CONTRIBUTIONS-Wade et ses nouvelles réformes territoriales et administratives : pour quels objectifs, quelle pertinence ?

Ces dernières années, le président Wade a initié différentes réformes territoriales et administratives dont le redécoupage systématique du territoire, le renforcement du statut de l’élu local entre autres. En regardant de près toute la dynamique en cours depuis plus de 10 ans et en faisant un petit retour sur notre passé coloniale nous avons été frappé des retrouver des relents et des similitudes entre l’entreprise coloniale et ce qui se pratique au Sénégal en matière de gouvernance territoriale en particulier depuis 2000. Dans un premier temps, ce texte présentera un bref aperçu de la politique coloniale dans e domaine et dans un deuxième temps nous reviendrons sur le redécoupage de la région de Dakar et le nouveau statut du chef de village en préparation.



Une nostalgie de la gouvernance coloniale ?

Après la conquête territoriale, en vue de passer à la gestion et l’exploitation des ressources de la colonie au-delà du découpage systématique du territoire, le colonisateur met en place une solide administration qui connaîtra plusieurs modifications. Car il fallait trouver un cadre administratif adéquat pour asseoir durablement la domination française sur ce vaste territoire et faciliter la soumission de la « peuplade ». Ainsi, la structuration administrative coloniale est venue coiffer la structuration coutumière administrée par des chefs locaux.

Après la création de l’AOF en 1904, ces découpages seront confirmés par dans le nouveau maillage. L’autorité coloniale organisa les unités territoriales autour de chefs-lieux dont la taille ne dépendait pas de l’influence du centre, mais plutôt de la densité de la population. Ainsi, entre 1890 et 1913, par différentes réformes territoriales, l’administration coloniale française pose les bases de la gouvernance de la colonie du Sénégal. La période 1890-1920 sera celle de la consolidation de son assise territoriale et la mise en place de mécanismes d’exploitation dans lesquelles le commandement indigène occupera une place centrale, même si par ce biais, l'administration coloniale introduit de profondes transformations dans l’organisation des territoires, mais aussi niveau politico-administrative.

Le système colonial, en supprimant les anciennes provinces, avait un but déterminé d’effacer de la mémoire collective des sénégalais tout ce qui pouvait les rattacher à ces entités, d'occulter leur histoire et de leur faire perdre leurs repères, de manière à pouvoir disposer des consciences et des personnes à sa volonté. Pour atteindre cet objectif, toute une politique d'aliénation et de déstructuration des sociétés sénégalaises était menée à travers l'école coloniale, l'armée des tirailleurs, et surtout avec un redécoupage systématique du territoire (Iba der Thiam). Dans cette perspective, l'administration coloniale met délibérément en déclin toutes les capitales des anciens royaumes et créée parallèlement de nouvelles villes concurrentes où habiterait sa nouvelle clientèle de commis et de traitants. C'est ainsi qu'au Walo, les villes de Richard-Toll et Dagana seront érigées au détriment des sites historiques de N'der et de Khouma ; au Cayor, des nouvelles villes seront créées tout au long du chemin de fer : Kébémer, Tivaouane, Kellé, pour faire dépérir les villages du Cayor central: Thilmakha, Mboul, Sagatta… ; au Saloum, Kaolack prendra la place de la capitale historique, Kahone ; au Djoloff, Linguère prend la place de Yangyang etc.

En effet, l'administration coloniale, en découpant les anciens royaumes en cantons et cercles voulait une rupture en initiant cette discontinuité historique. Ces nouvelles entités administratives qui rompaient totalement avec les réalités et le vécu des populations locales devaient permettre au colonisateur de mieux les dominer, de mieux les assujettir. Ainsi, il fallait bannir ces noms de terroirs, qui permettaient aux populations de garder leurs repères. Car qui dit repères, dit esprit de résistance et d'initiative. Or l'administration coloniale n'avait pas besoin de citoyens lucides, mais plutôt des sujets obéissants. Un sujet qui devait dans une entité administrative qu'on lui assigne qu'on appelle cercle ou canton. Cette première période coloniale place la société sénégalaise dans ce qu’il est convenu d’appeler « la situation coloniale ». La pression se généralise et touche à tous les segments de la vie économique et sociale du pays. Face à la consolidation du système colonial « la société colonisée a un aspect instrumental, manipulé fixation de frontières, déplacements de main-d’œuvre et de villages, remaniement de l’habitat, remplacement ou création d’institutions administratives, dépossession des terres, substitution de pôles économiques, imposition d’un droit, de valeurs, de prestiges nouveaux... L’interventionnisme colonial est grandiose, la société soumise est un objet que d’autres organisent à leur aise » (Coquery-Vidrovitch C. et Monith., 1988, p. 363).

Mais malgré tout un dispositif militaro-administratif contraignant, l’administration coloniale reconnaît ses limites. C'est ainsi qu'elle éprouve la nécessité d'asseoir son autorité sur des intermédiaires détenant l’autorité sur les populations autochtones. L’illustration nous en est offerte dans la province du Damga dans la Fouta (Région de Matam). Dans cette province en 1891, au lieu de suivre les grands regroupements communautaires: Denyankobe, Aarembe, Soninké, qui occupent des zones géographiquement bien délimitées, l’administration coloniale a préféré d’une part la fragmenter en une multitude de petits cantons et d’autre part, à « conserver l’ancienne organisation féodale en attribuant la plupart des commandements des cantons à d’anciens chefs de grandes familles possesseurs traditionnels de fiefs immenses » . Par cette politique et pour des raisons qui leurs sont propres, les autorités coloniales ont renvoyé une bonne partie des chefs traditionnels en les remplaçant par des chefs dévoués à la cause française pour « services rendus ». A différentes reprises, l’administration coloniale trouve le besoin de supprimer certaines unités cantonales, soit qu’elles jugent du point de vue démographique peu importantes, soit parce qu'elles sont enclavées, soit parce que le choix du chef du moment ne permettait pas l’investiture de grands propriétaires fonciers . Et c’est partout comme ça dans les territoires du Sénégal.

La sauvegarde des privilèges et des acquis de la conquête territoriale a été une des constantes de l’action de l’administration coloniale. Compte tenu du rôle primordial que doit jouer l’administration et singulièrement le commandement indigène dans la gouvernance des territoires, ce rouage va retenir de manière particulière l’attention des autorités françaises. Selon Delavignette « il n’y a pas de politique indigène sans commandement territorial et pas de commandement territorial sans chefs indigènes qui servent de rouages entre l’autorité coloniale et la population » (Delavinette R., 1946, Service africain, Gallimard, p. 121). Cet échelon est, en effet, le lieu de contact, de jonction et de matérialisation des rapports de domination et d’exploitation. La gestion des hommes et des ressources dépendait presque exclusivement d’elle.

C’est ainsi qu’à la tête de chaque canton se trouvait un chef de canton issu de la chefferie traditionnelle, nommé, rétribué et révoqué, avec le même arbitraire par l’administrateur central. Traditionnellement il est choisi dans les familles qui, avant l’annexion jouaient déjà un rôle politique important dans les provinces soumises. Les autorités françaises feront par la suite de plus en plus appel aux corps des interprètes, aux commis d’administration, aux anciens militaires et à des gens acquis à la cause française. En 1935, un arrêté du 11 janvier organise l’administration indigène. Cette dernière repose désormais que les chefs de villages soient désignés par la majorité des chefs de famille et rémunérés au moyen de remises sur le produit des impôts (On voit bien le renouvellement de cette loi dans le Code des collectivités locales de 1996 qui reprend les dispositions de 1972). Tandis que les chefs de canton sont nommés par le Gouverneur et rétribués par soldes fixes plus des primes.

La manipulation des statuts et coutumes foncières vont davantage exacerber les crises. C'est dans ce contexte que toutes les terres non exploitées deviennent propriété de droit au gouvernement français par le principe de « terres sans maîtres ». Néanmoins, l’administration coloniale en se fondant son action sur les élites traditionnelles, consolide son emprise sur la société locale. Vers la fin de la période coloniale, à l'image des autres colonies françaises, le Sénégal se caractérisait par une extrême centralisation de l'administration centrale. Dans cette mouvance, le statut municipal, a évolué très lentement. Dans ce long cheminement, pour parvenir à des circonscriptions administratives dirigées par des fonctionnaires permutables à échelle nationale sans tenir compte de leur ethnie, de leur caste ou de leur origine sociale, il a fallu à l’administration coloniale française plus d’un siècle d’organisation et de réorganisation. Progressivement, avec des mesures parfois douloureuses et ne tenant compte que des intérêts coloniaux, que l’administration coloniale est parvenue à remplacer le pouvoir des chefs traditionnels par l'autorité coloniale. C’est par ce processus historique que le territoire de l’Etat-Nation du Sénégal a été construit. Par la transformation le regroupement ou le redécoupage de provinces et de subdivisions que sont constitués les cantons et les cercles coloniales.

Toutefois, si la période coloniale a était une étape charnière dans l'organisation administrative et territoriale du pays, les références territoriales précoloniales restent encore très encrées dans la conscience populaire. Ce qui fait que la réactualisation de ces découpages est très fréquemment convoqué, lorsqu'il s'agit de parler de son contrée d'origine ou de dynamiques organisationnelles sous l’appel du « local » ou du « pays » dans la perspective d'un développement local. C’est ainsi que l’on a l’habitude d’entendre : les baol-baol, les Djolof-Djolof, les walo-walo, les Foutanke les Saloum-Saloum etc. Ces découpages historiques ont non seulement eu des répercussions sur l’organisation administrative de l'organisation territoriale coloniale mais aussi dans les dispositions territoriales postindépendance.

Voilà brièvement esquissé le processus de la gouvernance coloniale des territoires du Sénégal, qui sans conteste présente à plusieurs niveaux des similitudes avec la politique « décentralisatrice » menée par la gouvernement de l’alternance sous Wade. (Voir mon livre : Décentralisation et gouvernance locale au Sénégal : quelle pertinence pour le développement local, l’Harmattan, 2006). Les deux prochaines parties de ce texte, nous en donneront plus d’éclairages.


Un nouveau découpage de la région de Dakar quelle pertinence ?

Sangalkam, devenue communauté rurale en 1985. Elle regroupait 33 villages pour une superficie de 195 Km2. L’évolution démographique de cette collectivité locale est marquée au cours des vingt huit dernières années par une croissance annuelle moyenne de 9,99%. Entre 1976 et 2004 sa population est passée de 16.000 à 60.768 habitants soit une augmentation de plus de 400%, aavec un taux d’accroissement exceptionnel de 12,96% en 2004 (Conseil rural de Sangalkam, 2010). Ainsi, sa population croit plus rapidement que partout dans la région de Dakar. Une telle situation découle de la conjugaison de plusieurs facteurs en particulier l’arrivée massive d’autres populations vue la dynamique d’urbanisation que connait la région. Si la tendance se maintient, elle aboutira à un dédoublement de la population à l’horizon 2014. Mais compte tenu que la localité constitue une zone de recasement de populations à travers différentes programmes de l’État tels que : « Un citoyen, un toit »; les ZAC de Kounoune et de Tivaoune Peulh, le plan Jaxaay, mais aussi la cité des Nations Unies (100 ha), l’Hôtel OCI (80 ha) et le village de la Paix (100 ha), tous prévus dans le secteur du Lac rose et Déni Biram Ndao, auxquels s’ajoutent les initiatives de promoteurs privés, on peut dire sans risque de se tromper que les contentieux fonciers ont encore de beaux jours devant eux dans cette zone.

En effet, le département de Rufisque, qui jusqu’à la fin des années 1990 était la zone par excellence de l’agriculture urbaine, car moins peuplé de la région, attire de plus en plus la convoitise pour les futures extensions de la métropole. Depuis l’érection de Sébikotane en commune, la spéculation foncière a atteint la zone Bambilor-Sangalkam, qui connait à son tour des problèmes de disponibilité de foncier urbanisable. De même, la partie nord-est de Rufisque, fait l’objet d’une importante pression foncière depuis quelques années, ce qui a été à l’origine des litiges entre la ville de Rufisque et (l’ex) communauté rurale de Sangalkam. Cette dernière accusait la première d’empiéter sur ses terres. Au niveau de la zone on note l’importance des appropriations privatives avec très souvent, des titres fonciers sur plusieurs hectares (Bambilor abrite le plus grand titre foncier de la région : le TF n° 1975, sur une superficie de 2514 ha). En 1971 déjà, sur 17,792 ha, 23% étaient immatriculées et 48% étaient constitués par des « exploitations agricoles des « agriculteurs du dimanche ». À Yène, l’autre communauté rurale de la région (Jusqu’à la dernière réforme territoriale du 29 mars 2011.), la situation est à peu près identique, toutefois avec une prépondérance des petits titres privés.

C’est ainsi que la tension est montée d’un cran au niveau de la localité de Bambilor, lorsque des bulldozers du génie militaire, sous la surveillance d’un détachement de la Légion de Gendarmerie d’Intervention (LGI), ont tout rasé sur leur passage : vergers, habitations et poulaillers, le lundi 25 avril 2011. De même, le foncier est une question très sensible au niveau de Sendou, nouvellement érigé en commune. Des litiges avaient même étaient portés auprès en Justice, pour vente de terrains appartenant au Domaine national. Faisant partie de la commune de Bargny, jusqu’à la réforme territoriale du 29 mars 2011, le village de Sendou, à 3 km de cette dernière en bordure de mer.

La frénésie de découpage administrative qui touche la région de Dakar expliquée comme un souci de « rapprocher davantage l’administration des administrés, et dans un souci permanent de rendre plus efficace notre système de décentralisation, pour mieux répondre aux préoccupations de développement à la base exprimées par les populations » , suit la même logique que ceux qui l’ont précédés. La même logique de recherche de la proximité pour une gestion efficace des villes de la région a été à l’origine, en 1990, de la création des communes de Guédiawaye et Bargny, respectivement dans les départements de Pikine et Rufisque, par la loi n° 90-36 et son décret d’application n° 90-1134 du 8 octobre 1990. Egalement, l’entrée en vigueur de la régionalisation à partir de janvier 1997, suite aux réformes de 1996, s’est traduite, dans la région de Dakar, par un nouveau découpage avec la création de communes-villes (Dakar, Pikine, Guédiawaye et Rufisque), par le décret n° 96-745 du 30 avril 1996, de 43 communes d’arrondissement.

Pour la dernière réforme a été dénoncée par l’opposition de l’époque (aujourd’hui au pouvoir), car faite uniquement pour des mobiles politiques ont été à la base de ce processus, les données démographiques prouvent cependant, au moins une chose : la taille de la population des anciennes communes de Dakar était telle, qu’elle ne permettait pas une gouvernance de proximité. En effet, comment un seul maire pouvait-il gérer une population des villes comme Dakar ou Pikine, avec respectivement 806 374 et 602 536 habitants ? (Données démographique de 1996). Même s’il existe des délégués de quartier, maillons intermédiaires avec la base, ces derniers ne permettaient pas une réelle maîtrise des aspirations d’une population en croissance continue et en proie à des difficultés aussi diverses qu’urgentes : l’accès au logement, la mobilité urbaine, la santé, l’hygiène, l’enlèvement des ordures, l’éclairage public, la scolarisation des enfants etc.; autant de raisons parmi tant d’autres, qui justifieraient ce découpage (Voir mon livre : Décentralisation et gouvernance locale au Sénégal : quelle pertinence pour le développement local, l’Harmattan, 2006). Par ailleurs, la ville de Dakar a fini par prendre des proportions telles, eu égard à la densité de sa population et aux nombreuses activités qui s’y développent à un rythme incontrôlable, qu’il était devenu difficile de la gérer correctement. Il fallait donc trouver d’autres mécanismes pour mieux maîtriser, sinon suivre de manière correcte, le développement de cette agglomération. Ainsi, selon les autorités, loin d’être un émiettement inutile comme certains l’ont critiqué l’opposition, ce découpage épouse l’esprit de la décentralisation administrative et territoriale appliquée au Sénégal depuis 1972. En effet, certains ont vu dans la création des communes d’arrondissement, une volonté politique pour récupérer la capitale suite à la défaite du parti socialiste lors des élections de 1993.

Néanmoins, sans attendre l’avis du Conseil régional de Dakar, comme le lui oblige le Code des collectivités locales et l’opposition des populations, le Président de la République a quand même signé les décrets portant création de nouvelles collectivités locales dans la région : la commune de Bargny a été fractionnée pour donner la nouvelle commune de Sendou, et d’autre part, l’ex communauté rurale de a donnée naissance à quatre collectivités locales dont deux communes : et Jaxaay- Parcelles-Naicoul Rab, et deux communautés rurales : Bambylor et Tivaouane Peulh-Niaga (Décret n° 2011-422 du 29 mars 2011).

A la lumière de l’aperçu historique présenté ci-dessus et en analysant le processus de décentralisation-développement local mené depuis 1972, on est en droit de s’interroger sur la pertinence d’un tel découpage. Si c’est la proximité qui l’a guidé, comme annoncé dans les motivations avancées par les autorités, qu’est ce que cette proximité a vraiment apporté aux habitants des communes d’arrondissements des départements de Guédiawaye dans l’eau de plus de 5 ans ? Qu’est ce que cette proximité a apporté vraiment dans la gestion des 43 communes d’arrondissements de la région d’une façon générale ?

Quel statut pour les chefs de village ?

Ousmane Ngom, ministre l’Intérieur a annoncé un nouveau statut pour les chefs de village. La raison avancée ici aussi, c’est « l’approfondissement de la décentralisation et de la déconcentration des pouvoirs ». Selon lui, ce statut devra leur donner la considération et la dignité mais également toutes les possibilités d’accomplir convenablement leurs mission , car « ils constituent un maillon essentiel du fonctionnement de l’Administration, de l’Etat et, au-delà de l’Etat, du pays, car les chefs de village sont au contact quotidien avec les populations et ont de nombreuses missions à accomplir au quotidien pour le bénéfice du pays » ... « ils sont des acteurs principaux, sinon les porteurs du développement du pays ». Egalement, « en tant que leaders d’opinion, ils jouent un rôle important auprès des populations ». Cette initiative est présentée, selon les autorités, comme une façon de couronner un processus entamé par le président Wade depuis son arrivée au pouvoir en accordant « des avantages et de la considération pour valoriser la fonction d’élu local ». Car « il ne restait que ce dernier maillon à franchir ».

Du point de vue administratif, organisé à l’intérieur du territoire de la communauté rurale, le village constitue l’organisation démographique, spatiale et économique de base au Sénégal. Depuis la réforme de 1972, cette entité est l’unité administrative élémentaire dans le paysage administratif du pays. Le village est administré par un chef nommé par arrêté du préfet sur proposition du sous-préfet après consultation des chefs de carrés (article 34 de la loi de 1972). Cette décision ne devient définitive qu’après avoir reçu l’approbation du Ministre de l’Intérieur. Le décret 72-636 du 29 novembre 1972, modifié par l'article 34 et le décret n°96-228 du 22 mars 1996, relatif aux attributions des chefs de circonscriptions administratives et des chefs de villages, montre que le chef de village a un pouvoir non négligeable. Selon les articles 9 de la loi de 1972 et la loi 96-10 du 22 mars 1996 et son décret d'application n°96-228 du 22 mars 1996, sous l’autorité du sous-préfet et du président du conseil rural, le chef de village fait appliquer les lois et règlements, les décisions de l’autorité administrative et celle du Conseil rural. Il aide au recensement de la population et tient les cahiers de l’état civil du village. Il est aussi chargé de la collecte de l'impôt au niveau du village, (articles 35 et 35 bis).

D’une région à une autre, la proportion de villages officiellement reconnus varie. Ce regroupement est basé sur l’interconnaissance et la proximité. L’importance du nombre et de leur structure hameau, campement, village-centre; sont fonction des réalités physiques, sociodémographiques, économiques et politico-religieuses. Et certaines communautés villageoises prennent de nombreuses d’initiatives pour l’amélioration des conditions de vie de leur population en mettant en place d’importantes infrastructures à travers les Associations Villageoises de Développement (AVD) : construction de poste de santé, d’écoles, de cases de santé, gestion de forage, mise en place de magasins de céréales, etc. Selon la Direction de l’Aménagement du Territoire, en 2000 le Sénégal comptait officiellement actuellement 13 544 villages. Lors de l’audience accordée par le président Wade à près de 2000 délégués représentant, le chiffre de 17 835 villages a été présenté par le ministère de l’Intérieur, soit une augmentation de 4291 villages en 11 ans. Au-delà de l’interrogation que l’on pourrait se faire sur où ces villages ont été crées, c’est la première fois dans l’histoire du Sénégal indépendant que le président de la République ces auxiliaires de l’administration territoriale. Après avoir réuni préfets et gouverneurs de région, n’est pas là une tentative d’aliéner à sa cause ces « grands électeurs » en direction des prochaines joutes électorales de 2012 ? En effet, si potentiellement les 17 835 chefs de village adhère au programme du candidat Wade et lui apporte chacun 100 électeurs, c’est un total de 1.783.500, soit plus de 36% de l’électorat (corps électoral de 2007, chiffré à 4.835.631 électeurs). En outre, selon l’audit du fichier électoral sur les 6.125 lieux de votes recensés au Sénégal, deux ne disposent pas d’une adresse électorale. C’est le cas de Samelah à Touba qui comporte 145 bureaux de vote, soit près de 100 000 électeurs. Or lors de l’élection Présidentielle de 2007, le candidat Abdoulaye Wade y avait obtenu près de 87% des voix. (Rapport global de la mission d’audit des experts de l’Union européenne et de l’Usaid a été remis solennellement au président de la République, le jeudi 27 janvier 2011). Ce qui pose un autre point d’interrogation sur les 4291 autres villages crée entre 2000 et 2011 et potentiellement des lieux de vote « festifs ou réels ».

Enfin, le nouveau statut du chef de village en préparation avec « carte professionnelle infalsifiable, badges, drapeaux et diplômes, et que l’Etat va les protéger contre des agressions verbales ou de quelques natures que ce soit, désormais punies dans le Code pénal comme l’outrage à une personnalité de l’Etat et décorés dans les deux ordres (mérite, national), ainsi que des billets pour La Mecque et Rome ; de même que leur rémunération avec un traitement mensuellement entre 50 000 et 70 000 FCFA et l’octroi de véhicules » (selon le président Wade) n’a-t-il pas d’autres relents inavoués ? Après les Président de Conseil Rural (PCR) avec le décret n°2005-48 du 11 janvier 2005 qui accorde des indemnités de 150.000F au PCR et 25.000F aux deux vice-présidents à la place des 15.000F et 10.000 F et des véhicules de fonction sans matricule ni assurance, est ce vraiment une correction des « injustices » dont ont été victimes ces « membre le plus incontournable dans la construction de la Nation et ces gardien de la légalité » ? Alors pourquoi pas le même traitement pour les délégués de quarrer qui joue un rôle similaire dans les centres urbains ? Pourquoi un poids deux mesures ?

Pour poursuivre cette analyse je vous renvoie à mon livre : Décentralisation et gouvernance locale au Sénégal : quelle pertinence pour le développement local, l’Harmattan, 2006, 267 p.



Dr Djibril DIOP
djibril.diop@umontreal.ca


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