Les USA et le monde sont-ils menacés par un nouvel épisode inflationniste, similaire à celui des années 1970 et du début des années 1980? Ou bien les taux bas actuels d'inflation présagent-ils d'une faible inflation dans un futur proche?
David Wessel a réexaminé cette question dans le Wall Street Journal. Il affirme à juste titre que la position de la Réserve fédérale de Ben Bernanke est que l’évolution de l'inflation dépend des anticipations : l'inflation restera faible si les gens anticipent qu’elle restera faible. Wessel cite Bernanke: « L'état des anticipations de l'inflation influe grandement sur l'inflation réelle et donc la capacité de la banque centrale à parvenir à la stabilité des prix. »
Le président de la Fed envisage le lien de causalité précisément dans le mauvais sens. La politique de la Fed forme systématiquement les anticipations de l'inflation. Ce faisant, Bernanke suit une longue lignée de banquiers centraux. Dans son Histoire de la Réserve fédérale (volume 1: 1913-1951), le Professeur Allan Meltzer de l’Université Carnegie-Mellon résume l’état d’esprit « banque centrale ». S’il y a une théorie derrière les politiques des banques centrales, elle vient des penseurs de l’École de la banque au XIXe siècle. Leur chef de file était Thomas Tooke, qui « niait que la monnaie, le crédit, ou la base monétaire avaient une relation cohérente avec les prix. La plupart des responsables de la Réserve fédérale est restée dans cette tradition dans les années 1920. Ils niaient que leurs actions affectaient les prix ». Malheureusement pour les défenseurs de la politique actuelle de la Fed, l'inflation s'accélère dans le monde entier.
L’ancien éditorialiste George Melloan a expliqué dans le Wall Street Journal comment la science économique a contribué à la crise au Moyen-Orient. L'inflation des prix à la consommation en Egypte s’est élevée à 18 % par an en 2009 contre 5 % en 2006. En Iran, l'inflation est passée à 25 % en 2009, à partir d'un taux déjà élevé de 13 % en 2006. L'inflation accrue a frappé durement les budgets des ménages, surtout ceux, nombreux dans ces pays, qui vivent difficilement. Les gens désespérés descendent dans la rue.
La politique monétaire n'est pas le seul coupable de la hausse des prix des denrées alimentaires. Il y a eu un certain nombre de chocs d'offre négatifs affectant l’offre de diverses denrées alimentaires, et ces chocs ont certainement contribué à la hausse des prix. Les banquiers centraux les pointent souvent du doigt pour contrer les accusations selon lesquelles la politique monétaire est fautive.
Deux points doivent être relevés. Tout d'abord, la production et les prix alimentaires ont augmenté au niveau mondial. La hausse des prix et de la production reflètent la demande croissante relativement à l'offre. Deuxièmement, presque tous les produits, et pas seulement des produits agricoles, ont été pris dans un courant monétaire ascendant, notamment le pétrole, l’or, l’argent, le cuivre, et toute une gamme d'autres produits utilisés dans la production. Un « retardataire » remarquable est le gaz naturel, dont le prix a été maintenu par des chocs positifs de l'offre par de nouvelles découvertes. Le gaz naturel va à l'encontre de l’argument des banquiers centraux.
Les produits de base, comme la plupart des marchandises échangées au niveau mondial, sont libellés en dollars. La Fed crée une base monétaire : les réserves des banques ainsi que les espèces. Les banques développent la base monétaire en prêtant les réserves. Au plus il y a de monnaie de base et de monnaie bancaire produite, au plus le prix en dollars des matières premières et autres marchandises monte. C'est la vieille histoire de trop d'argent pour des biens trop peu nombreux, et qui fait grimper leurs prix.
L'histoire de l'inflation cette fois-ci a été compliquée par une économie américaine faible, dont la croissance est encore freinée par les conséquences de la crise de l'immobilier. L'expansion bancaire de la masse monétaire au moyen de prêts a eu lieu non dans l'économie américaine, mais dans les économies émergentes, en particulier en Asie et en Amérique latine. Les citoyens de ces pays la paient maintenant sous la forme de l'inflation. Les consommateurs américains commencent même aujourd’hui à sentir le fouet de l'inflation, comme peut en témoigner toute ménagère qui va à l'épicerie.
Les monnaies de nombreux pays sont rattachées au dollar. Leurs taux de change sont soit une constante ou évoluent lentement. Ainsi, en pratique, lorsque la Fed crée des dollars, il en résulte une masse monétaire accrue dans d'autres pays. Ce n'est pas forcément « 1 pour 1 », mais cela est proportionnel. La politique de faible taux d'intérêt de la Fed a favorisé non seulement un boom des matières premières, mais une bulle immobilière dans les pays d'Asie et d'ailleurs.
Le président de la Fed estime que les banques centrales étrangères peuvent compenser la politique de la Fed. Cela les confronte à un choix qui n'en est pas un. Si elles agissent efficacement pour compenser la politique de la Fed en augmentant leurs taux d'intérêt et leur taux de change, elles risquent de fragiliser leurs propres économies. Sur la base de l'expérience, il est tout aussi probable que les taux d'intérêt plus élevés dans ces pays attirent davantage de capitaux spéculatifs, alimentant les bulles d'actifs, la hausse des prix des produits de base et, sans doute, l'inflation des prix à la consommation. Et c’est ce qui se passe.
Bernanke est peu sincère sur les options dont disposent les banques centrales étrangères et les États pour contrecarrer la politique d’argent facile de la Fed, qui menace le monde d'une épidémie d'inflation similaire aux années 1970.
Gerald O’Driscoll est ancien vice-président de la Federal Reserve de Dallas et analyste au Cato institute à Washington DC.
Cet article a été publié originellement en anglais sur le Freeman
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org
David Wessel a réexaminé cette question dans le Wall Street Journal. Il affirme à juste titre que la position de la Réserve fédérale de Ben Bernanke est que l’évolution de l'inflation dépend des anticipations : l'inflation restera faible si les gens anticipent qu’elle restera faible. Wessel cite Bernanke: « L'état des anticipations de l'inflation influe grandement sur l'inflation réelle et donc la capacité de la banque centrale à parvenir à la stabilité des prix. »
Le président de la Fed envisage le lien de causalité précisément dans le mauvais sens. La politique de la Fed forme systématiquement les anticipations de l'inflation. Ce faisant, Bernanke suit une longue lignée de banquiers centraux. Dans son Histoire de la Réserve fédérale (volume 1: 1913-1951), le Professeur Allan Meltzer de l’Université Carnegie-Mellon résume l’état d’esprit « banque centrale ». S’il y a une théorie derrière les politiques des banques centrales, elle vient des penseurs de l’École de la banque au XIXe siècle. Leur chef de file était Thomas Tooke, qui « niait que la monnaie, le crédit, ou la base monétaire avaient une relation cohérente avec les prix. La plupart des responsables de la Réserve fédérale est restée dans cette tradition dans les années 1920. Ils niaient que leurs actions affectaient les prix ». Malheureusement pour les défenseurs de la politique actuelle de la Fed, l'inflation s'accélère dans le monde entier.
L’ancien éditorialiste George Melloan a expliqué dans le Wall Street Journal comment la science économique a contribué à la crise au Moyen-Orient. L'inflation des prix à la consommation en Egypte s’est élevée à 18 % par an en 2009 contre 5 % en 2006. En Iran, l'inflation est passée à 25 % en 2009, à partir d'un taux déjà élevé de 13 % en 2006. L'inflation accrue a frappé durement les budgets des ménages, surtout ceux, nombreux dans ces pays, qui vivent difficilement. Les gens désespérés descendent dans la rue.
La politique monétaire n'est pas le seul coupable de la hausse des prix des denrées alimentaires. Il y a eu un certain nombre de chocs d'offre négatifs affectant l’offre de diverses denrées alimentaires, et ces chocs ont certainement contribué à la hausse des prix. Les banquiers centraux les pointent souvent du doigt pour contrer les accusations selon lesquelles la politique monétaire est fautive.
Deux points doivent être relevés. Tout d'abord, la production et les prix alimentaires ont augmenté au niveau mondial. La hausse des prix et de la production reflètent la demande croissante relativement à l'offre. Deuxièmement, presque tous les produits, et pas seulement des produits agricoles, ont été pris dans un courant monétaire ascendant, notamment le pétrole, l’or, l’argent, le cuivre, et toute une gamme d'autres produits utilisés dans la production. Un « retardataire » remarquable est le gaz naturel, dont le prix a été maintenu par des chocs positifs de l'offre par de nouvelles découvertes. Le gaz naturel va à l'encontre de l’argument des banquiers centraux.
Les produits de base, comme la plupart des marchandises échangées au niveau mondial, sont libellés en dollars. La Fed crée une base monétaire : les réserves des banques ainsi que les espèces. Les banques développent la base monétaire en prêtant les réserves. Au plus il y a de monnaie de base et de monnaie bancaire produite, au plus le prix en dollars des matières premières et autres marchandises monte. C'est la vieille histoire de trop d'argent pour des biens trop peu nombreux, et qui fait grimper leurs prix.
L'histoire de l'inflation cette fois-ci a été compliquée par une économie américaine faible, dont la croissance est encore freinée par les conséquences de la crise de l'immobilier. L'expansion bancaire de la masse monétaire au moyen de prêts a eu lieu non dans l'économie américaine, mais dans les économies émergentes, en particulier en Asie et en Amérique latine. Les citoyens de ces pays la paient maintenant sous la forme de l'inflation. Les consommateurs américains commencent même aujourd’hui à sentir le fouet de l'inflation, comme peut en témoigner toute ménagère qui va à l'épicerie.
Les monnaies de nombreux pays sont rattachées au dollar. Leurs taux de change sont soit une constante ou évoluent lentement. Ainsi, en pratique, lorsque la Fed crée des dollars, il en résulte une masse monétaire accrue dans d'autres pays. Ce n'est pas forcément « 1 pour 1 », mais cela est proportionnel. La politique de faible taux d'intérêt de la Fed a favorisé non seulement un boom des matières premières, mais une bulle immobilière dans les pays d'Asie et d'ailleurs.
Le président de la Fed estime que les banques centrales étrangères peuvent compenser la politique de la Fed. Cela les confronte à un choix qui n'en est pas un. Si elles agissent efficacement pour compenser la politique de la Fed en augmentant leurs taux d'intérêt et leur taux de change, elles risquent de fragiliser leurs propres économies. Sur la base de l'expérience, il est tout aussi probable que les taux d'intérêt plus élevés dans ces pays attirent davantage de capitaux spéculatifs, alimentant les bulles d'actifs, la hausse des prix des produits de base et, sans doute, l'inflation des prix à la consommation. Et c’est ce qui se passe.
Bernanke est peu sincère sur les options dont disposent les banques centrales étrangères et les États pour contrecarrer la politique d’argent facile de la Fed, qui menace le monde d'une épidémie d'inflation similaire aux années 1970.
Gerald O’Driscoll est ancien vice-président de la Federal Reserve de Dallas et analyste au Cato institute à Washington DC.
Cet article a été publié originellement en anglais sur le Freeman
Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org