réagissent après la formation reçue. Ceux-ci essaient plutôt d’améliorer leur vie en adaptant les enseignements du Wind. « Nous avons un membre qui a réorganisé sa cuisine. Un autre a construit des latrines chez lui », souligne le président de l’Ugpm. Les effets du Wind sont également perceptibles, selon le technicien horticole Mamadou Guèye, par « l’amélioration de la cuisine, du salon, la construction de toilettes dans nombre de concessions qui n’en avaient pas. Des réalisations qui concourent au bien-être des populations qui ont également pris conscience des dangers des flacons de pesticides ».
« L’exposition aux conditions climatiques sévères avec des horaires longs et irréguliers, la manutention manuelle de matériaux lourds, les pénibles postures et les charges de travail exténuantes, voire dangereuses constituent le quotidien des familles rurales, notamment chez les groupes vulnérables tels que les femmes et les enfants », explique la note de justification du Wind. Seulement, le transfert de la méthode, testée et réussie en Asie, poursuit l’ambition de réduire l’extrême pauvreté et la faim comme mentionné dans les Objectifs du millénaire pour le développement (Omd). L’amélioration des conditions de travail passe donc par le « simple programme, pratique et peu onéreux procurant des résultats durables ». Bien mis en œuvre, le Wind permet donc d’améliorer la charge de travail, d’augmenter l’efficacité et la productivité et de réduire l’incidence du travail dangereux. Et sur le terrain de la zone maraîchère des Niayes, les exemples font légion. Alioune Nguer, cultivateur à Mboro/Mer, avoue que depuis sa formation, il « a une meilleure visibilité sur l’utilisation des pesticides et améliore l’organisation dans le travail ». « Je porte dorénavant des gants et masques pour éviter les produits. Je ne jette plus les emballages ou flacons de produits puisque j’ai appris à les mettre sous terre après utilisation. Le projet ne s’intéresse pas seulement qu’au travail, mais aussi à la vie familiale. J’ai sensibilisé sur les bienfaits de cette méthode au-delà même de mon cercle familial », souligne M. Nguer qui ne tarit pas d’éloges dans la petite cour de sa concession qui, à côté des ustensiles de cuisine bien rangés et de son élevage de moutons dans un enclos, abrite également des filets de pêche de ses enfants. Il rappelle qu’il leur arrivait de boire de l’eau avec le contenant des pesticides qu’ils recyclaient. Et qu’un de ses amis avait contracté une toux méchante. Mais avec le Wind, « plus question d’utiliser les emballages des produits », jure-t-il.
Quête de bien-être
Ayant amélioré ses techniques de culture, mieux perçu les dangers de l’utilisation des produits, Alioune Nguer s’engage à « mettre en place, dans les six prochains mois, un magasin chez lui ».
Le Wind est, en effet, fait d’améliorations quotidiennes et continues comme pour une « quête effrénée de bien-être ». Le Wind s’attache donc à faire l’état des lieux en photographiant la situation antérieure à la formation et actuelle du paysan pour ainsi mesurer l’impact de l’appropriation par celui-ci, selon le Dr Abdoulaye Dieng président de l’Alliance pour la solidarité et l’entraide de Mboro (Asem) également point focal du Wind. Créée pour faire face à la vague de noyades, en 2000, l’Asem a élargi son champ d’action. C’est tout naturellement que la structure d’entraide a été choisie comme partenaire du projet Wind. « Nous avons adhéré simplement parce que l’approche du Wind, facile et globale, est orientée vers l’action. Elle nous permet également de dérouler nos programmes », trouve le docteur en pharmacie qui s’est installé depuis plus d’une décennie à Mboro.
L’atteinte des objectifs du Wind s’appuie sur un « réseau durable d’agriculteurs formateurs, bénéficiant d’un appui technique de la part des services médicaux ruraux et des organisations concernées par le travail des enfants, mais aussi de travailler dans le sens à asseoir une capacité locale capable de promouvoir des améliorations à moindre coût ». Le maire de Mboro, Charlot Sène, est aussi tombé sous le charme de la méthode qu’il assimile à une « révolution ». « Ce projet vient à point nommé vu qu’il participe au développement de la sécurité du travail qu’on n’entendait jusque-là dans l’industrie. Le Wind s’intéresse à la santé des paysans et au développement de leur prise de conscience », renchérit le maire. Tout en promettant le « soutien sans faille de la municipalité », il souhaite sa pérennisation et son extension dans les villages satellites. Pour le Bit, l’idéal est que les collectivités locales s’approprient à terme de la méthode.
Prendre des engagements
Le Wind a commencé ainsi à dérouler la formation des formateurs après avoir identifié trois grandes organisations faîtières qui accueillent près de cinq mille adhérents. « Le lancement effectif a eu lieu en janvier 2009, même si le premier contact avec l’expert s’est tenu en avril 2007. A terme, 960 paysans doivent être formés à la méthode Wind. Il y a eu une formation de six formateurs, et deux autres sessions de volontaires. Il s’agit de tenir 96 mini-wind », retrace le Dr Dieng.
Pas encore en mesure de « documenter les situations (améliorations) », le Dr Dieng n’en reste pas moins exigeant vis-à-vis de ses membres qui doivent « chacun décliner un plan d’action à l’issue de chaque formation ».
Jusque-là, 24 volontaires ont déjà été formés. Et chaque volontaire assure la formation de 40 paysans dans des mini-sessions de dix personnes.
Louant les bienfaits du Wind qui « suscite des actions immédiates », M. Dieng n’en manque pas d’identifier des limites. Il souligne une « période de flottement » du projet lancé en janvier, mais aussi la non dotation d’appareils photo aux volontaires qui doivent établir les situations antérieure et postérieure à la formation. « Le Wind, c’est d’abord des images qui permettent de retenir les réalités chez les paysans », rappelle-t-il. Aussi s’il trouve que le concept est excellent, il est aussi d’avis que les moyens mis en place ne sont pas en adéquation. Le Dr Dieng nourrit également des inquiétudes sur la pérennisation du projet eu égard à la discipline requise. Même son de cloche chez Mamadou Bâ qui regrette des « moyens extrêmement précaires et le manque de supports »
Par Ibrahima Khaliloullah NDIAYE
Le Soleil
Maraîchage, pêche, agriculture, artisanat, commerce sont très présents dans la zone de Mboro, perdue dans les Niayes. La population très jeune de 32.000 habitants est également sous la forte influence des Industries chimiques sénégalaises (Ics), longtemps fleuron de l’économie sénégalaise.
Les atouts naturels font que la zone de Mboro et ses environs sont un vaste marché maraîcher qui polarise une quantité indiscutable de la production. Organisations de producteurs tout comme groupes maraîchers s’activent au quotidien, à côté d’organisations communautaires de base, pour non seulement accroître les rendements à la production, mais surtout organiser le secteur qui constitue un grenier d’emplois et de revenus. L’agriculture constitue incontestablement la première activité économique et occupe près de 65 % de la population active. L’agriculture pluviale est certes pratiquée dans la zone, mais le maraîchage reste l’activité dominante.
C’est dans ce contexte que le Bureau international (Bit) a lancé le projet Wind (Work improvement in neighbourhood development) pour « lutter contre la pauvreté et la précarité en milieu rural ».
« Nous avons adhéré au Wind qui, après analyse de sa conception, recoupe nos préoccupations par rapport à l’organisation des producteurs, la sécurisation des travailleurs, mais aussi l’accroissement du bien-être des producteurs », souligne Mamadou Bâ, directeur de l’Union des groupements des producteurs maraîchers de Méouane à Mboro (Ugpm). Dans les six secteurs d’évolution de l’Ugpm, de Notto à Loumpoul en passant par Kayar, M. Bâ assure que deux secteurs servent de test au projet Wind.
4000 adhérents
« Du point de vue de la démarche, nous remarquons plus de pratique que de théorie dans le Wind qui se base sur des figures. Le contenu est également très simple et accessible à toutes les couches », selon Mamadou Bâ dont l’organisation réclame 4000 adhérents dont 52 % de femmes. Une organisation très dynamique qui avait réalisé, en 2008, un chiffre d’affaire de 337 millions de francs Cfa. Pour l’Ugpm, la bonne gouvernance s’impose, d’où la « nette séparation notée entre la cellule décisionnelle (les producteurs) et l’agence d’exécution constituée d’agents et de techniciens ». D’autant plus que les 99 % des ressources sont propres et proviennent de la vente de semences, de l’approvisionnement des producteurs en intrants, de la formation...
Revenant sur les aspects fondamentaux du Wind, M. Bâ souligne que pour « parvenir à la modernisation de l’agriculture, son acteur doit être un modèle, alphabétisé ». C’est ainsi qu’il décline l’importance accordée à la « préparation des enfants que le Wind propose de mettre à l’école et des femmes qui doivent être responsabilisées ».
Après quelques mois de déroulement, il note un intérêt des producteurs qui réagissent après la formation reçue. Ceux-ci essaient plutôt d’améliorer leur vie en adaptant les enseignements du Wind. « Nous avons un membre qui a réorganisé sa cuisine. Un autre a construit des latrines chez lui », souligne le président de l’Ugpm. Les effets du Wind sont également perceptibles, selon le technicien horticole Mamadou Guèye, par « l’amélioration de la cuisine, du salon, la construction de toilettes dans nombre de concessions qui n’en avaient pas. Des réalisations qui concourent au bien-être des populations qui ont également pris conscience des dangers des flacons de pesticides ».
« L’exposition aux conditions climatiques sévères avec des horaires longs et irréguliers, la manutention manuelle de matériaux lourds, les pénibles postures et les charges de travail exténuantes, voire dangereuses constituent le quotidien des familles rurales, notamment chez les groupes vulnérables tels que les femmes et les enfants », explique la note de justification du Wind. Seulement, le transfert de la méthode, testée et réussie en Asie, poursuit l’ambition de réduire l’extrême pauvreté et la faim comme mentionné dans les Objectifs du millénaire pour le développement (Omd). L’amélioration des conditions de travail passe donc par le « simple programme, pratique et peu onéreux procurant des résultats durables ». Bien mis en œuvre, le Wind permet donc d’améliorer la charge de travail, d’augmenter l’efficacité et la productivité et de réduire l’incidence du travail dangereux. Et sur le terrain de la zone maraîchère des Niayes, les exemples font légion. Alioune Nguer, cultivateur à Mboro/Mer, avoue que depuis sa formation, il « a une meilleure visibilité sur l’utilisation des pesticides et améliore l’organisation dans le travail ». « Je porte dorénavant des gants et masques pour éviter les produits. Je ne jette plus les emballages ou flacons de produits puisque j’ai appris à les mettre sous terre après utilisation. Le projet ne s’intéresse pas seulement qu’au travail, mais aussi à la vie familiale. J’ai sensibilisé sur les bienfaits de cette méthode au-delà même de mon cercle familial », souligne M. Nguer qui ne tarit pas d’éloges dans la petite cour de sa concession qui, à côté des ustensiles de cuisine bien rangés et de son élevage de moutons dans un enclos, abrite également des filets de pêche de ses enfants. Il rappelle qu’il leur arrivait de boire de l’eau avec le contenant des pesticides qu’ils recyclaient. Et qu’un de ses amis avait contracté une toux méchante. Mais avec le Wind, « plus question d’utiliser les emballages des produits », jure-t-il.
Quête de bien-être
Ayant amélioré ses techniques de culture, mieux perçu les dangers de l’utilisation des produits, Alioune Nguer s’engage à « mettre en place, dans les six prochains mois, un magasin chez lui ».
Le Wind est, en effet, fait d’améliorations quotidiennes et continues comme pour une « quête effrénée de bien-être ». Le Wind s’attache donc à faire l’état des lieux en photographiant la situation antérieure à la formation et actuelle du paysan pour ainsi mesurer l’impact de l’appropriation par celui-ci, selon le Dr Abdoulaye Dieng président de l’Alliance pour la solidarité et l’entraide de Mboro (Asem) également point focal du Wind. Créée pour faire face à la vague de noyades, en 2000, l’Asem a élargi son champ d’action. C’est tout naturellement que la structure d’entraide a été choisie comme partenaire du projet Wind. « Nous avons adhéré simplement parce que l’approche du Wind, facile et globale, est orientée vers l’action. Elle nous permet également de dérouler nos programmes », trouve le docteur en pharmacie qui s’est installé depuis plus d’une décennie à Mboro.
L’atteinte des objectifs du Wind s’appuie sur un « réseau durable d’agriculteurs formateurs, bénéficiant d’un appui technique de la part des services médicaux ruraux et des organisations concernées par le travail des enfants, mais aussi de travailler dans le sens à asseoir une capacité locale capable de promouvoir des améliorations à moindre coût ». Le maire de Mboro, Charlot Sène, est aussi tombé sous le charme de la méthode qu’il assimile à une « révolution ». « Ce projet vient à point nommé vu qu’il participe au développement de la sécurité du travail qu’on n’entendait jusque-là dans l’industrie. Le Wind s’intéresse à la santé des paysans et au développement de leur prise de conscience », renchérit le maire. Tout en promettant le « soutien sans faille de la municipalité », il souhaite sa pérennisation et son extension dans les villages satellites. Pour le Bit, l’idéal est que les collectivités locales s’approprient à terme de la méthode.
Prendre des engagements
Le Wind a commencé ainsi à dérouler la formation des formateurs après avoir identifié trois grandes organisations faîtières qui accueillent près de cinq mille adhérents. « Le lancement effectif a eu lieu en janvier 2009, même si le premier contact avec l’expert s’est tenu en avril 2007. A terme, 960 paysans doivent être formés à la méthode Wind. Il y a eu une formation de six formateurs, et deux autres sessions de volontaires. Il s’agit de tenir 96 mini-wind », retrace le Dr Dieng.
Pas encore en mesure de « documenter les situations (améliorations) », le Dr Dieng n’en reste pas moins exigeant vis-à-vis de ses membres qui doivent « chacun décliner un plan d’action à l’issue de chaque formation ».
Jusque-là, 24 volontaires ont déjà été formés. Et chaque volontaire assure la formation de 40 paysans dans des mini-sessions de dix personnes.
Louant les bienfaits du Wind qui « suscite des actions immédiates », M. Dieng n’en manque pas d’identifier des limites. Il souligne une « période de flottement » du projet lancé en janvier, mais aussi la non dotation d’appareils photo aux volontaires qui doivent établir les situations antérieure et postérieure à la formation. « Le Wind, c’est d’abord des images qui permettent de retenir les réalités chez les paysans », rappelle-t-il. Aussi s’il trouve que le concept est excellent, il est aussi d’avis que les moyens mis en place ne sont pas en adéquation. Le Dr Dieng nourrit également des inquiétudes sur la pérennisation du projet eu égard à la discipline requise. Même son de cloche chez Mamadou Bâ qui regrette des « moyens extrêmement précaires et le manque de supports »
Par Ibrahima Khaliloullah NDIAYE
Le Soleil