L’opacité qui entoure la gestion des ressources budgétaires des collectivités locales au Sénégal est bien illustrée à travers l’intervention de ces dernières dans le domaine de l’Action sociale. En effet, l’absence de dispositions réglementaires encadrant la distribution de ce fonds « aux nécessiteux » (proportion du budget devant aller aux œuvres sociales n’étant pas déterminée par la loi), laisse, très souvent, la porte ouverte à des dérives injustifiables. Dans ce papier nous nous intéresserons à la partie (b) de la loi et à la section 2 du décret transférant des compétences aux collectivités locales, en matière de Santé, de population et d’Action sociale.
Selon les autorités municipales, c’est en se « pliant à la volonté des populations » qu’elles organisent ces actions. Mais personne n’évoque les dispositions du Code des collectivités locales en la matière. Or, cette carence place les autorités municipales dans une situation incontrôlable vis-à-vis de la gestion des ressources de la collectivité.
Selon le Maire du Plateau, Fadel Gaye , à l’occasion de plusieurs circonstances (comme le mois de ramadan), elles sacrifient à la tradition en distribuant régulièrement des denrées et autres dons à l’endroit des nécessiteux pour les soutenir à l’approche durant ces périodes (fêtes religieuses musulmanes et chrétiennes). C’est dans ce cadre que depuis 2002, la Ville de Dakar, dans le cadre de sa politique dite « sociale », organise des séances de distribution de « secours » aux populations « nécessiteux ». Selon les autorités de la Ville, c’est une manière de retourner l’ascenseur aux contribuables. Ainsi, les sommes remises ne cessent d’accroitre depuis le début de l’incitative. De 100 millions à cette même année, l’enveloppe globale a atteint 706 millions en 2007 avec un pic de 1,034 milliard en 2006.
Cette année à l’occasion de la Tabaski, pour assistance aux populations dakaroise, la mairie de Dakar distribue 500 millions FCfa (soit 15.000 mandats distribués) . Ainsi, des enveloppes de 20.000 à 100.000 FCfa sont remises à chaque personne inscrite sur les listes ouvertes trois mois avant la distribution. Si pour les autorités cette distribution se fait de manière transparente par l’entremise d’un « courrier ouvert pour toute personne désireuse de recevoir ces aides », et en outre que « les anciennes gloires du sport, les artistes et certaines personnalités reçoivent d’office des aides sans pour autant faire une demande » , donc tous les « nécessiteux » de la collectivité peuvent y prétendre. Or la réalité démontre le contraire, avec un traitement partisan dans la distribution. Pire, les membres de l’équipes municipale peuvent eux aussi, percevoir ces « secours », normalement, destinés « aux nécessiteux ». Ce qui pose par ailleurs, la nécessité de circonscrire, ce concept de « nécessiteux » pour bénéficier de cette aide. En outre, comme l’établit les autorités municipales, il suffit de s’inscrire trois semaine avant la distribution pour en bénéficier, donc les proches du dossier peuvent donc inscrire tout nom fictif et par la suite recouvrer les sommes indiquées. Car aucun contrôle n’et fait réellement sur ces destinataires, réels ou supposés. Nous l’avons noté avec les accusations portées sur l’ex-Maire des Parcelles Assainies, Mbaye Ndiaye après sa suspension. Les exemples cités ici ne sont qu’une illustration d’une phénomène largement rependu dans la gestion des collectivités locales.
La loi 96-07 du 22 mars 1996 modifiée en son article 32 et son décret d’application n°96-1135 du 27 décembre 1996 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales en matière de Santé population et d'Action sociale, établissent les compétences de la commune en matière de Santé, population et d’action sociale. Selon la loi, la commue reçoit comme compétence :
- la participation à l'entretien et à la gestion de centres de promotion et de réinsertion sociale ;
- l'organisation et la gestion de secours au profit des nécessiteux;
- l'appui au financement de projets productifs au profit des populations déshéritées.
Quant au décret, notamment ses articles 17 à 22, circonscrivent cette compétence. Ainsi, selon l’article 21, « la commune reçoit compétence pour l’organisation et la gestion des secours au profit des nécessiteux ». Pour ce faire, le Conseil municipal crée une commission chargée de son organisation et de sa gestion en établissant les règles devant encadrer les dits secours.
Mais dans les faits, hormis le Maire et quelques conseillers proches, la majorité des membres du Conseil municipal ignore les modalités de distribution de ces « secours aux nécessiteux ». Egalement, le plus souvent, celle-ci se fait sur des bases politiques et politiciens au détriment de la logique qui devait la sous-tendre (« nécessiteux »). Ce qui en fait un fonds politique à la disposition du Maire pour sa propagande. Par ailleurs, l’article 22 du décret établit que la commune doit appuyer « le financement des projets individuels ou collectifs de réinsertion sociale après étude technique du responsable du centre de promotion et de réinsertion sociale », mais ce domaine n’est soutenu réellement par aucune collectivité locale. En effet, aucune véritable politique de réinsertion n’est élaborée par les autorités municipales pour faire face au chômage et au sous-emploi qui menacent l’équilibre social. En dehors de la politique nationale d’insertion des jeunes, il y a un vide. Et pourtant, la loi est claire sur ce plan aussi.
Ainsi, n’y a t-il pas lieu de s’interroger sur un certains nombre de questionnements ? Qui est « nécessiteux », qui ne l’est pas ? Autrement dit, sur quels critères on se base pour déterminer un ayant droit ? Quel contrôle est fait de son usage une fois la distribution faite ? Une simple inscription sur une liste peut-elle servir de preuve pour la traçabilité des fonds alloués ? Quelles limites et quel montant sont déterminés pour l’Action sociale dans le budget annuel de la collectivités locale et sur quels critères ? Comment est faite la détermination de la somme globale annuelle distribuée à titre d’Action sociale ? Qu’est ce que signifie réellement « l’Action sociale » pour les autorités municipales ? Autant de questions, qui, à mon avis, méritent des éclairages pour rendre cette « caisse noire » plus transparente et lui donner son véritable sens et son véritable rôle, à savoir venir en aide aux nécessiteux.
Dr Djibril DIOP
Chargé de cours Université de Montréal (Canada)
djibril.diop@umontreal.ca
Selon le Maire du Plateau, Fadel Gaye , à l’occasion de plusieurs circonstances (comme le mois de ramadan), elles sacrifient à la tradition en distribuant régulièrement des denrées et autres dons à l’endroit des nécessiteux pour les soutenir à l’approche durant ces périodes (fêtes religieuses musulmanes et chrétiennes). C’est dans ce cadre que depuis 2002, la Ville de Dakar, dans le cadre de sa politique dite « sociale », organise des séances de distribution de « secours » aux populations « nécessiteux ». Selon les autorités de la Ville, c’est une manière de retourner l’ascenseur aux contribuables. Ainsi, les sommes remises ne cessent d’accroitre depuis le début de l’incitative. De 100 millions à cette même année, l’enveloppe globale a atteint 706 millions en 2007 avec un pic de 1,034 milliard en 2006.
Cette année à l’occasion de la Tabaski, pour assistance aux populations dakaroise, la mairie de Dakar distribue 500 millions FCfa (soit 15.000 mandats distribués) . Ainsi, des enveloppes de 20.000 à 100.000 FCfa sont remises à chaque personne inscrite sur les listes ouvertes trois mois avant la distribution. Si pour les autorités cette distribution se fait de manière transparente par l’entremise d’un « courrier ouvert pour toute personne désireuse de recevoir ces aides », et en outre que « les anciennes gloires du sport, les artistes et certaines personnalités reçoivent d’office des aides sans pour autant faire une demande » , donc tous les « nécessiteux » de la collectivité peuvent y prétendre. Or la réalité démontre le contraire, avec un traitement partisan dans la distribution. Pire, les membres de l’équipes municipale peuvent eux aussi, percevoir ces « secours », normalement, destinés « aux nécessiteux ». Ce qui pose par ailleurs, la nécessité de circonscrire, ce concept de « nécessiteux » pour bénéficier de cette aide. En outre, comme l’établit les autorités municipales, il suffit de s’inscrire trois semaine avant la distribution pour en bénéficier, donc les proches du dossier peuvent donc inscrire tout nom fictif et par la suite recouvrer les sommes indiquées. Car aucun contrôle n’et fait réellement sur ces destinataires, réels ou supposés. Nous l’avons noté avec les accusations portées sur l’ex-Maire des Parcelles Assainies, Mbaye Ndiaye après sa suspension. Les exemples cités ici ne sont qu’une illustration d’une phénomène largement rependu dans la gestion des collectivités locales.
La loi 96-07 du 22 mars 1996 modifiée en son article 32 et son décret d’application n°96-1135 du 27 décembre 1996 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales en matière de Santé population et d'Action sociale, établissent les compétences de la commune en matière de Santé, population et d’action sociale. Selon la loi, la commue reçoit comme compétence :
- la participation à l'entretien et à la gestion de centres de promotion et de réinsertion sociale ;
- l'organisation et la gestion de secours au profit des nécessiteux;
- l'appui au financement de projets productifs au profit des populations déshéritées.
Quant au décret, notamment ses articles 17 à 22, circonscrivent cette compétence. Ainsi, selon l’article 21, « la commune reçoit compétence pour l’organisation et la gestion des secours au profit des nécessiteux ». Pour ce faire, le Conseil municipal crée une commission chargée de son organisation et de sa gestion en établissant les règles devant encadrer les dits secours.
Mais dans les faits, hormis le Maire et quelques conseillers proches, la majorité des membres du Conseil municipal ignore les modalités de distribution de ces « secours aux nécessiteux ». Egalement, le plus souvent, celle-ci se fait sur des bases politiques et politiciens au détriment de la logique qui devait la sous-tendre (« nécessiteux »). Ce qui en fait un fonds politique à la disposition du Maire pour sa propagande. Par ailleurs, l’article 22 du décret établit que la commune doit appuyer « le financement des projets individuels ou collectifs de réinsertion sociale après étude technique du responsable du centre de promotion et de réinsertion sociale », mais ce domaine n’est soutenu réellement par aucune collectivité locale. En effet, aucune véritable politique de réinsertion n’est élaborée par les autorités municipales pour faire face au chômage et au sous-emploi qui menacent l’équilibre social. En dehors de la politique nationale d’insertion des jeunes, il y a un vide. Et pourtant, la loi est claire sur ce plan aussi.
Ainsi, n’y a t-il pas lieu de s’interroger sur un certains nombre de questionnements ? Qui est « nécessiteux », qui ne l’est pas ? Autrement dit, sur quels critères on se base pour déterminer un ayant droit ? Quel contrôle est fait de son usage une fois la distribution faite ? Une simple inscription sur une liste peut-elle servir de preuve pour la traçabilité des fonds alloués ? Quelles limites et quel montant sont déterminés pour l’Action sociale dans le budget annuel de la collectivités locale et sur quels critères ? Comment est faite la détermination de la somme globale annuelle distribuée à titre d’Action sociale ? Qu’est ce que signifie réellement « l’Action sociale » pour les autorités municipales ? Autant de questions, qui, à mon avis, méritent des éclairages pour rendre cette « caisse noire » plus transparente et lui donner son véritable sens et son véritable rôle, à savoir venir en aide aux nécessiteux.
Dr Djibril DIOP
Chargé de cours Université de Montréal (Canada)
djibril.diop@umontreal.ca